L’ENFANCE DU CHRIST
d’Hector Berlioz
Opéra de Toulon, 1 mars 2009
d’Hector Berlioz
Opéra de Toulon, 1 mars 2009
Encore une fois, il faut saluer l’intelligente politique artistique de l’Opéra de Toulon menée par son directeur Claude-Henri Bonnet qui, mêlant judicieusement ouvrages du répertoire et œuvres plus rares, dans une même saison permet d’entendre, à côté de compositeurs sans risques -ou presque-, Verdi, Mozart et Bellini, des auteurs plus risqués, tels Britten (admirable Songe d’une nuit d’été) Haydn (bientôt L’Infedeltá delusa en large avant-première du Festival d’Aix-en-Provence), fidélisant un public jusque-là traditionnel et souvent timoré. On redira aussi l’excellence et l’élégance de ses programmes, clairs, solidement documentés sur les compositeurs et les œuvres, qu’on a plaisir ici à compléter simplement d’apports personnels. On ne pouvait donc que courir entendre cette rarissime Enfance du Christ (1850-1854) d’un Berlioz peu fréquent sur nos scènes, sinon en version concert, mais ici, scénifié.
L’ouvrage
Le seul franc succès de ce pauvre Berlioz dans son ingrate France, contraint à chercher la gloire loin de sa patrie. Il est vrai que, terrible critique des opéras de ses contemporains, se piquant d’écrire livrets et musique frayant la voie à Wagner, si sa musique torrentielle parfois est un bel exemple de romantisme fougueux, il a, quoiqu’on dise, une esthétique vocale opératique néo-classique, imprégnée de Gluck (dont il donnera une version de l’Orphée et Eurydice pour la grande Pauline Viardot García) et de son maître (critiqué mais imité), Chérubini. Sa langue est aussi toute tournée vers le classicisme, raide, contorsionnée d’inversions maladroites, affligée de tournures figées : admirateur du baroque Shakespeare et du romantique Goethe, il est cependant plus près, dans sa langue, de la solennité marmoréenne de Virgile, qu’il traduit plus ou moins adroitement pour ses Troyens. Il n’est pas un poète comme Wagner, et encore moins un dramaturge. D’où, hélas, la difficulté scénique de ses opéras, statiques, narratifs, alors que le théâtre est action.
Réalisation et interprétation
Cette Enfance du Christ, certes, « petite sainteté » comme la qualifiait Berlioz, se veut oratorio et tenter de la mettre en scène est une gageure qu’on peut pardonner à Frédéric Andrau de n’avoir pas relevée de façon convaincante : à l’impossible, nul n’est tenu. Sa scénographie, de grands degrés blancs derrière le filtre d’un voile, étagera joliment, mais trop statiquement, les chœurs, certes, un peu tenus à l’immobilité par la longueur et complexité de leur partie, souvent des fugues délicates (excellent travail de Catherine Alligon). Les stricts costumes blancs indiens (Luc Londiveau), pantalons et vareuses, sous les lumières claires, froides (Ivan Mathis) que ne rattrape pas une tache de sang pour figurer bien abstraitement le Massacre des Innocents, cette rigidité générale, confinent à la paralysie avec la scène d’adoration de Joseph (Thomas Dolié touchant de jeunesse) et Marie (belle et lumineuse Blandine Staskiewicz), longuement agenouillés silencieusement sur les marches, attitude saint-sulpicienne sucrée mais sacrément salée pour des chanteurs ! Cela donne à l’ensemble une atmosphère glaciale, marquée d’entrée par le récitant (admirable ténor Avi Klemberg), en costume blanc, figé gauchement à l’avant-scène, jamais mêlé à la maigre action. L’épisode du Père de famille (frémissant de bonté Jean-Marie Frémeau) est plus encombrée qu’animée par la musique de scène d’un trio issu de l’orchestre. Il y a donc un hiatus scénique avec l’ardeur, la flamme géniale de cette musique, aux archaïsmes novateurs, d’une beauté à couper le souffle, exaltée par la baguette magistrale et chaleureuse de Laurent Petitgirard. Il n’y a que la scène d’Hérode, sur fond noir comme ses pensées, qui a l’un des plus beaux airs de basse de tout le répertoire, avec un superbe Paul Gay plein de fiévreuse présence, qui soit dramatique, les longues et belles plages musicales puis les récits excessifs coupant vite l’aile à toute velléité de dramaturgie théâtrale.
Photos : ©Frédéric Stephan
1 commentaire:
Sans compter le hiatus, quelquefois de bonne mise mais ici flagrant, entre la chaleur -voire la tendresse- de l'orchestre Berliozien, et la froideur des déplacements mécaniques des chanteurs, velléités de chorégraphie avortée où les interprètes sont tenus comme dans une camisole. N'est pas Bob Wilson qui veut...
Une production plus ambitieuse aurait peut-être autorisé des tableaux d'arrière-plan, des mouvements de choeurs etc.
Bref, On n'est pas touché, on reste sur sa faim et on se surprend même à ne regarder que l'orchestre.
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