mardi, novembre 13, 2018

GRANDE GUERRE ET MUSIQUE


Enregistrement 5/11/18, Culture en Provence
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 343, semaine 45

11 novembre : commémoration du centenaire de l’Armistice de la guerre de 14-18.
Le 14 juillet 2014, symboliquement, pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre, j’avais parlé des trois premiers CD de la débutante collection lancée par les éditions Hortus : Les Musiciens et la Grande Guerre.  Nous avons suivi pratiquement pas à pas cette collection, trente-deux enregistrements en date du 11 novembre 2018, centenaire de l’Armistice où l’immense collection va se clore tout aussi symboliquement.
Étrange sentiment à l’annonce de cette fin : d’un côté, on éprouve comme un soulagement avec le souvenir de la fin de ce conflit cataclysmique, et, en même temps, nous avons la sensation d’une perte de ce monument pierre à pierre, disque à disque érigé, qui nous a accompagnés pendant quatre ans, évoquant, dans la paix musicale, la guerre. La guerre par les musiciens qui l’ont chantée, pour l’exalter d’abord dans la folie nationaliste meurtrière des lendemains que l’on croit vainqueurs et chantants, puis, en déchantant quand la guerre s’installe dans l’insoutenable durée, révélant son atroce visage finalement l’abominable pour tout le monde, dans ses horreurs que même la musique ne parvient pas à transcender.
Cette gigantesque anthologie s’était donnée pour but généreux et ambitieux, de faire découvrir ou redécouvrir l’univers sonore des compositeurs, interprètes et musiciens ayant vécu et subi cette guerre, mobilisés, immobilisés dans leur œuvre, souvent blessés, souvent tués, exécuté expéditivement comme l’héroïque Albéric Magnard,  mort coupable simplement de patriotisme, dont la musique innocente inaugurait la collection. Il y avait ceux restés hors du front à cause de leur âge, de leur faiblesse constitutive comme Ravel, ambulancier malheureux, ou de leur maladie, comme Debussy, qu’on appelait alors, Claude de France, dans un nationalisme inévitable quand la patrie est en danger, mais nationalisme, hélas, généralisé aux nations, qui amena cette catastrophe mondiale.
D’autres livraisons discographiques avaient généreusement élargi l’horizon et, passant, dépassant les odieuses frontières, prétextes aux revendications territoriales meurtrières, nous ont offert un beau panorama de compositeurs français, anglais, australiens du même camp, mais aussi allemands de l’autre, qui avaient pressenti ou senti la catastrophe abattue aussi sur eux, alors qu’ils étaient tous liés, alliés ou pas, par la fraternité universelle de la musique, même sans se connaître.
Mais la guerre se déclare (et par qui et pourquoi ?) et l’on devient l’ennemi officiel de celui qui est du mauvais côté de la frontière. Et réciproquement : à chacun sa vérité, sa justice. « Plaisante justice qu’une rivière borne, disait déjà Pascal : vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. »
         Cette anthologie exceptionnelle, au long de ces quatre années, disque à disque, parfois non sans résistance intime à l’évocation de tant de malheur, nous a contraints à voir, revoir, à ne pas oublier, en même temps que ce temps de douleur humaine, de guerre, ce que l’art le plus épuré, la musique des hommes, même difficilement audible dans le fracas des armes, porte d’inextinguible l’espérance à l’humanité.
         Ainsi, du haut de ces 33 volumes déjà parus, la collection, labellisée par la Mission du Centenaire en 2014, constitue un corpus patrimonial impressionnant, cohérent dans sa pluralité diverse. C’est un recueil de plus de deux-cents œuvres, dont près de quarante inédites, de cent-vingt compositeurs de douze nationalités différentes.
         Voici donc un rapide aperçu des deux derniers reçus.
         Inédit, du volume XXXII Ode à la France de Jacques de la Presle, sur des paroles de René Dorin, écoutons un extrait du Cri de guerre de le 6e Division d’Infanterie par le Chœur Fiat Cantus dir. Thomas Tacquet :
1) DISQUE 1, PLAGE 10
Seule l’horreur de la guerre peut justifier ces horribles paroles, improvisées dans la tranchée, aspirant, invitant au carnage et à la mort.
Nous quitterons cette magnifique collection Hortus avec le CD, harpe, sur ces arpèges doux de Jacques Ibert :
 2) DISQUE II, PLAGE 1 
Éditions Hortus, collection les musiciens et la Grande Guerre



