jeudi, juin 17, 2010

Concert de l'Orchestre Philharmonique de Marseille


CONCERT DE L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE
DE MARSEILLE
Opéra de Marseille, 12 juin 2010

Avec un orchestre au mieux, le meilleur des chefs, Klaus Weise, pour une fin de saison en beauté, avant les quartiers d’été, nombreux hors les murs (voir à la fin). Au programme, Wagner et Strauss.
Prélude et mort d’Isolde
Le tempo est lent, le chef a des gestes arrondis et alanguis de vagues et la musique, voluptueuse brume de rêve, se lève, s’élève, évanescente, et monte en houle mollement déferlante, telle une lointaine réminiscence qui tarde à prendre corps, semblant parfois se perdre au loin, mais ombre obsédante, revient, se précise, enfle irrésistiblement comme le désir, émerge, submerge, nous emporte, fiévreuse, tempétueuse, passionnelle. Le crescendo est si bien conduit qu’on s’abandonne amoureusement au fracas, perdant des repères même si l’on a senti le thème du désir, ressenti l’union extatique des corps avant que ne résonne, le cor, le mélancolique accord de Kéréol avant l’apaisement puis la douce et lente remontée de la Mort d’Isolde, ménagée en paliers d’exaltation jusqu’à l’apothéose.

Ouverture et bacchanale de Tannhäuser
Même lenteur qui étonne d’abord mais l’on comprend que le chef dessine détails et ensembles avec un sens aigu de l’analyse qui dissèque, mais de façon délectable, les pupitres, les couleurs, faisant rutiler les cuivres sur des nappes de cordes jubilantes. C’est précis, impérieux, tonique, roboratif et tendre sur la volupté vénusienne des cordes graves. Même dans l’explosion orgiaque de la bacchanale, la frénésie fracassante percussive, pas de dissolution des thèmes frivoles et caressants, capiteux, combattus par les appels et rappels vertueux du thème de la pieuse Élisabeth. Les cordes frémissent en obsédant ostinato et les trilles sont des frissons de chair en folie. De cette ouverture et de cette bacchanale, qui peuvent être la pire des choses, Klaus Weise tire le meilleur, ainsi que d’un orchestre transcendé, enflammé.

Symphonie alpestre, op. 64 de Richard Strauss
1915 : la Grande guerre bat son triste plein et Strauss crée cette joyeuse et lumineuse symphonie, musique à programme pour dire, en notes pittoresques et descriptives, le bonheur d’une ascension vers des pics alpestres et la redescente, après un épisode orageux, vers la paix d’une vallée annoncée par l’orgue et le thème doucement religieux d’une église. La seule tempête, ici, est celle de la nature, et les pizzicati des cordes sont de sensibles gouttes de pluie précédant éclairs des cymbales et roulements de caisse du tonnerre. C’est un flot, un foisonnement des fruits de l’orchestration la plus riche puor dire la nuit, le lever du jour éclatant de cuivres solaires. Il y a les oiseaux, les cloches des vaches, les courants du torrent, les glissandi et glissades et le scintillement du glacier dans des transparences des cordes. C’est rendu à merveille et l’on se sent honteusement heureux tout en se posant la question : peut-on imaginer un Strauss malheureux, troublé, traversant deux guerres mondiales dans la délectation esthétique, sinon éthique, d’une œuvre exaltant la beauté ?

Photos, Christian Dresse :
1. L’Orchestre Philharmonique ;
2. Klaus Weise.

L’Orchestre Philharmonique de Marseille, sous la direction de Friedrich Pleyer donnera un concert pour le Fête de la Musique, le 21 juin, 21h30, Espace Bargemon, Marseille (Mozart, Berlioz, Rossini, Gounod, Saint-Saëns, Tchaïkosky, Verdi).
Le 2 juillet, 21h30, concert gratuit dirigé par Dominique Trottein, Palais Longchamp, Marseille (Beethoven, Berlioz, Borodine, Delibes, Gounod, Lehar, Saint-Saëns, Strauss).
Les 22 et 24 juillet, 21h30, Festival de Lacoste, Jacques Offenbach, La belle Hélène, direction Didier Benetti.

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