Is You Me
par la compagnie Par B. L. eux
Pavillon noir d’Aix-en-Provence,
5 juillet
L’enfance de l’art
par la compagnie Par B. L. eux
Pavillon noir d’Aix-en-Provence,
5 juillet
L’enfance de l’art
Et art de l’enfance dirait-on, à premières vue et écoute de ce séduisant, troublant et touchant spectacle qui mêle à la fois la chorégraphie de Benoît Lachambre, qu’il interprète avec Louise Lecavalier sur et sous des graphismes projetés en direct de son ordinateur par le plasticien Laurent Goldring sur une musique tout aussi directe de Hawn Rowe de son pupitre électronique. Mais une enfance d’aujourd’hui qui saurait jouer en virtuose de l’immense palette de tous les artifices technologiques offerts par l’informatique et l’électronique les plus élaborées, qui échappent souvent à l’adulte en retard d’une évolution et d’une révolution.
Blancheur immaculée d’un plan incliné à partir d’une arête et d’une faille, entouré sur trois côtés d’un écran : côté cour, un anorak noir aplati en tache ou flaque d’encre jouant à l’anorak. Une ombre noire ondule, en capuche, traits invisibles, sur le rebord, dans une reptation mécanique sur le dos ; puis un autre, personnage apparaît à jardin, blanc, ondulant anguleusement du bassin. Tout relief semble gommé et il ne reste que deux dimensions : hauteur, longueur, dans un à plat qui efface les volumes et rend indéfinies les formes des deux corps dans un entre-deux identitaire sexuel : un ballet de deux ombres planes, pointues, anguleuses, gentils fantômes des dessins d’enfants ou lutins aigus, déhanchés, dégingandés, qui ne sont plus que dessin et mouvement. Puis, sur la neige de l’écran, des flocons noirs se mettent à danser, à grouiller au même rythme joyeux dans le bruissement, le crissement, le menu fourmillement visuel et auditif d’une musique acousmatique répétitive et doucement obsessionnelle. Les scansions musicales, les saccades et secousses syncopées de ces deux êtres indéterminés répondent maintenant à de sortes de tags, de graffs, de graffiti, tout en angles aussi et font penser au blanc et noir du premier cinéma à l’image instable, aux balbutiements agités des débuts des dessins animés.
Puis, comme des lassos ou des traits facétieux, toujours aussi dansantes, des lignes s’inscrivent sur la blancheur, s’écrivent sur les personnages dessins dansants, qui gigotent toujours, dans un engendrement arachnéen qui les ligote, puis des barbouillages, des gribouillages qui tendent à les biffer, à les rayer, à les raturer. L’un glisse sur la paroi de la pente tel un pingouin manchot dirait-on, maladroit, comme s’il voulait fuir ces folles lignes à lier, pour s’en délivrer par des mouvements épileptiques dans la musique frénétique qui rivalise d’agitation avec dessins et danseurs. Une inondation projetée, une route basculée, semblent tout balayer mais là, le héros, maintient son cap. Amusant effet de perspective : la tête désarticulée de l’un semble se greffer sur le corps déconnecté de l’autre.
Les gribouillages nous plongent dans l’univers d’Hans Hartung, font penser à Pollock et ses drippings mais quand la couleur apparaît, il y a des réminiscence colorées de Miró, de traits dentés de Picasso. Nos personnages endossent toujours dans une saccade comme stroboscopique des sweaters de ses couleurs semblant n’être plus, décorporalisés, que des taches aiguës de couleur.
C’est toute la sophistication des techniques graphiques, visuelle et sonore, les plus aiguës, alliées à un tendre humour, parfois déchirant, à un esprit d’enfance qui est tout simplement l’enfance et l’essence de l’art.
Blancheur immaculée d’un plan incliné à partir d’une arête et d’une faille, entouré sur trois côtés d’un écran : côté cour, un anorak noir aplati en tache ou flaque d’encre jouant à l’anorak. Une ombre noire ondule, en capuche, traits invisibles, sur le rebord, dans une reptation mécanique sur le dos ; puis un autre, personnage apparaît à jardin, blanc, ondulant anguleusement du bassin. Tout relief semble gommé et il ne reste que deux dimensions : hauteur, longueur, dans un à plat qui efface les volumes et rend indéfinies les formes des deux corps dans un entre-deux identitaire sexuel : un ballet de deux ombres planes, pointues, anguleuses, gentils fantômes des dessins d’enfants ou lutins aigus, déhanchés, dégingandés, qui ne sont plus que dessin et mouvement. Puis, sur la neige de l’écran, des flocons noirs se mettent à danser, à grouiller au même rythme joyeux dans le bruissement, le crissement, le menu fourmillement visuel et auditif d’une musique acousmatique répétitive et doucement obsessionnelle. Les scansions musicales, les saccades et secousses syncopées de ces deux êtres indéterminés répondent maintenant à de sortes de tags, de graffs, de graffiti, tout en angles aussi et font penser au blanc et noir du premier cinéma à l’image instable, aux balbutiements agités des débuts des dessins animés.
Puis, comme des lassos ou des traits facétieux, toujours aussi dansantes, des lignes s’inscrivent sur la blancheur, s’écrivent sur les personnages dessins dansants, qui gigotent toujours, dans un engendrement arachnéen qui les ligote, puis des barbouillages, des gribouillages qui tendent à les biffer, à les rayer, à les raturer. L’un glisse sur la paroi de la pente tel un pingouin manchot dirait-on, maladroit, comme s’il voulait fuir ces folles lignes à lier, pour s’en délivrer par des mouvements épileptiques dans la musique frénétique qui rivalise d’agitation avec dessins et danseurs. Une inondation projetée, une route basculée, semblent tout balayer mais là, le héros, maintient son cap. Amusant effet de perspective : la tête désarticulée de l’un semble se greffer sur le corps déconnecté de l’autre.
Les gribouillages nous plongent dans l’univers d’Hans Hartung, font penser à Pollock et ses drippings mais quand la couleur apparaît, il y a des réminiscence colorées de Miró, de traits dentés de Picasso. Nos personnages endossent toujours dans une saccade comme stroboscopique des sweaters de ses couleurs semblant n’être plus, décorporalisés, que des taches aiguës de couleur.
C’est toute la sophistication des techniques graphiques, visuelle et sonore, les plus aiguës, alliées à un tendre humour, parfois déchirant, à un esprit d’enfance qui est tout simplement l’enfance et l’essence de l’art.
Photos : © André Cornelier
Une création de Benoît Lachambre, Louise Lecavalier, Laurent Goldring, Hahn Rowe
Dramaturge : Benoît Lachambre.
Interprètes : Benoît Lachambre, Louise Lecavalier.
Scénographie, éclairages et projections : Laurent Goldring.
Compositeur et musique live : Hahn Rowe.
Costumes : Lim Seonoc.
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