LA BELLE DE CADIX
OPÉRETTE
EN 2 ACTES ET 10 TABLEAUX
de Francis Lopez
Marseille, théâtre Odéon
27 et 28 octobre
|
"La grisaille est là, le
froid arrive. Courez à l'Odéon trouver le soleil et la chaleur avec cette opérette
aux rythmes toujours neufs, espagnols ou jazzy. "
C’était mon conseil de samedi
sur Facebook, effacé d’un coup de gomme des mystères informatiques et reproduit
approximativement dès que je m’en suis aperçu. Mais le réchauffé ne remplace
jamais le goût de l’immédiate chaleur. Tant pis. Juste ici quelques mots de
plus pour saluer toute la troupe si vivante, vibrante, choristes et musiciens
compris, sous la férule légère de Bruno
Conti, et la mise en scène pleine de légèreté joyeuse de Jack Gervais. À retrouver les mêmes
noms d’artistes, salués par des applaudissements du public reconnaissant qui
les reconnaît dès leur entrée en scène, on retrouve pratiquement le sens d’autrefois
de « troupe », qui assure une cohésion et une complicité à un
spectacle qui se joue joliment de lui-même, dans la bonne humeur et la
connivence de tous.
Certes, sans invoquer les auspices de l’Arte povera des années 60 qui défiait la
surabondance tapageuse de l’industrie culturelle, je ne plaiderai pas pour la
pauvreté des moyens à quoi réduit les spectacles vivants une « culture »
plus économique qu’artistique qui risque de les faire mourir en en exigeant
toujours plus en leur donnant toujours moins. Et ce n’est pas parce qu’on
rachète par l’humour et une nostalgie enfantine d’autrefois des toiles peintes,
des décors en carton-pâte qu’on dira que cela suffit : l’Art et les
artistes ont besoin de moyens pour vivre. Mais disons tout de même que l’Odéon
de Marseille, seule maison de France qui voue entièrement une saison à l’opérette
créée sur place (en plus de l’accueil de théâtre de boulevard), à défaut de
décors complexes, dignifie ses productions par une impressionnante et luxueuse
collection de costumes (Maison Grout)
toujours justes et de bon goût, et offre à une grande quantité d’artistes, un
orchestre et un chœur spécifique, et des solistes choisis remarquables de s’y
produire dignement.
Certes, on ne va pas disserter sur un
sujet et des dialogues guère relevés ; bien sûr, on ne va pas invoquer, même
en connaissance de cause, le vrai hispanisme musical à propos de la musique de
Lopez (tout de même espagnol) et disserter sur Espagne et espagnolade : il
suffit que cette musique jaillisse et emplisse joliment sa mission, même au-delà
de l’impossible pour d’autres, de rester gravée, qu’on le veuille ou non, dans
l’oreille, dans la mémoire collective. Il n’y a pas injure à en éprouver le
plaisir immédiat, et médiat : puisqu’on le garde, sans honte, dans un
recoin du cerveau, signe de son efficacité. Et je le redis, on a le droit,
quand elle est portée par ces artistes, de se sentir transporté de plaisir. Ils
pardonneront l’évocation rapide mais sincère de leur beau travail, que j’ai par
ailleurs tant de fois salué déjà.
Un régal que la piquante et pimpante Caroline Gea en "Belle" (de
Cadix ou d'ailleurs), voix ronde et fruitée, qui n’a qu’à se mouvoir à peine,
élevant ses bras, pour que cette Madrilène esquisse la danse flamenca qu’elle a
pratiquée. Le héros, est un ténor élégant et sensible, Jérémy Duffau, maîtrisant admirablement les demi-teintes, auquel on
reprochera seulement sa prononciation indûment française du nom de l’héroïne,
Maria-Luiza, au lieu de María LuiSSa, un comble face à l’Espagnolissime Caroline.
Pour une fois, la tiers-exclue n’est pas l’empêcheuse d’aimer en rond, mais, au
contraire le deus es machina du happy
end, une star glamour digne de Broadway et d'Hollywood, Estelle (Es/toile) Danière,
somptueusement habillée (Stars and
stripes USA pour le corsage !) et déshabillée habilement sur des
jambes de Cyd Charisse.
Julie Morgane égale à
elle-même : tons de voix, mimiques, regards, gestes et mouvements, danse,
acrobatie, tout est théâtre en elle, déchaînée et enchaînée à défaut de son
habituel Grégory Jupin, à un hilarant Claude
Deschamps à la hauteur et du jeu et, nous le découvrons, des acrobaties qu’il
lui fait subir. On retrouve, remarqué il y a longtemps, un superbe baryton Gilen Goicoéchéa, qui n’a qu’un air
archaïsant qu’il chante avec émotion. Et l’on n’oublie pas la digne troupe de
comédiens chanteurs qui les escorte, un méconnaissable mais reconnaissable à
son intelligence à jouer les nigauds, Dominique
Desmons qui nous fait la surprise d’être chevelu et brun, et pour couronner
ces figures essentielles, en deux apparitions, l'inénarrable Antoine Bonelli en roi des gitan et
reine des travestis, impérieux marieur et impériale mariée muette.
