samedi, août 21, 2010

 

LA ROQUE D’ANTHÉRON
 TEMPS FORTS ET TENDRES

Récital Zhu Xiao-Mei

Rude Temple
Sous le cagnard provençal de juillet et à 18 heures, il faut beaucoup d’amour pour se presser, se compresser à étouffer, dans des places inadmissiblement étranglées dans le Temple protestant de Lourmarin pour écouter la grande Zhu Xiao-Mei. Ce n’est que grâce à quelques chaises d’appoint dans les étroites travées, et à l’amabilité résignée de quelques spectateurs restant debout contre les murs, que l’on arrive à contenir dans les rudes bancs ascétiques. Mais le Paradis au bout…
Une fraîcheur miraculeuse venue des doigts ailés de Zhu Xiao-Mei, sans doute aussi de ces Douze Variations en ut majeur sur « Ah ! vous dirai-je, maman ? » (K. 265)
 de Mozart, de l’enfant Mozart, exprimé sans infantilisme, sans gracieuseté qui se voudrait grâce, avec une douce franchise de frappe, une limpidité du jeu naturelle : un enfant qui grandit, joueur, enjôleur,  mutin, malin, qui s’affranchit du thème, le joue et déjoue en anathèmes inventifs de grappes de petites notes que nous  distille en gouttes de bonheur la pianiste dont on goûte la délicatesse des fins de phrases, ses phrasés tendrement ponctués, sans pointillisme piquant.
Même clarté des traits, des arrondis sans mollesse, pas de pathos appuyé pour dire le pathétisme parfois angoissant de la Fantaisie en ut mineur (K. 475), mais une belle vélocité expressive du trouble des triples croches et triolets espiègles, avant le retour apaisé au début. C’est l’émotion qui perce dans l’Adagio en si mineur K. 540, qui semble comme une confidence douloureuse la page d’un journal intime de l’âme torturée et l’on ne peut oublier les heures sombres du livre de la vie de cette admirable artiste.
À peine un brévissime entracte et d’une frappe à peine plus forte, elle nous plonge dans l’univers pudiquement tourmenté aussi confié par Schubert dans son si peu allègre Allegretto en ut mineur (D. 915)
. Dans  la grande Sonate n°23 en si bémol majeur (D. 960), l’interprète ménage une grandiose montée dans une évidence de la construction toujours plus expressive que démonstrative, rendant éloquents les silences, presque douloureux, avant la fièvre, la frénésie, la folie jubilatoire et libératoire du finale.

Dimanche 25 juillet 2010
Temple de Lourmarin
Zhu Xiao-Mei, piano
Mozart : Douze Variations en ut majeur sur « Ah ! vous dirai-je, maman » (K. 265
) ; Fantaisie en ut mineur (K. 475)
 ; Adagio en si mineur (K. 540) ;  Sonate en ut majeur (K. 330)
.
Schubert : Allegretto en ut mineur (D. 915)
 ;  Sonate n°23 en si bémol majeur (D. 960).

Photos Xavier Antoinet

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