Enregistrement 28/11/2012,
passage, semaine du 10/12/2012
RADIO DIALOGUE (Marseille :
89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 71
Lundi : 12h45
et 18h45 ; Samedi : 12h30
CHRONIQUES DE DISQUES
Les fêtes sont l’occasion d’offrir des disques. Voici quelques
suggestions parmi des disques récents. Les deux premiers sont de très belles
transcriptions d’œuvres célèbres, pour le piano et pour un ensemble de
violoncelles. Mais d’abord, qu’est-ce que la transcription ?
La transcription musicale, c’est l’adaptation d’une partition à un
instrument autre que celui pour lequel elle avait été initialement écrite. Cela
a toujours été un art consubstantiel à la musique, de la polyphonie réduite à
une voix ou, inversement, une seule voix démultipliée par plusieurs, du Baroque
au romantisme. C’est un art à part entière, c’est souvent une recréation, les
exemples sont nombreux et fameux : Bach adapte et recrée du Vivaldi, Liszt
réduit au piano des symphonies de Beethoven des airs d’opéra, et même Wagner.
En ces époques où n’existait pas le disque, on aimait réentendre au concert, ou
rejouer chez soi quand on avait un piano, des morceaux entendus à l’opéra pour
les plus chanceux. On découvrait et perpétuait la musique de la sorte par des
transcriptions qui la rendaient plus accessible, adaptée à un instrument plus
facile d’accès qu’un orchestre. Par ailleurs, la transcription au piano,
notamment des opéras, était et demeure une nécessité pour les solistes qui
doivent travailler d’abord seuls ou avec un pianiste une œuvre avant de la
répéter avec l’orchestre. Ces réductions d’opéras au piano sont faites souvent
par les compositeurs eux-mêmes, ou par des tiers quand ils ne l’ont pu.
D’autres compositeurs, très nombreux, ont transcrit certaines de leurs
compositions pour tel instrument afin de le proposer à une autre formation
instrumentale.
Cependant une tendance contemporaine de
sacralisation du texte devenu intouchable a effarouché nombre d’interprètes qui
ont reculé face à la tâche, qui est subtile quand elle est bien menée. Mais,
sans doute grâce à la nouvelle liberté apportée par les baroqueux, qui sont
bien forcés de jouer pour aujourd’hui une musique d’hier qui garde encore des
mystères d’interprétation, des interprètes osent de plus en plus prendre leur
bien où ils le trouvent comme disait Molière et adapter à leur instrument des
partitions chères à leur cœur. C’est la garantie du respect de l’œuvre
initiale, qui demeure, certes, mais élargie par la vision personnelle qu’en
donne un grand artiste : bref, c’est une interprétation qui est
recréation. On entend aussi maintenant, des chanteuses s’approprier un
répertoire initialement masculin, comme tels lieder de Schubert, changeant
ainsi le sexe du locuteur chanteur prévu par le compositeur, porosité entre les
genres qui marque bien notre époque qui dépasse hardiment les frontières de la
tradition sexiste, encore que le travesti soit resté l’un des signes
transgressifs du chant.
Coup sur coup, deux disques récents du label SAPHIR PRODUCTION nous en fournissent la démonstration.
Mais écoutons d’abord un extrait qui va nous le prouver :
DISQUE I,
PLAGE 11, FAURÉ
Il s’agit, par un ensemble de onze violoncelles, Les Phil'art'cellistes, de la « Sicilienne », un extrait de Pelléas et
Mélisande, non de
l’opéra de Debussy, mais de l’antérieure musique de scène de Gabriel Fauré pour
la pièce de Maeterlinck en 1898. C’est un arrangement créatif de Renaud
Guieu qui en signe
plusieurs autres tout aussi inventifs et réussis dans le disque bien nommé De la matière à la
couleur, des extraits de
West Side Story de
Leonard Bernstein (les
fameux airs « America », « One hand, one heart »,
« Tonight »), le Prélude de Lohengrin de Richard Wagner dont Proust parle si bien, ce
scintillement et tremblement de feuilles de peupliers argentés, de Claude
Debussy Nocturnes, Nuages, Fêtes.
Il y a aussi un superbe arrangement par Jérôme Pinget de la Danse slave op. 72 n°2 Dvořák et, enfin, illustrant aussi le titre du
disque, une pièce (1999), spécialement écrite pour un ensemble de violoncelles
par le compositeur argentin contemporain Martín Matalón (1958)
…del matiz al color, en trois parties riches de la
connaissance spécifique de l’instrument et qui n’ignorent rien des avancées
acoustiques, même d’origine électroacoustique de la musique de notre temps.
