L’OUBLI, TOUCHER DU BOIS
DE
CHRISTIAN RIZZO
Festival de Marseille, 26 juin 2010
Il ne faudrait sans doute pas lire les déclarations d’intention des artistes : une œuvre se juge aux résultats. À lire les unes et voir les autres, c’est la contradiction ou l’inadéquation qui frappe trop souvent.
Le touche à tout couturier venu à la danse, dans cette pièce, vise la « disparition de toute tentation narrative ». Délester l’espace de la « représentation », c’est, dit-il, ce à quoi il aspire : un aspirateur, pourtant, un pot de plantes, un escabeau, des chaises, une penderie, des traversins occupant cet espace, chambre en bois à trois portes, une équipe visiblement de déménageurs qui finiront par la vider, sont des éléments, objets et personnes, trop concrets pour prétendre à l’abstraction, à la disparition d’une discursivité, d’une narration qui saute aux yeux, même niée par l’auteur. Un vieillard sur une chaise, rembobinant patiemment une grosse bobine d’un fil traînant sur la scène alors que des corps tombants sont évacués autant que les meubles, fait trop visible sens, Parque au masculin enroulant ce qu’on ne peut alors qu’imaginer fil de la vie et, forcément, du récit.
D’autant qu’un inquiétant fantôme ou Fantômas, d’abord entraperçu dans l’entrebâillement noir des portes, qui se démultipliera au fur et à mesure, jouant joliment avec les ombres géantes, sature de sens cette danse macabre qui a une sémantique fin avec la couverture suaire dont on recouvre le corps fatalement défunt. Un effet très réussi de lumière diminuant de boîte conclusive qui se clôt, semble connoter un cercueil qui se ferme sur la scène de cette allégorie, finalement aussi insistante que celle des autosacramentales du théâtre baroque espagnol. Si l’on n’oublie pas -dans ce qui voudrait dire l’oubli- la symbolique des costumes, (Christian Rizzo ), maillots de couleurs pures, vives, vivantes, puis chemises grises de l’étiolement de la vie, on voit et comprend mal cette prétention à la vacuité de la narration, du sens.
D’autant qu’un inquiétant fantôme ou Fantômas, d’abord entraperçu dans l’entrebâillement noir des portes, qui se démultipliera au fur et à mesure, jouant joliment avec les ombres géantes, sature de sens cette danse macabre qui a une sémantique fin avec la couverture suaire dont on recouvre le corps fatalement défunt. Un effet très réussi de lumière diminuant de boîte conclusive qui se clôt, semble connoter un cercueil qui se ferme sur la scène de cette allégorie, finalement aussi insistante que celle des autosacramentales du théâtre baroque espagnol. Si l’on n’oublie pas -dans ce qui voudrait dire l’oubli- la symbolique des costumes, (Christian Rizzo ), maillots de couleurs pures, vives, vivantes, puis chemises grises de l’étiolement de la vie, on voit et comprend mal cette prétention à la vacuité de la narration, du sens.
La scénographie (
Frédéric Casanova et Christian Rizzo
) est belle : pure épure en bois, dont on dirait qu’elle est comme une camera oscura de fuyante perspective renaissante émergeant du noir en guise de lever de rideau si elle n’était si lumineuse d’abord, puis diversement et superbement éclairée des bords de l’ombre à l’éclatant plein jour et retour à la pénombre (Caty Olive). L’ostinato de la musique (Sylvain Chauveau) répétitive (on pense à Phil Glass) comme les gestes et postures, est lancinant comme un inéluctable et sempiternel destin, berceuse morbide, avec des rugissements, des vrombissements et des éclats, et une chanson qui parle, en anglais, des couleurs de l’ombre si l’on comprend bien.
La lenteur des gestes des officiants d’évidement d’un lieu est prenante mais un peu longuette dès que l’on a compris ; les appuis, les portés, les enlacements, dénouements de membres, liés, déliés, de cette sorte de rituel funèbre, souples, fluides, dans ce tempo imperturbable sont beaux, ces amas, conglomérats de corps, saisissants, mais ce mouvement perpétuel devient lassant à force de mécanique répétition du système.
À part la trouvaille d’une sorte d’amorce de pas de deux de tango inverse avec une ombre, dès la seconde partie, on en est à apprécier la scénographie, les lumières, les ombres, bref, le contexte, dont on se dit qu’il semble meubler le défaut de texte, d’écriture vraiment chorégraphique : la périphérie prend le pas sur le centre qu’on espérait : la danse.
Certes, la danse est l’art du mouvement, mais quand le mouvement prend le pas sur la danse, la danse reste la grande oubliée.
Festival de Marseille, Salle Vallier,
26 et 27 juin 2010
L’Oubli, toucher du bois
de Christian Rizzo, l’association fragile, collaboratrice artistique :
Sophie Laly.
Scénographie :
Frédéric Casanova et Christian Rizzo
; costumes : Christian Rizzo
;
lumières :
Caty Olive ;
musique originale :
Sylvain Chauveau
.
Interprètes :
Jean-Louis Badet, Philippe Chosson,
Kerem Gelebek, Christophe Ives, Wouter Krokaert,
Sylvain Prunenec, Tamar Shelef.
Photos : Marc Domage.