Le XVII e Festival des Musiques sacrées de Marseille
fondé par Madame Jeanine Imbert, Conseillère municipale déléguée à l’Opéra, au
Conservatoire à Rayonnement Régional et à ce Festival de Musiques sacrées de
Marseille, sous la direction artistique de Maurice Xiberras, directeur aussi de
l’Opéra, en est à sa dix-septième année. Il se déroule du vendredi 11 mai au 7
juin.
C’est l’occasion, pour l’Orchestre philharmonique de l’Opéra de
Marseille et le chœur, assisté du chœur PACA, de se mesurer à un autre
répertoire, sous la direction de chefs prestigieux avec des solistes
internationaux russes, moldaves, roumain, japonais, français.
Voici la programmation en l’église Saint-Michel :`
Le vendredi 11 mai, à 20h30, le fameux Stabat Mater de Rossini, suivi du rarissime Te Deum de Bizet, sous la direction musicale de Nader
Abbassi.
Le vendredi suivant, le 18, concerts à la même heure, 20h30, une
autre œuvre rarement donnée le Requiem de Donizetti, compositeur essentiellement joué pour ses célèbres
opéras, sous la direction de Fabrizio Maria Carminati, cette fois avec le chœur
PACA.
Le vendredi 25, original concert par le Richard Galliano sextet Bach
qui nous jouera Bach à l’accordéon auréolé de cordes.
Le samedi 2 juin, on entendra, dans de la musique a cappella de la
liturgie orthodoxe russe, le quatuor Konevetz de Saint-Petersbourg avec Oleg
Kovalev, basse soliste.
Le jeudi 7 juin, après une première partie contemporaine avec les
compositeurs Arvo Pärt et Benjamin Britten, il y aura, de Joseph Haydn, les
magnifiques Sept dernières paroles du Christ en Croix, dont la terrible première : « Éli, Éli,
lema sabachtani? »,
c'est-à-dire, « Seigneur, Seigneur, pourquoi m’as-tu
abandonné ? ». C’est le comédien bien connu Robin Renucci qui en sera
le récitant et Claire Gibault dirigera l’orchestre.
Dans les églises de quartier, c’est le Conservatoire National à
Rayonnement Régional de Marseille qui sera à l’honneur, sous la direction de
Philip Bride, pour offrir au public « Les plus beaux airs sacrés" tirés d'extraits de requiems.
Le prix en est modique : 11 € pour les concerts à Saint-Michel
(Réservations à l’Opéra, tél. : 04 91 55 11 10), les autres étant
gratuits pour la ravissante Petite messe solennelle de Gioacchino Rossini dans les églises de quartier,
des Olives (22 mai, 16h), de Saint-André (le 24), du Roucas-Blanc (31 mai), de
Saint-Barnabé (5 juin), à 20h30 et, pour Un grand requiem dans celles d’Endoume (le 16 mai), Saint-Marguerite
(le 21 mai), Sacré-Chœur (6 juin),
à 20h30 mais 19h30 pour celle de Saint-Just (4 juin).
FESTES D’ORPHÉE
Les Festes d’Orphée ont aussi leur festival de musique sacrée.Cet semble aixois dirigé par Guy Laurent, poursuivant son travail minutieux de résurrection de
la musique provençale ancienne, des XVII e et XVIII e
siècle, pour son 25e anniversaires, vient de sortir son quatrième
volume de sa collection « Les
Maîtres baroques de Provence ». (ci-joint, quelques autres disques) Magnifique travail de recherche dans des
bibliothèques, des églises, des cathédrales, qui ont permis de réveiller ou de
sauver des trésors de partitions enfouies sous la poussière du temps et de
l’oubli.
Ce disque précieux nous offre des œuvres de Jean-Baptise Vallière (1715-1790), aixois, de Pierre Gautier, dit «Gautier de Marseille » (1642-1697), quatre motets de Félicien David (1810-1876), le créateur de ce qu’on appellera
l’Orientalisme musical. Belle place accordée à Jean Audiffren (1680-1762). Bien que né à Barjols, il passe, avec Laurent
Bellissen, pour le grand compositeur
marseillais de son temps. Il exerçait à la vieille cathédrale de la
Major ; il était responsable de la maîtrise, sous l’autorité de Monseigneur
Belsunce (1670-1755), dont la statue
orne le devant de la nouvelle major, de son nom complet Henri-François-Xavier
de Belsunce, de Castelmoron, évêque
de Marseille. Ce prélat s’illustra lors de la terrible peste de Marseille de
1720 qui décima la ville et la région, en secourant inlassablement les malades.
Ce disque offre la particularité d’avoir enregistré l’oraison funèbre que lui
consacra à sa mort Alexandre Lanfant, un jésuite, confesseur de Louis XVI : c’est un morceau typique de
rhétorique grandiloquente plus que grandiose, rendue en prononciation baroque restituée (mais par qui
déclame ?) qui pourrait étonner et faire sourire ceux qui n’ont pas
l’oreille faite à la langue française ancienne où toute lettre se prononçait,
rendant facile l’orthographe. Un très beau disque à mettre à l’actif des Festes
d’Orphée.
SACRÉ, CONSACRÉ
Mais, avant de tenter de définir ce qu’il en est de la musique, on
peut s’interroger sur le mot de sacré. C’est d’abord le contraire de profane, terme qui qualifie ce qui n’appartient pas à la
religion. Est donc sacré ce qui
est objet d’un culte, digne de
vénération par son caractère divin ou sa relation à la divinité. Evidemment,
encore faut-il s’entendre sur ce que l’on entend par divin : on s’aperçoit
vite que notre époque, dans une confusion du profane et du sacré, est prodigue
en enflure des mots, en inflation des valeurs (surtout marchandes) et il apparaît
vite que la célébrité médiatique est ce qui donne nom, renom, ce qui sacre et
consacre, inspirant respect, vénération, culte. Voilà les sportifs, déjà passés
au rang de héros, devenus dieux du stade, tout comme les stars, les étoiles du
ciel du cinéma, ou le divo ou la diva de l’opéra, qui signifient ‘dieu, déesse’.
