samedi, octobre 13, 2012

BIZET ÉTAIT UNE FEMME


BIZET ÉTAIT UNE FEMME
Duo Cathy Heiting/Jonathan Soucasse
Théâtre de Lenche
26 septembre

L’Opéra n’avait pas encore ouvert sa saison avec Carmen de Bizet, sacrée et consacrée bonne femme enfantée par les hommes, Mérimée, avec cet étrange e féminin de son nom masculin, puis Bizet, qui mérite plus d’une bizette, non pour sa binette avec binoclettes, mais pour sa musiquette qui est de la grande, de la belle musique pour la belle. Le théâtre de Lenche lui brûlait la politesse, avec la complicité d’un duo à hue et à dia brûlant les planches, nous tirant le fameux opéra-comique vers un comique-opéra très opérant sur un public opéré, dopé aux endorphines de l’hilarité par la célérité des deux faisant un pour le bonheur de tous.
Katia von Bretzel, Cathy Heiting pour les fans, accompagnée de son pianiste suédois Ingmar Brutesohn, Jonathan Joucasse pour les happy few d’un théâtre heureusement plein, diva divagante, tango tangante, extravagante, extravertie, extraVerdi, extraparcellisée entre Purcell, Puccini, Massenet, Bizet, baisers de boléro, flamenco flamboyant et jazz jasant, nous ont promenés sur les sommets de là (la naturel) aux là-bas profonds du grave de la mezzo soprano qui n’est pas une chanteuse mezzo mezzo mais à plein, à pleins moyens vocaux et scéniques. Mais pourquoi le micro avec une voix macro ?


Elle passe et revient au baroque Purcell avec style, dondonnante Didon, non sans émotion (mais pourquoi escamoter le « me » de « remember » ? Voyelle trop fermée pour sa généreuse voix ?), jouant de son physique avantageux, roulant les yeux, foudroyant ou couvant du regard le pianiste chevelu, qui se lance et divague sur les vagues d’un romantisme jazzy avec des variations vertigineuses et virtuoses ravissant l’auditoire. Elle « flamenquise » avec ardeur, « skate » avec bonheur, passe avec une vraie émotion à l’air bouleversant « Ah, laisse couler mes larmes ! » de la Charlotte de Massenet, se donne le luxe du tragique « Stride la vampa… » du bûcher d’Azucena du Trovatore de Verdi. Et tout cela dans un délire qui laisse tout de même lire, sous le comique de l’absurde, le sérieux de l’amour du chant.
À peine quelques mouvements, quelques gags visuels réglés habilement par André Lévêque et des lumières de Julien Sayegh et voilà un grand petit spectacle qui, sans se prendre sérieux, opéra sérieusement et joyeusement quand tant d’autres œuvrent sérieusement des œuvres dérisoires.

Photo G. Fabre

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