ECO
EUROPEAN CONTEMPORARY ORCHESTRA
Belgique / France / Italie / Roumanie / Malte
SYMPHONIES ÉLECTRIQUES DES NOUVEAUX MONDES
La Criée, Theâtre national de Marseille
Direction Raoul Lay et Jean-Paul Dessy
mardi 19 novembre
Nouveaux mondes, sinon
géographiquement spatiaux, musicalement spéciaux et qui font voluptueusement
voyager en agrandissant l’espace sonore sur les ondes d’ECO, bien nommé
phoniquement, sonnant phonétiquement écho en français dans une graphie qui
pourrait être en langues romanes, européenne donc.
ECO 2013-2015
Ce projet, cher à l'ensemble marseillais Télémaque qui en rêvait, en collaboration complice avec Musiques
Nouvelles (Belgique), Icon Arts (Roumanie), l'AFAM (Alta Formazione Artistica
Musicale, Italie) et le Spring
Festival (Malte), se concrétisait
enfin à Marseille par ce magnifique concert, une coproduction Marseille
Provence 2013 Capitale européenne de la culture, Mons, future Capitale
européenne de la culture en 2015, le George Enescu Festival, avec le soutien de
la SACEM et de l'Institut Français.
ECO, se définit comme un « Super-ensemble » électro-orchestral et
réunit trente-trois musiciens italiens, français, belges et roumains issus des
ensembles partenaires européens cités.
Si le grossissement des cuivres dans l’orchestre traditionnel au
cours des XIXe et XXe siècles a nécessité la
multiplication des cordes pour résister à la densité sonore, désormais,
l’amplification, la sonorisation des instruments permet un juste équilibrage,
avec l’avantage que chaque instrument sonorisé, qui n’est plus noyé dans la
masse, retrouve un rôle de soliste. ECO comprend donc dix instruments à vents,
mais aussi une base d’instruments à cordes, trois violons, trois alti, trois
violoncelles et une contrebasse : le piano y voisine avec un clavier
électrique, et, naturellement, l'ensemble intègre ces nombreuses percussions entrées dans
la musique du XXe siècle dans l’orchestre, sans oublier le saxo qui
a désormais ses lettres de noblesse, deux guitares électriques amplifiées, un
accordéon et des performeurs numériques ; un DJ improvise, de ses
platines.
Aux cinq œuvres présentées en création françaises ou mondiale pour
la pièce roumaine, toutes différentes, singulières et originales, l’ECO prête
une homogénéisation détectable et délectable, sans doute grâce au soin
amoureux, aux longues répétitions avec lesquelles ces œuvres ont toutes été
créées et polies de Belgique en Roumanie : pâte riche, palette sonore très
diversifiée, arc-en-ciel de timbres, klangfarbenmelodie que n’eût pas désavouée Schönberg, mélodie de
couleurs, que l’orchestre, au fil des pièces présentées, tisse, déchire,
décompose, recompose, mixées, malaxées, et nous emmène et promène vers des
sonorités inouïes venues d’ailleurs et en même temps d’ici, de maintenant et
d’hier, parfois référentielles sinon révérentielles envers la musique non du
passé mais la musique de toujours dans son tissu continu, de la référence
ancienne à sa vivification d’aujourd’hui : c’est, dirait-on en philosophie
deleuzienne, une reterritorialisation conquérante mais sans esprit de conquête autre que la quête d’horizons
multiples, entre la musique classique et les couleurs actuelles.
Il fut en temps, je témoigne du lointain Festival de Royan, sinon du
Donnauschingen Musiktage, où, dans l’affolante et suffocante forêt de créations
contemporaines à ingurgiter en peu de jours, le mieux que l’on pouvait ou osait
prudemment dire d’une œuvre c’est qu’elle était « intéressante ».
Passée la guerre des chapelles, les guérillas de clochers et le terrorisme
théorique, les querelles dépassées entre tonalité et atonalité, dodécaphonisme,
sérialisme intégral ou désintégré, cette nouvelle musique allégée des années de
plomb, retrouve une raison d’être innocente dans le bonheur musical sans
remords cérébral où le plaisir du son fait le plaisir des sens.
C’est sans doute, à défaut d’analyse impossible de chaque œuvre en
particulier en une première et seule écoute, avec quelque chose d’effectivement
festif, le facteur commun qui semble présider aux cinq œuvres présentées à
l’exception de la première, vraie musique de scène tragique, Brûlures de Pierre-Adrien Charpy, la pièce la plus longue (18 minutes environ) et la
plus sombre, hantée par l’ombre d’Œdipe sur la route d’Henry Bauchau, aux volutes parfois orientalisantes.
Les autres pièces, Embarquement pour l'outre-là (dédiée à Raoul Lay) de François Narboni, sur un titre possible de Céline, sont ludiques,
traversées par des images sonores du cinéma, des clins d’œil jazzy, pop,
country, électro, techno, de jeux phonématiques pour le remarquable trio vocal
de chanteuses comme Hop ! de
Martijn Padding. First world de Ted Hearne joue de références musicales canoniques (on croit entendre Bach, l’appel
de cor de Kéréol de Tristan) dans
un enivrant cocktail sonore, un patchwork versicolore séduisant. Finalement, Kaléidoscope
d’Adrian Iorgulescu, ce retour à une magie enfantine, à la fois visuelle
et sonore, où l’œil entend et l’oreille voit les couleurs, où rythmes, timbres,
sons, mélodie se répondent, couronnait et résumait peut-être la sensation et le
sentiment de cette belle soirées où, au meilleur et beau sens du terme, les
spectres, visuel et sonore, correspondaient se répondaient.
À quoi correspondit et répondit l’enthousiase de la grande salle pleine de la
Criée.
Photos : Anne Baraquin / Sofam, Mihai Benea.
Programme :
Pierre-Adrien Charpy
(France) : Brûlures ;
Ted Hearne (USA) : First
world , première française
François Narboni
(France) : Embarquement pour l'outre-là, première française ;
Martjin Padding
(Hollande) Hop !
Première française.
Adrian Iorgulescu (Roumanie)
Kaléidoscope, création mondiale.
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