Pour souligner sa prédilection, sa vénération profane pour une
chose, une œuvre d’art, on parle
aujourd’hui de livre culte, de film culte, de chanson culte, etc. À voir donc
où va se nicher le culte, on peut conclure sans peine, mais non sans dommage,
que notre époque a sans doute perdu le sens du sacré pour le remplacer par
celui du « consacré ». Consacré par la réputation, la célébrité sinon
l’usage.
MUSIQUES SACRÉES
Les musiques sacrées, il ne faut pas les confondre avec les musiques
strictement religieuses. La musique religieuse, liturgique, rituelle,
cultuelle, est au service du culte, du rite, de la liturgie. Elle est exécutée
par des religieux, reprise souvent par les fidèles, à l’intérieur d’un édifice
religieux, mais aussi à l’extérieur parfois, dans les processions par exemple.
L’expression musique sacrée en Occident, désigne des formes, des
genres musicaux consacrés par l’usage, qui peuvent accompagner le culte, les
pratiques religieuses : les messes musicales suivent le déroulé du
cérémonial de la messe religieuse ; le Stabat mater prend son nom du début du célèbre poème de Jacopone
da Todi : « Stabat mater dolorosa juxta crucem… » (‘la mère
douloureuse était près de la Croix…’) tout comme le Requiem, qui est le premier mot de la messe des défunts, Missa
defunctorum : « Requiem
æternam dona ei [eis], Domine… » (‘Seigneur, donne-lui
[donne-leur] le repos éternel’).
La musique sacrée est souvent commandée à de grands compositeurs, qui
utilisent des textes liturgiques. Elle est jouée aussi bien dans des églises
que dans des salles de concert, des opéras.
La musique sacrée n’implique nullement la foi strictement religieuse
des compositeurs : si la piété et la foi de Bach, cantor de Saint-Thomas,
ne font aucun doute, Mozart, tout franc-maçon qu’il fût, a écrit une Messe
en ut mineur et un Requiem sublimes, des airs comme Exultate, jubilate, dont tout le monde connaît au moins le célèbre Alleluia ; et Verdi, un Requiem pour son défunt ami Alessandro Manzoni. Son Requiem respecte la liturgie catholique, mais passe pour un
opéra en « habits ecclésiastiques », vite passé de l’église de sa
première exécution aux salles d’opéras du monde entier. La flamme de ces
grands musiciens, croyants ou non, n’est donc pas toujours forcément religieuse
au départ mais ils sont au fond les grands prêtres d’une religion de la musique
au service de la religion.
Messe religieuse
Au-delà de la croyance religieuse, la messe religieuse, c’est la
réactualisation d’un archaïque sacrifice humain que la coupable conscience
humaine voudrait oublier : chair et sang, pain et vin, résumés, sublimés
dans l’hostie. De l’acte criminel ancien on est passé à son actualisation, non
par la répétition du crime, mais par sa sublimation poétique par le symbole.
Et, qu’on lui donne un sens religieux ou non, ce symbole qui en vient à
remplacer l’horreur initiale du sacrifice, c’est le degré le plus élevé de la
civilisation.
Messe musicale
La messe musicale est la sublimation de cette sublimation. La
musique a toujours accompagné la religion. Messe des morts et messe de
résurrection, chacun, croyant ou non se trouve confronté un jour au mystère de
l’origine et de la fin, de la perte des êtres chers, au sentiment de la sienne
propre. Aussi, que le public vienne dans une église pour Bach, Mozart ou
Beethoven, les textes liturgiques sur ces mystères fondamentaux, ne peuvent
laisser personne indifférent.
Même si le Requiem,
Messe des morts, est funèbre, sombre, malgré l’espoir du croyant, la musique
sacrée est aussi celle de l’exaltation joyeuse, de la jubilation
(« exaltate, jubilate… »), de la foi, de l’espérance d’une religion
d’amour.
Nous en avons un bel exemple dans ce disque récent :
NICOLÁ
PORPORA (1686-1768), VESPRO PER LA FESTIVITÁ DELL’ ASSUNTA, MARTIN GESTER, LE PARLEMENT DE MUSIQUE ET LA
MAÎTRISE DE BRETAGNE, UN CD AMBRONAY.
C’est un juste hommage grand compositeur baroque napolitain Nicolò
ou Nicolá Porpora, célébrissime en son temps. Il fut maître de Joseph
Haydn et, dans son école de chant de Naples, il forma nombreux chanteurs
virtuoses, les castrats Farinelli, Caffarelli, Porporino. Ici, c’est la fête
joyeuse de l’Assomption de la Vierge, composée pour les demoiselles de
l’Ospedaletto de Venise en 1744, comme Vivaldi écrivait pour celles de
l’Ospedale della Pietá et l’on remarque, chez les deux musiciens, nombre de
pièces virtuoses pour alto, voix féminine grave dont étaient apparemment bien
pourvues les solistes des deux institutions. Ici, c’est Delphine Galou qui assure brillamment ce registre, d’un velours
somptueux, constellé, illuminé dans les ensembles, par les deux remarquables
soprani, Marilia Vargas et Michiko
Takahashi. On trouve toute la
sensualité italienne, cette dévotion toute charnelle dans le dynamisme
chaleureux, les trilles comme des battements d’ailes, les vocalises en volutes
comme un baldaquin baroque torsadé dont j’ai pu parler dans tel de mes livres
sur le Baroque.
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