mercredi, juin 09, 2021

ROMANTIQUE NOCTURNE

 

Trio Talweg – Schubert, Trio No. 1 D.898, Notturno D.897, Auf dem Storm D. 943,  NoMad Music

 

         Sébastien Surel, violoniste, Eric-Maria Couturier, violoncelliste et Romain Descharmes, pianiste, ont uni leurs instruments et talents pour former un trio classique auquel ils ont donné un nom qui est définition et  déclaration d’intention, vocation et désormais pratique et caractéristique.  En effet Talweg unit deux termes topographiques allemands tal (vallée) et weg (voie, chemin), dont l’association bien trouvée, dans cette langue agglutinante, signifie littéralement , expliquent-t-ils, « chemin de la vallée », je dirais plutôt pour jouer musicalement sur les sonorités, l’allitération en  v : « voie de la vallée », pour faire aussi résonner, mettre en écho, forcément sonore voie e et voix x.

Quoiqu’il en soit, ils se sont bien nommés car le terme désigne la ligne de confluence des courants venus des sommets déValant Vers la cuVette de la Vallée. Bon, ne pensons pas aux aValanches ! Mais aux beaux ruissellements de diverses sources qui donnent le flux, le flot ou fleuve musical enrichi de ses différences. En effet, le Trio Talweg, sans renier la tradition classique et romantique, noue, renoue des liens contemporains entre les cultures et les styles, sans renier jazz, tango, rock ou musique contemporaine de compositeurs tels Peter Eötvös, Rebecca Saunders, Mikel Urquiza.

Cela donne à leurs interprétations une liberté, une fraîcheur dont ce disque est un séduisant exemple, nous offrant une écoute renouvelée de deux œuvres très ou trop connues de Schubert, le Trio No. 1 D.898, et le Notturno D.897 et d’une pièce absolument inconnue, et pour cause, puisque c’est leur transcription instrumentale du lied Auf dem Storm D. 943, ’Sur la rivière’, originalement pour ténor cor et piano, dont le poème intégral de Ludwig Rellstab (1799-1860) nous est donné dans le livret.

 Le Trio No. 1 D.898 en B flat major (je traduis : en ‘si bémol majeur’) a sans doute été composé par Schubert en 1827 après la mort de Beethoven qui en avait laissé un modèle exemplaire avec son Trio à l’Archiduc en 1811. Schubert le compose, comme toujours pour des amis, deux amis qui avaient été les créateurs de celui de Beethoven qui tenait le piano. Schubert admirait, bien sûr, Beethoven, qui n’accepta jamais de le rencontrer. Sans doute la mort de ce terrible père fouettard, écrasant, libère-t-il ce fils œdipien frustré, qui mourra l’an d’après, à trente et un ans. Toujours est-il que son Trio est largement à la hauteur du maître vénéré.

Mais, si Schubert n’a pu ne pas songer à Beethoven, en tous les cas, ce n’est pas à sa mort. Dans sa musique si souvent mélancolique, ce morceau est souriant d’un bout à l’autre, à quelques notes près du second mouvement, Andante un poco mosso, joué avec une élégante nonchalance par les Talweg, avec un piano qui déroule ses notes sous un violon ailé. Le premier mouvement, Allegro, sonne on ne peut plus allègre, plein d’allégresse lumineuse. De forme sonate avec deux thèmes, le second, à peine plus sage, ne fait pas d’ombre au premier dans cette interprétation qui en sait rendre toute la fougue légère, tout le jeu espiègle, ludique, juvénile, avec ce violon railleur, assévératif, affirmatif, joyeusement têtu, dans un triomphalisme d’enfant qui gagne au jeu tandis que ce piano guilleret égrène des gammes jamais gommées, toujours limpides sur le velours du violoncelle (Plage 1).

Le troisième mouvement, Scherzo, allegro, jeu, encore allègre, ne dément en rien ce caractère enjôleur de l’ensemble et le dernier, Rondo vivace, est plein de malice souriante. Un régal.

 Le Notturno D. 897 (E flat major, ‘mi bémol majeur’) est mystérieux par sa date et l’on pense qu’il devait figurer dans le Trio D.897, qu’il précède par le numéro du Catalogue Deutsch. Sans doute Schubert le retira-t-il car il est vrai que son caractère nocturne, sombre, ne convenait pas avec cette joie qui illumine le trio.  Mais nous en goûtons la mélancolie romantique (plage 5).

La troisième pièce du CD (E major, ‘mi majeur’) est donc la transcription instrumentale du lied Auf dem Storm D. 943, ‘Sur la rivière’, magnifique surprise, ce ruissellement de vaguelettes du piano, ses petites crêtes sur les ondes du violoncelle, sous la brise légère du violon qui devient écharpe agitée d’un adieu. On s’y embarque avec bonheur pour naviguer sur ce superbe disque (plage 6).

 

Trio Talweg – Schubert, Trio No. 1 D.898, Notturno D.897, Auf dem Storm D. 943, NoMad Music

 

RCF. Semaine 10,  émission N°515 de Benito Pelegrín. 

Podcast sur le site de RCF Dialogue

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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