Roméo et Juliette
de Charles Gounod,
livret de Barbier et carré
Opéra de Toulon
L’œuvrede Charles Gounod,
livret de Barbier et carré
Opéra de Toulon
Après Orphée et Eurydice, le mythe magnifique du musicien aimant, voici Roméo et Juliette, les mythiques amants magnifiés par la musique, à Toulon. L'impossible social vaincu par la passion. On aime toujours s’attendrir sur l’amour plus fort que tout, sur les amants séparés par la vie mais unis par la mort. Part d’enfance dont on ne peut guérir : l’amour plus fort que la haine. Mais la mort toujours : passage obligé vers la paix du cœur ou impasse tragique finale?
L’Antiquité eut Orphée, Pyrame et Thisbé, le Moyen-Âge, Tristan et Yseult, la Renaissance, en Espagne, Calixte et Mélibée. L’Italie, par un conte, inspira à Shakespeare une tragédie (1595) qui n’a jamais cessé de faire battre les cœurs, inspirant des centaines d’opéras, de ballets, de films ou des films ballets comme West side story, adaptation contemporaine d’une intrigue de tous lieux et tous temps où la différence raciale est l’obstacle moderne remplaçant la haine politique ancestrale entre deux familles, deux clans, séparant les amants de l’œuvre originale : Roméo, un Montaigu, Juliette, une Capulet mais malgré cette fatalité antagonique, la vérité du cœur efface la haine du ventre entre les jeunes gens, qui s’aiment et meurent, victimes de la bêtise criminelle des hommes. Symbole universel.
Sur un livret du célèbre tandem de librettistes Barbier et Carré, Gounod compose son opéra Roméo et Juliette (1867) au triomphe jamais démenti, certes fondé sur le sujet mais aussi sur la veine mélodique si naturelle de compositeur raffinée et à la fois facile à retenir : air extatique de Roméo, valse enthousiaste de Juliette, touchant duo de l’alouette/rossignol ; même les rôles secondaires sont soigneusement traités et chacun des personnage a au moins un air intéressant.
La réalisation
Le décor de Lili Kendaka, qui signe aussi les costumes, un portique surmontant une terrasse à l’italienne avec balustrade devenant balcon, mal laqué noir ou abîmé, ne se dignifie un peu qu’en contre-jour avec les simples lumières (blanc, orange, rouge) de Guido Levi. La scène du duel, dans un ring avec spectateurs en étage et dans les escaliers a quelque intérêt scénique et dramatique ainsi que la brève bataille d’oreillers dans la chambre des tout jeunes époux dans une mise en scène, sinon, bien convenue (Jean-Christophe Mast) tout comme les costumes (fracs pour les hommes et robes XIX e siècle pour les dames), dans la convention, l’académisme figé depuis 30 ans qui règne de façon accablante à l’opéra dans une incessante et lassante imitation des costumiers et metteurs en scènes les uns des autres, incapables apparemment d’inventer des costumes imaginatifs et significatfis en respectant l’époque du sujet. Encore qu’ici, l’intrigue au moins, peut être intemporelle.
L’interprétation
Une Juliette malade sinon moribonde, un Roméo défaillant sinon mourant, il n’y a que l’absolution au spectacle au nom de Frère Laurent d’abord, Paul Gay, seule basse de la production déployant une ferme et belle ligne de chant sans vibrato ondoyant à la limite des vagues, dru et chaleureux, auquel on adjoindra le ferme Grégorio de Jean-Vincent Blot, la merveilleuse Blandine Staskiewics qui, en une seule apparition, un seul air de genre mais périlleux, impose avec justesse et virtuosité le personnage travesti de Stephano. Peter Edelmann a de l’allure en Mercutio, Marie-José Dolorian est une ronde nourrice pleine d’abattage et l’on entend trop peu le joli timbre d’Antonio Figueroa en Tybalt. Père noble, François Harysmendy contrôle une voix généreuse qui lui échappe trop parfois, les chœurs menés par Catherine Alligon ont une bonne tenue et une diction remarquable.
Le regret , c’est le héros-titre de Fabrice Dalis qui rate ses aigus (si bémol) et peine dans des graves pas très graves, peinant à imposer son personnage hors du médium. Dès son entrée, on sent la fatigue de Nathalie Manfrino, jolie, juste, touchante Juliette, qui s’en tire pourtant fort habilement, mais à quel prix pour ces artistes généreux sauvant le spectacle, mais risquant leur voix et leur carrière?
Dans la fosse Emmanuel Joel-Hornak drape de somptueuses et délicates sonorités les noces et les funérailles des deux amants.
31 janvier
Photos ©Frederic Stephan
1. La chambre ;
2. Le tombeau.
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