FESTIVALS
Estival se cache sous
festival. Par la vertu de la consonance, de la paronomase dirait-on en bon
terme rhétorique, on ferait presque des synonymes de ces mots. Or, ces
festivités artistiques en un lieu et une période donnés n’ont pas de saison,
tel le printanier Festival de Cannes ou le Festival permanent des deux saisons
de Toulon, hiver été, dont la frontière entre les deux n’est que la belle
étoile qui permet des concerts à l’air libre.
La Région PACA est
devenue, sinon une terre de mission une Terre de Festivals comme le volume qu’elle édite : il
y en a 271 en 2012. Ils étaient plus de 400 en 2008. Mais les baisses et
souvent l’arrêt de subventions ont porté un coup d’arrêt à cet essor culturel,
forcément inducteur d’emplois, même saisonniers, apportant un supplément de
prospérité estivale à des lieux fréquentés par les touristes.
Dans la fonte des
subventions, on constate que l’Etat semble réserver ses subsides aux
manifestations de prestige, et il abandonne aux collectivités locales, qui
assument déjà le financement des structures, un art et une culture du terrain
attentifs aux publics moins favorisés et plus éloignés des grands centres
culturels et artistiques, officialisant de la sorte une politique culturelle à
deux vitesses, renversement historique des lois Malraux et leur rêve d’élitisme
démocratique de l’art pour tous. Retiré de certains petits festivals, le
Ministère en a signé la mort. Cela représente néanmoins, en 2012, 1869
spectacles dans notre région privilégiée.
Pour ceux qui ne
veulent pas simplement bronzer ou toaster idiots sous le soleil estival, sans
pouvoir bien sûr citer tous les festivals, voici quelques festivités d’été, ces
festivals estivaux –en bon accord grammatical.
D’abord, on saluera la
belle diversité des programmations : des musiques savantes, anciennes ou
contemporaines, au rock et aux musiques du monde, de l’art lyrique aux variétés
et au jazz, du théâtre le plus classique au théâtre de rue, de la danse
contemporaine aux danses folkloriques, de la photographie au cinéma, l’éventail
est aussi large que les prix.
MARSEILLE
SOUS LES ÉTOILES
Cependant, on va
parfois chercher loin ce que l’on a tout près. Et quand la crise creuse les
écarts entre les classes, que tant de gens ne peuvent prendre des vacances,
nous avons la chance, à Marseille, d’avoir des manifestations de très grande
qualité à portée de main et même de bourse, puisque certaines sont gratuites.
Dans des lieux magnifiques.
LONGCHAMP
Ainsi l’imposant et
apaisant Palais Longchamp, la rigueur de la pierre et la douceur de l’eau, avec
ses fontaines qui ont alimenté la ville en eau, à deux pas du centre en tramway
ou à pied. On a l’impression deux bras accueillants, grands ouverts, quand on
arrive devant ce double péristyle de colonnades de palais digne d’un décor
d’opéra baroque jouant à l’antique. Il a servi de cadre harmonieux à des
soirées musicales sous les étoiles. On a pu y écouter le Big Band d’accordéons
du CNRR, du Conservatoire National à Rayonnement Régional, l’Orchestre Philharmonique
de l’Opéra de Marseille, les
élèves pianistes lauréats 2012.
ESPLANADE VILLENEUVE BARGEMON
Jouxtant la Mairie centrale, joyau
architectural du XVII e siècle sauvé du dynamitage des quartiers du
Vieux-Port par les Allemands en 1943, cette vaste esplanade aménagée en
plusieurs niveaux, part de la Rue Caisserie au quai du Port. Des répétitions du
Festival de danse de Marseille, s’y sont données en public, le BNM, le Ballet
National de Marseille y a offert un spectacle ainsi que d’autres formations et,
clou de la saison, le 7 juillet, Roberto Alagna, sous l’égide de l’Opéra,
donnait un récital gratuit.
Alagna, ou simplement
Roberto pour le public, c’est le plus populaire des ténors français, disons, un
Sicilien de Paris, un Parisien universel, que les plus grands opéras du monde
s’arrachent. Adopté depuis Marius et Fanny à Marseille, triomphant dans Le Cid de Massenet l’an dernier, il
reviendra l’an prochain pour illustrer Marseille capitale européenne de la
culture en 2013 et sera, cet été le Calaf de Turandot de Puccini à Orange les 28 et 31 juillet. Il
donnait un récital gratuit d’airs d’opéra et de chansons siciliennes,
napolitaines, hispaniques, devant plusieurs milliers de personnes dans cet
autre lieu superbe, tout contre la Mairie du Vieux-Port, la Place Villeneuve
Bargemon.