Par ailleurs, toujours justement intégré
et remplissant les changements de tableaux, mais spectacle dans le spectacle,
le quadrille de danseurs de Felipe Calvarro,
Sophie Alilat, Valérie Ortiz et Clément Duvert,
qui passent du flamenco à la danse espagnole, avec notamment, une magnifique
utilisation des tambours basques, et, a
palo seco, sans musique littéralement, une danse avec des palos, des bâtons, qui nous épargne l’allusion
à la pique barbare des corridas : élégance racée des zapateados masculins, grâce volante des sévillanes des femmes et l’on
apprécie, à l’hybridité sans doute nationale des danseurs combien le flamenco
est devenu universel et sans frontières comme le jazz. Ils sont accompagnés magnifiquement
par la guitare et le chant sobre et profond de Jesús Carceller (farruca,
bulerías, sevillanas rocieras, etc), aux coplas
poétiques bien choisies, incluant Anda,
jaleo, de très vieille tradition lyrique, qu’on attribue à tort à Federico García Lorca, qui n’a pas
écrit de chansons mais les a simplement harmonisées au piano, sa notoriété »
les sauvant sans doute de l’oubli.
Une débauche de costumes magnifiques même
nouveaux pour les saluts, sur fond de naïfs décors en cartons et toiles peintes,
on l’a dit, et un grinçant rideau tiré (on en est à l’attendre en riant !)
digne d'une affiche ciné ou d'un roman photo d'autrefois : style sans effet de
style souriant d'hier par une troupe pétaradante d'aujourd'hui. Un bonheur au
présent.
La Belle de Cadix
De Francis Lopez,
Théâtre Odéon, Marseille,
27 et 28 octobre 2018
Direction musicale : Bruno CONTI
Chef de chant : Caroline OLIVEROS
Mise en scène : Jack GERVAIS
Chorégraphie : Felipe CALVARRO
Assistant mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Chef de chant : Caroline OLIVEROS
Mise en scène : Jack GERVAIS
Chorégraphie : Felipe CALVARRO
Assistant mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Décors : Théâtre de
l’Odéon . Costumes : Maison GROUT
DISTRIBUTION
María Luisa : Caroline GÉA
Miss Hampton : Estelle DANIÈRE
Pépa : Julie MORGANE
Laurence / La gitane : Caroline BLEYNAT ; Christine : Sabrina KILOULI ;
Une journaliste Agatha MIMMERSHEIM ; Jenny : Sneji CHOPIAN
Carmen : Sylvia OLMETA
Carolina : Maryline FAUQUIER
Miss Hampton : Estelle DANIÈRE
Pépa : Julie MORGANE
Laurence / La gitane : Caroline BLEYNAT ; Christine : Sabrina KILOULI ;
Une journaliste Agatha MIMMERSHEIM ; Jenny : Sneji CHOPIAN
Carmen : Sylvia OLMETA
Carolina : Maryline FAUQUIER
Carlos : Jérémy DUFFAU
Manillon : Claude DESCHAMPS
Dany Clair : Dominique DESMONS ;
Manillon : Claude DESCHAMPS
Dany Clair : Dominique DESMONS ;
Ramirès : Gilen GOICOÉCHEA
Roi des gitans : Antoine BONELLI
Boy, Le garçon de café : Angelo CITRINITI ; Antonio : Anthony AGOSTINI
Juanito : Patrice BOURGEOIS
Clapman / Antonio : Damien RAUCH
Roi des gitans : Antoine BONELLI
Boy, Le garçon de café : Angelo CITRINITI ; Antonio : Anthony AGOSTINI
Juanito : Patrice BOURGEOIS
Clapman / Antonio : Damien RAUCH
Orchestre de l'Odéon
Cécile JEANNENEY, Chantal RODIER, Isabelle RIEU, Alexia RICHE-GUILHAUMON,
Cathy BENOIST, Stéphanie BENVENUTI, Tiana RAVONIMIHANTA, Jean-Florent GABRIEL,
Sylvain PECOT, Claire MARZULLO, Flavien SAUVAIRE, Patrick SEGARD, Marc
BOYER, Luc VALCKENAERE, Thierry AMIOT, Yvelise GIRARD, Caroline OLIVEROS,
Alexandre RÉGIS.
Chœur Phocéen
Caroline BLEYNAT, Sneji CHOPIAN, Emmanuel GEA, Sabrina KILOULI, Maryline
FAUQUIER, Agatha MIMMERSHEIM, Sylvia OLMETA, Jean-François BERTRAND, Patrice
BOURGEOIS, Jacques FRESCHEL, Damien RAUCH.
Chef de Chœur : Rémy LITTOLFF
Chef de Chœur : Rémy LITTOLFF
Danseurs
Sophia ALILAT, Valérie ORTIZ
Felipe CALVARRO, Clément DUVER .
Felipe CALVARRO, Clément DUVER .
Guitariste / Chanteur
Jésus : CARCELLER
Photos Christian Dresse :
1. Duffau, Gea ;
2. Miss Hamton (Danière) et ses boys ;
3. Pépa à l'endroit, à l'envers : renversante Morgane et inversant Deschamps ;
4. Baryton perdu, éperdu : Goicoéchéa ;
5. Mariage pas pour rire! Bonelli, roi des Gitans et les héros ;
6. Charme andalou (les danseurs).
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