Les interprètes, les Phil'art'cellistes sont un ensemble formé en 2005 par onze
violoncellistes de l'Orchestre philharmonique de Radio France. Phil’ : marque d’origine, signe, généalogie de qualité de
qualité ; art’, car artistes à l’évidence, musiciens certes mais auxquels
nul art n’est étranger, opéra, danse, peinture comme le prouve ce disque et ces
choix, et cellistes car le cello, le chello est l’appellation en italien et d’autres
langues du violoncelle. Donc, Phil'art'cellistes aussi bien nommés que le titre de leur
disque De la matière à la
couleur où l’on dirait avec Baudelaire que les sons, les
couleurs, et l’on ajouterait presque les parfums, se répondent, tant ces
transpositions habiles, jouées par un seul instrument démultiplié et varié
chaque fois par la liberté de chaque interprète, donnent l’illusion, tout en
gardant la voix si humaine du violoncelle, d’une belle polyphonie où rien ne
manque de l’orchestre originel.
Un bonheur. On saluera aussi l’intérêt du livret de Lætitia
Chassain qui accompagne le disque,
dialogue intelligent et subtil avec Nadine Pierre, les arrangeurs Guieu et Pinget et le compositeur argentin Martín Matalón.
Notre second exemple nous entraîne, vers la Russie. C’est un premier
extrait du disque, toujours SAPHIR PRODUCTION : TCHAÏKOVSKI par
Emile NAOUMOFF, ce grand pianiste. Il
s’agit d’admirables transcriptions qu’il a faites pour son piano, de l’Ouverture Fantaisie Roméo et Juliette, vingt minutes de beauté sensible et l’Adagio
lamentoso de la 6e Symphonie, onze minutes de sensible beauté : d’émotion dans les deux cas.
Un seul reproche : le livret encore très intéressant, une
interview passionnante de Naoumoff, est surimprimé sur de beaux paysages, donc
difficilement lisible. On salue aussi le communiqué de presse, chaleureux et très bien écrit. Mais le
disque ne comporte pas que ces transcriptions puisqu’on y trouve également une
suite pour piano trop peu fréquentée chez nous, occultés par les fameuses
saisons de Vivaldi, la pittoresque
et sensible suite Les Saisons de Tchaïkovski. Actualité oblige nous écoutons ce
joyeux « Décembre ».
DISQUE II PLAGE 12 : 1’
Quelques
mots sur ce grand interprète d’origine bulgare qui fut un enfant prodige. Né en
1962 à Sofia dans une famille de musiciens, Émile Naoumoff apprend très jeune le piano, à cinq ans, l’orgue,
l'accompagnement vocal, l'écriture. À huit ans, il est auditionné à Paris par la
fameuse Nadia Boulanger,
pianiste, organiste, chef d’orchestre et pédagogue attentive qui eut le talent
d’accoucher nombre de talentueux interprètes et compositeurs. Il deviendra son
dernier élève, de 1970 à son décès en 1979. C'est grâce à elle qu'il rencontre
et travaille avec nombre de grands chefs d’orchestre, dont Markévitch, les
Casadesus, le chef et compositeur Leonard Berstein, Jean Françaix. En 1971, à
neuf ans, il écrit son premier concerto pour piano et cordes, donné en concert
l’année suivante sous la direction de célèbre Yehudi Menuhin. On voit non
seulement les hauts parrainages, mais le haut niveau de cet enfant accueilli
d’emblée dans la cour des grands.
C’est
ensuite, littéralement, la suite de prix, de lauriers, de récompenses
prestigieuses. Et que dire du
privilège d’être accueilli pour jouer, à peine adolescent dans le saint des
saints des orchestres, la Philharmonie de Berlin ? Plus tard, il est
invité au Musikverein de Vienne, au Concertgebouw d'Amsterdam, au théâtre des
Champs-Élysées et dans toute l'Europe et les États-Unis. Il donne des master
classes dans le monde entier et enseigne aux USA et en France. On ne compte
plus ses disques, de Bach à Fauré en passant par Mozart et des compositeurs
qu’il aime à faire redécouvrir.
Nous l’écoutons et nous nous quittons sur un
trop bref extrait de sa transcription de l’Adagio lamentoso de la 6e
Symphonie.
DISQUE II, PLAGE
14 : EN FIN ET FOND
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