Depuis 11 heures du
matin, des gens avaient pris place pour ne pas rater cet extraordinaire concert
commençant à 21h30. Imaginez, sur fond de scène transparent, la Vierge de la
Garde telle une carte-postale, comme un doigt pointé vers le ciel encore
lumineux ; derrière, la noble façade restaurée de l’Hôtel-Dieu :
entre les deux, une marée humaine, des vagues de têtes étagées sur les degrés
de l’immense place, sur des sièges installés ou des chaises que certains ont apportées
de chez eux, d’autres assis à même le sol, d’autres encore, privilégies depuis
la fenêtre de leur appartement comme d’un balcon plongeant sur la scène,
d’autres encore, attablés dans les restaurants voisins. Bruissement de foule
impatiente, odeurs de cuisine, de sardinade, brouhaha par moments de foule
méditerranéenne forte en gueule. Une brise légère, la nuit tombe, la Vierge de
la Garde d’illumine, les mâts des bateaux éclairés se mettent à danser sous une
brise légère. Il arrive, c’est une clameur d’émeute, mais pas de meute, cris de
joie, d’enthousiasme, on l’appelle, interpelle : « Roberto,
Roberto ! » « Oui, c’est moi, je confirme », répond-il avec
un sourire bon enfant, une gouaille de Poulbot, de titi parigot, et une
familiarité de « ragazzo » italien, entretenant, toute la soirée, ce
climat cordial, bon enfant, méditerranée : bref, un vrai Marseillais
d’honneur, au meilleur. Il enchaînera inlassablement airs d’opéras italiens,
français, allemand, russe puis des airs populaire de son Italie originelle,
sans oublier l’Amérique latine et l’Espagne. Il passe de forte éclatants à des
pianissimi, à une voix de tête digne des mariachis mexicains, avec un égal
bonheur, pour le bonheur des spectateurs. Concert terminé à minuit sous les
ovations enthousiastes, la foule fera encore la queue jusqu’à 1h30 devant la
Mairie pour le voir, se faire photographier avec lui, faire signer programmes
et disques.
THÉÂTRE SILVAIN
Autre lieu
d’exception. Dans Vallon de la Fausse Monnaie au nom si romanesque, à la première
courbe de la Corniche, à gauche en allant vers les plages du Prado, entre mer
et colline, un creux de verdure : le théâtre Silvain. Le 14 juillet 1923,
Eugène Silvain, d’abord chanteur lyrique et comédien, et sa femme, tous deux
sociétaires de la Comédie française, tombent amoureux de cette sorte de poing
généreusement ouvert vers le ciel, une conque à l’acoustique parfaite. Une
scène, des gradins à l’antique qui semblent escalader la colline vers le ciel,
et voilà une sorte d’Épidaure marseillais, qui peut, restauré aujourd’hui,
accueillir aujourd’hui quelque 3000 personnes.
Les spectacles se succèdent tout
au long de l’été certains gratuits, comme le remarquable récital D’autres
rivages de Christina
Rosmini, marraine
2012 du théâtre, qui a régalé un public nombreux de ses chansons au beau
métissage méditerranéen : elle danse, chante, « tchatche » avec
son public en bonne Marseillaise, avec un charisme toujours renouvelé. Un
spectacle de haute qualité artistique et morale. Concert gratuit. Et même quand
les spectacles sont payants, les tarifs restent largement accessibles.
Trente spectacles y
ont été programmés : jazz, rock, musique classique, opérette, opéra,
cinéma retransmission gratuite des Noces de Figaro en direct du Festival d'art lyrique
d'Aix-en-Provence, (gratuit) ont été au programme, en passant par Juliette
Gréco dans le cadre du festival Accordémonde. L'Orchestre des Jeunes de la
Méditerranée donnera
un concert le 21 juillet.
Mais il faut signaler
un concert particulièrement original le 27 juillet. L'ensemble baroque Una Stella, dont nous reparlerons, va offrir
en un soir, un voyage dans une année musicale bien particulière, une année non
pas de quatre, mais de huit saisons. En effet, nos baroqueux marseillais ont eu
la belle idée d’associer les fameuses Quatre Saisons de Vivaldi (voilà le Baroque) à
celles d'Astor Piazzolla, dont on célèbre le 20 e anniversaire de la disparition. Ce
grand compositeur, nourri à l’école de Nadia Boulanger, a révolutionné le tango
et sa musique est prisée même des plus grands interprètes classiques. Una
stella nous
proposera donc, comme en un miroir, un doublé de chaque saison du Vénitien et
de l’Argentin, avec la complicité du Duo intermezzo qui signe chez
Indé !SENS !
Balada para un loco, un disque hommage à Piazzola.
Le disque d'Una Stella chez Naïve,
que je recommande, Italia
1600/Argentina 1900, à des musiques baroques que je dirais, « classiques », de
Caccini, Monteverdi, Porpora, Händel, Vivaldi, Broschi (le frère de Farinelli),
mêle avec bonheur trois morceaux contemporains d’Amérique du sud, un poème du
grand poète espagnol Rafael Alberti, Se equivocó la paloma, délicatement mis en musique par le
compositeur argentin Carlos Guastavino, mélodie adaptée ici à la guitare par Philippe
Spinosi, une
déchirante Milonga en ay menor (‘Milonga en aïe menor’) de Piazzolla et, enfin, la fameuse Bachiana brasileira N°5 de Villa-Lobos, pour laquelle Philippe
Spinosi encore, qui dirige
l’ensemble, a fait une adaptation originale et savoureuse des deux versions qui
existent, l’une pour violoncelles et l’autre pour guitare, une réussite. La
chanteuse, c’est Verónica Cangemi, véloce et virtuose chanteuse baroque, qui a plus d’un arc
dans ses cordes vocales : Argentine, elle interprète les airs et, en
particulier, avec une prenante émotion « porteña », du port de Buenos
Aires, la milonga de Piazzola. On espère vite un autre disque de ces
interprètes.
En août, Una Stella, toujours dans
cette veine et verve syncrétique,
se joindra à Michel Legrand et son trio pour un autre concert atypique le 6 août.
Un service de bateau
devrait être mis en place entre le Vieux-Port et l'Anse de Maldormé pour gagner
le théâtre Silvain. Le bus 83, arrêt Pont de la Fausse monnaie, laisse juste
devant et le 583 fluobus ramène le public après le spectacle.
Réservations au 04 96 20 62 04
Réservations au 04 96 20 62 04
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