lundi, avril 28, 2008

L’HEURE DU THÉ
Foyer Opéra de Marseille
Solistes du CNIPAL

L’année tire vers sa fin et l’on sirote déjà avec un peu de nostalgie ces généreux concerts des jeunes solistes du CNIPAL, qu’on espère stars futures du chant.
On a déjà salué la forte personnalité, l’élégance physique, l’aisance dramatique et le beau mezzo au satin raffiné et lumineux de Marie Kalinine. On saluera aussi ses choix vocaux exigeants qui la font passer avec un même bonheur de la noblesse de la déclamation néo-classique de Gluck à la passion désespérée du compositeur de Richard Strauss (Ariadne auf Naxos) au désespoir passionnel et à l’angoisse de la Charlotte du Werther de Massenet. On la retrouve dans une veine et une verve picaresques, après sa Rosine du Barbier, cette fois-ci, dans la Concepción canaille et frustrée de L’heure espagnole de Ravel : un régal vaudevillesque. La jeune interprète explore avec aisance des rôles, explore et exploite ses possibilités, la variété diverse des aigus, heureusement ici au piano, sans un orchestre nourri, sans doute dangereux dans cette étape de sa voix. Ses qualités de comédienne sont évidentes, mais peut-être lui conviendrait-il de méditer (pour le fuir) l’exemple de la Callas dont les personnages étaient parfois si composés qu’ils en sentaient souvent la fabrique : l’art se doit toujours cacher par un art plus grand.
Exemple inverse, Alec Avedissian. Ce jeune baryton au timbre chaleureux, rayonnant, à la voix pleine, sonore et aisée, égale en volume, a également déjà montré sa ductilité stylistique sinon exactement dramatique. En Jules César de Hændel, dans le superbe arioso obligato, plus tendre qu’héroïque, transposé pour voix de baryton, il est un héros aussi désarmé que désarmant. Dans la mélancolique chanson du Pierrot de la brumeuse Ville morte de Korngold, son timbre éclatant paraît trop solaire pour cette lunaire et onirique mélodie bien que, vers la fin, il en rattrape les teintes par une couleur éteinte, vaporeuse et poétique de la voix. Il exprime une ivresse plus extrovertie que désespérée peut-être dans la chanson bachique de l’Hamlet d’Ambroise Thomas mais il est touchant par une sorte d’innocence : le charme direct et naïf du regretté Hermann Prey.
Julien Véronèse, plus basse baryton que baryton basse si l’on veut être précis vocalement à l’écoute de cet état actuel de sa voix exceptionnelle, à la nocturne couleur, aux graves caverneux sans être creux, déploie avec une grave intensité les déchirements, les remords morbides d’Elias, l’auto-flagellation de Mendelssohn lui-même sans doute. Très imposant et convaincant dans un registre sombre, dans la dite "Romance à l’étoile" du Tannhäuser de Wagner, plus dramatique que charmeur, de sa voix endeuillée, il laisse déjà pressentir la mort d’Élisabeth et son air de Ralph de Bizet (La jolie fille de Perth) est bien un chant désespéré. Quant à son Nilakhanta de la Lakmé de Delibes, il est un prêtre et un père plus terrible que tendre et vaguement amoureux de sa fille car, s’il sait alléger le volume, on le sent trop pressé de filer les nuances pour revenir à la force, qu’il n’a nul besoin de forcer, de sa voix.
Petit rossignol venu du froid, la Polonaise Aleksandra Resztik, semble avoir surmonté le trac par un jeu scénique subtil (on salue la préparation) qui la fait jouer de sa voix pour en exercer, en jolie comédie, les ressources, et en exorciser les angoisses : ainsi, les vertigineuses acrobaties de son emploi vocal sont mises en scène dans une souriante expressivité et malice qui lui vont à ravir. L’air espiègle d’Adèle dans la Chauve-souris de Johann Strauss, théâtre dans le théâtre et chant dans le chant, passe en revue des rôles, drôles, mais aussi, en riant, tout un répertoire de vocalises des plus sérieuses et des plus périlleuses. La sempiternelle chanson d’Olympia, la poupée mécanique d’Offenbach retrouve avec elle une fraîcheur aussi par le jeu qui l’arrache au machinal du ressort. Enfin, l’air parodique de Cunégonde du Candide de Bernstein, entre lamento et french cancan, drame avéré et comique révélé, lui permet encore de briller, juste scéniquement, précise vocalement, d’étinceler avec ce grain serré du tissu adamantin de sa voix d’une parfaite musicalité.
Au piano, avec de vrais grands morceaux pour lui, Julien le Hérissier fut le partenaire de l’accord parfait.

Jeudi 24 avril

Photos M@rceau :
1. Marie Kalinine et, au piano, Julien Le Hérissier ;
2. Alec Avenissian ;
3. Julien Véronèse ;
4. Aleksandra Resztik.


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