WIENER CONCERT
Marseille
Théâtre Toursky
18 septembre 2009
Événement exceptionnel : l’Orchestre symphonique de Vienne, le Wiener Concert en formation réduite, pour la première fois dans notre ville, au Théâtre Toursky, avec une création mondiale, et, événement hélas banal, ce même théâtre se voit amputé de toute subvention par le Ministère de la Culture et la DRAC PACA… Bel augure pour Marseille capitale culturelle… En tout les cas, ce privilège en ouverture de saison se devait non à la France, non à Marseille, mais à la générosité du Ministère de la culture autrichien et du consulat d’Autriche à Marseille, dont le Consul Jean-Léopold Renard et son conseiller culturel Michel Pastore sont les inlassables animateurs du Festival des Musiques interdites.
Seule musique et musicien interdits du programme, Felix Mendelssohn Bartholdy, dont un journal nazi écrivait: « cette musique est géniale mais, en dépit de sa valeur musicale, elle n’est pas supportable pour un mouvement de culture raciste.»
C’est donc avec une jouissance décuplée que l’on goûta, d’abord, sa Symphonie pour cordes N° 2 en fa dièse. Sous la direction précise et souple à la fois d’Errol Girdlestone, toute en nuances, avec des attaques sûres et moelleuses, l’ensemble des cordes chante merveilleusement comme un seul instrument à la fois, avec, parfois, les différenciant, l’étagement des aigus ailés des violons élevés sur une douce estompe des cordes graves.
Le Concerto pour violon, piano et orchestre en ré mineur, débute par une longue introduction orchestrale avant que n’entre, dans ce nappage somptueux, ces rideaux soyeux de scène, le dialogue agile du piano et du violon volubile, appuyé sur de légères touches, des ponctuation des cordes à l’écoute de ce duo. Et quel duo ! Une superbe pianiste japonaise, Maki Miura-Belkin, et une violoniste Tchèque, Vera Novokova-Brodmann, toutes deux établies chez nous, qui manifestèrent que l’époque romantique est celle des solistes virtuoses des deux instruments emblématiques, le violon de Paganini et le piano des Chopin et Liszt: brillantissimes dans les mouvements vifs, fougue et passion dans le scherzo, entourant un adagio rêveur aux brumeuses cordes. Grand moment justement salué.
Beau cadeau: en présence du jeune compositeur Helmut Schmidinger (né en 1969) la création mondiale de Je suis assis dans le désert, "Symphonie en cinq phrases pour orchestre à cordes", où, effectivement, les cordes sont traitées dans une vaste palette de leurs possibilités. Cela commence par une pulsation angoissante, une opposition et oppression piano/forte dans une sorte de marche implacable. Un ostinato mystérieux vibre aux premiers violons, dont le spectre s’élargit à deux violoncelles, d’une grande force expressive, pincé de pizzicati et de percussions avec l’archet ; les solos parcourent divers pupitres dans des frémissements et des nuances diverses. Cette musique, d’une belle couleur et saveur, d’une grande rigueur rythmique, évoque le premier Schönberg post-romantique, expressionniste, à la tonalité très élargie, flirtant avec l’atonalité. Mais le dernier motif, tout timple, tout dansant, semble un ironique retour à une plate tonalité.
La soirée fut couronnée par la Symphonie N° 49, « La Passione », de Joseph Haydn, caressée et ciselée par le chef, avec des vents apportant leur souffle délicat à l’homogénéité transparente des cordes : premier thème implorant comme une supplique noble et tendre, puis une déclaration pleine de feu, un menuet de charme et un scherzo brillant, étincelant d’un orchestre chaleureux et lumineux. Un régal.
Entre chaque morceau, la comédienne Cécile Auclert, éprise de musique et jouant bien entre elle, de noir vêtue, d’une élégante simplicité, de la scène à la salle, lisait des textes choisis, de Benjamin Constant, de l’ignoble anonyme sur Mendelssohn, de Roberto Calasso et, pour finir, une émouvante lettre, pleine de modestie de « Papa Haydn ». Musiques qui chantaient au cœur et textes qui parlaient à l’esprit.
Marseille, Théâtre Toursky, 18 septembre 2009,
Wiener Concert, direction Errol Girdlestone :
Felix Mendelssohn Bartholdy, Helmut Schmidinger, Joseph Haydn.
Photo: Cécile Auclert
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