jeudi, mars 08, 2007

L'Heure du thé, Marseille




L’heure du thé
Récital des solistes du CNIPAL,
Opéra de Marseille

Charmante Heure du thé, offerte déjà à Bordeaux avec succès, à trois dramatiques opéras près consacrée à des œuvres plus légères, bouffes ou opérettes. Cinq jeunes chanteurs trois déjà bien connus et deux autres, Eugénie Danglade et Marc Callahan, déjà entendus en ensembles pour elle et dans un petit rôle de Colombe pour lui, pour la première fois en en solo et dans des duos ici.
D’emblée, deux stagiaires déjà appréciés, le ténor argentin Manuel Núnez Camelino, et le baryton français Virgile Frannais, nous embarquaient dans une des « Soirée musicales » de Rossini, « Les Marins » : prélude onduleux, ondoyant dans les basses du piano, onde, vague large des voix, lumineuse écume de l’aigu du ténor sur la crête de la vague sombre du baryton ; longues tenues de notes comme un horizon lointain angoissant, quelques gestes des bras, appels dans la tempête, avant de voguer, dans la seconde partie, dans les vaguelettes guillerettes du calme retrouvé d’un Rossini moins orageux.
On retrouve Virgile Frannais avec le même plaisir, toujours en progrès. Ce baryton a un rapport franc et direct avec son public, oui, son public, tant il semble immédiatement à l’aise dans ce rapport chaleureux entre la scène et la salle qu’il capte en sympathie. Sans lourdeur, il est l’avantageux militaire Belcore et bel canto de l’Elisir d’amore de Donizetti, bouffe et bouffonnant, martialement claironnant, plein d’entrain, voix drue de drille joyeux, aux larges et pleines vocalises qu’il assouplira, comme il s’y essaie dans son second morceau.
Son comparse, Manuel Núnez Camelino, dans leur duo plein d’apartés, est, vocalement et scéniquement, un élastique et plus malicieux que mélancolique Nemorino, l’amoureux transi, plein de charme ingénu. On tourne la page, l’opéra, et, dans le Gennaro de Lucrèce Borgia du même Donizetti, avec la même vérité vocale et expressive, le même engagement, il est l’amoureux romantique, dramatiquement épris, sans le savoir, de sa mère inconnue. Sa voix ductile sert ensuite sa flexible fantaisie charmeuse dans un duo d’Offenbach et c’est une vertigineuse veine et une verbeuse verve sans bavure qu’il déploie, avec une élocution parfaite, dans l’air du Brésilien (Argentin ici) de La Vie Parisienne.
Entendu fugitivement sur la scène de l’Opéra, le baryton américain Marc Callahan se présente ici pour la première fois : physique fringant, regard bleu intense et extraordinaire mobilité et souplesse d’expression, le visage semblant d’avance modeler les mots et moduler la musique. Deux airs d’opéra français, lui offrent l’occasion de montrer sa diction presque impeccable dans notre langue. Sa « Ballade de la reine Maab », du Mercutio de Roméo et Juliette de Gounod a une juvénile espièglerie, un charme primesautier et poétique, et du Lescaut de la Manon de Massenet, il fait un élégant libertin et non un gras viveur, devenant agréable et toujours expressif conteur dans la Mascotte d’Audran. La voix est large, égale sur toute sa tessiture, chaleureuse, et on en sent toutes les possibilités encore de développement dans l’éclat brillant de l’aigu et la beauté sombre du grave.
On l’imagine dans le Guglielmo de Cosí fan tutte, en duo avec la charmante Eugénie Danglade en Dorabella, mezzo qui possède le même type de vocalité en prometteur devenir : souplesse, tessiture homogène, aigus assurés et graves non poitrinés, timbre brillant d’une riche couleur, harmoniques rubis dans le grave et émeraude dans l’aigu. Du travesti plein d’aisance de Lucrezia Borgia, elle passe à la féminine Dulcinée de Don Quichotte de Massenet, sensualité sans insistance, chantournée des si particulières roulades espagnoles, dont elle se tire avec brio. Jolie Belle Hélène, coquine et coquette, elle est une piquante et picaresque Périchole d’Offenbach avec la complicité fantasque de Manuel Núñez.
L’humour va bien à la dramatique voix de Mihaela Komocar déjà bien connue ici et hautement appréciée. Revenue de son Amelia tragique du Bal Masqué de Verdi à Zagreb, elle démasque son tempérament comique irrésistible dans un air grandiose de la migraine d’Offenbach. Ensuite, avec Frannais, ils nous régalent d’un inénarrable duo de la Mascotte. Ils y mettent une fraîcheur et un naturel badin et joyeux, avec une générosité de voix qui arrache ce morceau usé aux interprétations chichiteuses et cucufiantes dont on l’affadit si souvent.
Ce fut enfin, par la grâce inventive de Patrick Visseq au piano et à la composition, l’ébouriffant Duo bouffe pour deux chats de Rossini devenu miaou en meute des trois matous et deux minettes (si les chats hérissés ne n’effarouchent du chien) toutes griffes dehors. Au poil et désopilant.
22 février 2007


Photos M@rceau, légendes B. Pelegrín
3. Heure du thé mérité : Callahan, Núñez, Komocar
2. Niña Eugénie et niño Manuel (Périchole)
1. Glou-glou, bê, bê (La Mascotte) : Frannais, Komocar.

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