La harpe consolatrice
Ibert - Tournier - Renié - La Presle - Roussel - Fauré 
Pendant la Grande Guerre, la harpe par sa sonorité douce, légère et à connotation féminine est associée dans l’imaginaire aux infirmières tentant de calmer les souffrances des victimes. Les jeunes compositeurs mobilisés vont nous offrir dans leurs œuvres une vision intimiste, délicate mais souvent aussi profonde et émouvante. La grande harpiste Henriette Renié représente toutes ces femmes qui traversèrent discrètement la guerre dans la souffrance et les difficultés tout en défendant l’art à l’égal des hommes. 
Kyunghee Kim-Sutre, harpe
Programme détaillé
HORTUS 731 | CD DDD ℗ Hortus 2018 | T.T. 72'26 
 Les Musiciens et la Grande Guerre, disque 31 
 Jacques Ibert (1890-1962) 
 Six pièces  
1.Matin sur l’eau4'38
2.Scherzetto3'51
3.En barque, le soir...9'15
4.Ballade5'35
5.Reflets dans l’eau5'46
6.Fantaisie8'47
 Marcel Tournier (1879-1951) 
 4 Préludes  
7.Tranquille1'54
8.Pas trop vite1'40
9.Lent2'19
10.Allegretto2'14
 Henriette Renié (1875-1956) 
 6 Pièces brèves  
11.Conte de Noël1'33
12.Recueillement1'32
13.Air de danse0'55
14.Invention dans le style ancien1'03
15.Rêverie1'32
16.Gavotte0'47
 Jacques de La Presle (1888-1969) 
17.Le Jardin Mouillé 6'17
 Albert Roussel (1869-1937) 
18.Impromptu op. 21 6'36
 Gabriel Fauré (1845-1924) 
19.Une châtelaine en sa tour op. 110   



 
Ode à la France
Debussy - Bridge - Pierné - La Presle 
La musique pour chœur exprime le plus souvent les sentiments d’une foule unie. Cette expression collective prend une connotation religieuse dans des œuvres permettant d’espérer le retour à la paix (A Prayer). Elle dépasse aussi le sentiment religieux pour s’inscrire dans l’histoire et l’unité nationale comme dans L’Ode à la France de Debussy ou Les Cathédrales de Pierné, une fois exprimé un véhément Cri de Guerre. 
Delphine Guévar, soprano  
Flore Merlin, piano  
Benjamin Carré, piano  
Luca Montebugnoli, piano  
Boché Kaëlig, ténor  
Florence Mestais, récitante  
Choeur Fiat Cantus, choeur  
Thomas Tacquet, direction


Les Musiciens et la Grande Guerre, disque 32 
 Claude Debussy (1862-1918) 
1.Ode à la France op. L. 141 12'53
2.Noël des enfants qui n'ont plus de maison 2'35
 Gabriel Pierné (1863-1937) 
 Les cathédrales  
3.Prélude9'29
4.Chanson picarde1'54
5.Chœur alsacien1'05
6.Reims4'12
7.Épisode des Églises3'30
8.Épisode des Flandres1'50
 Franck Bridge (1879-1949) 
9.A Prayer op. 140 18'21
 Transcription pour choeur et piano
 Transcription : Frank Bridge
 Jacques de La Presle (1888-1969) 
10.Cri de Guerre de la 6e division d’infanterie

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