mardi, octobre 09, 2012

PORTRAIT DE LUCA LOMBARDO, TÉNOR


LUCA LOMBARDO


C’est notre Marseillais universel, notre ténor international : Luca Lombardo, dont l’accent et la voix ensoleillée chantent Marseille avant même qu’il ne chante, réclamé par les quatre coins cardinaux de l’opéra, de l’Asie à l’Amérique, de l’Europe à l’Afrique en passant par l’Australie, nous revient pour ouvrir notre saison lyrique, avec le rôle de Don José de Carmen, qu’il a chanté deux-cent-trente fois dans le monde dans plus de vingt-cinq productions, la dernière en juillet, à Venise, à la Fenice, avec la production de cet opéra qui tourne actuellement le plus dans le monde. Il va l’interpréter enfin chez nous, chez lui, dans cette ville qu’il n’a jamais quittée malgré ses incessantes tournées, puisqu’il y habite. Avec le bonheur rare, me confie-t-il, de travailler sur place et de pouvoir se lever le matin, à six heures, pour préparer le petit déjeuner de son fils adolescent.
Cette douceur familiale, entre femme et fils pour Luca, rare pour le nomadisme des grands artistes qui sont appelés à chanter partout dans le monde, l’Opéra de Marseille la lui offrira encore cette saison puisqu’on le réentendra dans la rare Cléopâtre de Massenet en juin 2013, en plein dans les célébrations de Marseille Capitale européenne de la culture.
Certes, Luca Lombardo est loin d’être un inconnu à l’Opéra de Marseille. Nous l’y avons entendu dans Le Roi d’Ys, Bravo Offenbach, L’Atlantide du grand compositeur marseillais Henri Tomasi, il y a longtemps de cela. Plus près de nous, dans Cavalleria Rusticana en 2011 auprès d’une partenaire qu’il a beaucoup retrouvée, notamment dans Carmen à la Bastille, Béatrice Uria-Monzon. Il avait défendu naguère un autre grand compositeur marseillais, Ernest Reyer, dont la place de l’Opéra porte le nom, en étant un héroïque Sigurd pas très loin, à Montpellier. Il me confie en souriant que Sigurd était le nom de son premier chien, preuve d’admiration et d’affection.
Le voilà donc chez nous, chez lui. Il retrouvera dans cette production de Carmen d’autres partenaires complices  qu’il aime et apprécie, Anne-Catherine Gillet en Micaëla, et Jean-François Lapointe en Escamillo. Après Marseille, il ira au Festival Massenet de Saint-Etienne défendre la résurrection du Mage, opéra qu’on avait oublié, avec enregistrement de l’œuvre à la clé par le Palazzo Bru Zane. Il sera à Lyon dans L’Heure Espagnole de Ravel au Capitole de Toulouse dans Manon, et à l’Opéra National de Paris, dont il est un habitué, pour Werther et Le Cid.  Enfin, après tant de tournées à l’étranger, un peu chez lui, Français chantant en France et Marseillais à Marseille, une chance pour nous que cette escale qu’il nous offre.
C’est qu’il est allé loin, notre jeune Marseillais ! Après un Bac scientifique et des études de droit, faisant ses premières armes au Conservatoire de Marseille, il part pour Trévise, près de Venise, et y travaille avec le maître, C. Thiolas. Puis c’est la suite des lauriers de plusieurs grands concours de chant lauréat internationaux : Prix Caruso de Milan, Prix Georges Thill, du nom du légendaire ténor français, Concours des Voix d'Or, Concours Viñas de Barcelone, Concours International d’Opéra de Marseille en 1987, présidé par Ernest Blanc.
Il est dès lors aspiré par le succès : les Flandres, l’Australie, (Sydney, Melbourne), la Suisse, l’Autriche. Il fréquente les plus prestigieuses salles du monde entier, à Paris, l’Opéra Comique où il alternait dans Werther avec le légendaire Alfredo Kraus, l’Opéra Bastille auprès de Plácido Domingo. Il fut aussi à Bastille le Don José de Carmen, puis le Hoffmann des Contes, un de ses meilleurs rôles. Il a fréquenté le Staatsoper de Vienne, le Festival de Glyndebourne, les Chorégies d’Orange, en passant par la Scala de Milan où il chanta sous la direction de Ricardo Muti les rarissimes opéras XVIIIe siècle Lodoiska de Cherubini et La Vestale de Spontini, deux opéras de compositeurs italiens sur des livrets en français. Luca Lombardo, notre Marseillais, est demandé partout à l’étranger, comme le meilleur défenseur actuel par l’élégance du chant, la pureté de la diction, du style français. On lui a même offert le luxe de chanter les versions originales de la Salomé de Strauss à Nice, sur le texte français d’Oscar Wilde, et celle du Don Carlos original de Verdi en Argentine. Il n’est pas abusif de dire que Luca Lombardo est devenu pratiquement l’identification du chant français pour les rôles essentiels de ténor : Don José, Hoffmann, Faust, de Gounod et de Berlioz, Werther…


Il a chanté avec les plus grands chefs, de Casadessus à López Cobos, de Cambreling à Nader Abbassi, sans oublier Ricardo Muti, le patron de la mythique Scala et il a travaillé avec les plus fameux des metteurs en scène. Il garde un excellent souvenir Christoph Marthaler, à la pointe de l’audace, dont la production de Luisa Miller de Verdi, dans laquelle il incarnait Rodolfo, fut sacré meilleur spectacle en Allemagne.
S’il a chanté Don José de Carmen au Stade de France devant soixante-douze milles spectateurs, s’il en est à plus de cinquante Hoffmann, les personnages qu’il a le plus chantés avec Werther, il a déjà soixante rôles différents à son actif et en est à trois prises de rôles en moyenne par an sans compter les concerts. Il a pratiquement chanté tous les rôles célèbres de ténor lyrique italien de Verdi à Puccini, en passant par le Tamino de La flûte enchantée, pratiquement sa seule incursion dans l’opéra allemand et La Petite renarde rusée du tchèque Janacek à l’Opéra Bastille.

Il faut reconnaître qu’il est quelque peu prisonnier de ces rôles français auxquels on l’identifie et qu’il polit par cette longue fréquentation. Certes, il les chérit comme il porte au cœur Mario de Tosca, comme il aime Rodolfo de La Bohème, mais il rêve d’autres rôles pour sa voix qui, de ténor lyrique, évolue vers le lirico spinto plus large et corsée, tels le Des Grieux de Manon Lescaut (il est réputé pour celui de Massenet), le Dick Johnson de La fanciulla del west de Puccini, et rêverait d’incarner le poète André Chénier, vu par Giordano, qui finit sur l’échafaud pendant la Révolution.

Avec cela, Luca Lombardo révèle une autre face de sa personnalité. S’il avoue vouloir arriver sans idée préconçue du personnage qu’il doit incarner, même s’il l’a longuement fréquenté, pour rester ouvert aux propositions du chef et du metteur en scène, il approfondit toujours l’œuvre qu’il chante en lisant son support littéraire et les ouvrages qui la concernent, une façon d’en approfondir l’approche. Mais le cinéma, le sport, le tennis, et le foot pour ce Marseillais, la rencontre avec ses amis et l’asile de la vie de famille sont des haltes privilégiés dans le tourbillon de cette belle carrière. 

On a plaisir a transcrire ce qu’en disent deux confrères critiques d’Opéra Magazine :

« Luca Lombardo […] met sa longue expérience du rôle de Don José au service d'une incarnation de bout en bout maîtrisée, avec une conduite de la ligne, un naturel dans l’émission et une conviction dans l’accent qui forcent le respect» (Richard Martet)
Il faudrait obliger les élèves des cours de chant à l'écouter pour prendre la mesure de ce qu'est le style français de demi-caractère, avec l'éclat, le phrasé et la diction qu'il suppose. (Jacques Bonnaure) 
Photos :
1. Portrait par Gilles Swierc;
2. Dans Tosca;
3. Dans Tosca;
4. Dans Carmen à Turin;
5. Dans Carmen à Turin.


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