lundi, décembre 10, 2007

PORGY AND BESS

PORGY AND BESS
Livret de DuBose, D. Heyward et Ira Geshwin
Musique de George Gershwin
Opéra d’Avignon

L’œuvre
Dans sa courte vie, le juif américain d’origine russe George Gershwin (1898–1937), nourri aux sources les plus modernes de la musique européenne (Debussy, Ravel, Berg, Stravinsky, etc) aura cependant laissé une trace ineffaçable dans la musique de son pays puis universelle : intégrant le jazz dans le classique, jetant des ponts entre concert traditionnel et cinéma, il aura produit des mélodies devenues des standards que des chanteurs comme Ella Fitzgerald, Louis Armstrong ou Herbie Hancock auront fixées à jamais dans la culture musicale du monde. On connaît son Concerto pour piano, sa Rhapsody in blue, Un américain à Paris (immortalisé par un film de Vicente Minelli avec Leslie Caron et Gene Kelly) et, naturellement, son opéra folk Porgy and Bess, devenu un classique du répertoire lyrique américain dont tout le monde connaît le fameux Summertime.

Composé en 1935, Porgy and Bess est un opéra en 3 actes, un mélodrame au sens le plus précis du terme, un ‘drame mélodieux’, en musique dont les héros sont des noirs-Américains à Charleston, en Caroline du Sud, au début des années 30, après la grande dépression. Et pas très loin de la Guerre de Sécession qui libéra –relativement- les noirs de l’esclavage. Les polémiques déclenchées par cette vision folklorique et un peu lénifiante des noirs américains sont aujourd’hui dépassées et on ne retient que la beauté généreuse de l’œuvre. Mais, plus que la simple trame, Porgy, un noir infirme, tente d’arracher Bess des griffes de Crown, son brutal compagnon, et de Sportin’ Life, un dealer, qui l’accroche à la drogue, l’opéra dépeint l’univers social et mental, culturel, de cette population de laissés pour compte de l’american way of life, du rêve américain déjà mis à mal par la crise économique : solidarité et rivalités, goût de la fête et dévotion, misère et espoir.

La production
Par testament, Gershwin fit obligation de ne faire interpréter l’œuvre que par des artistes noirs et, ici, nous fûmes gâtés puisque c’est le New York Harlem Theatre qui faisait une halte à Avignon pour nous offrir ce simple et somptueux cadeau. Authenticité convaincante par la direction enflammée d’un chef (W. Barkhymer) insufflant le lyrisme et le rythme jazzy et même afro-cubain à cette musique riche, diverse, tumultueuse et tendre. Un décor jouant le décor du quartier pauvre de la ville, transformable à vue en intérieur, fond de mâts de bateaux de cette population de pêcheurs (M. Scott).
Pas moins de trente personnages sur scène, tous chanteurs, tous acteurs et pratiquement danseurs sous la férule de Baayork Lee qui insuffle un irrésistible mouvement à cet énorme plateau, sans anicroche, avec un naturel confondant de vérité. Tous seraient à citer. On sourit à la tirade rythmée, déjà du rap, de Maria (Marjorie Wharton), on est ému aux magnifiques gospels de Serena (Alison Buchanan), on frémit à la grandiose déploration chorale de la mort de Robbins, à la scène de tempête. Michael Dailey a la dégaine élégante et dégingandée du cynique Sportin’ life. Bess (Donita Volklwijn) est belle comme il convient à celle par qui le scandale arrive, juste dans ce rôle (difficile) de paumée, fragile et faible comme Manon, dotée d’une belle voix. Porgy (Terry Cook), magnifique baryton, accomplit l’exploit de chanter toujours à genoux, bouleversant. Premier air en lever de rideau, premier succès : Clara (Heather Hill), toute de tendresse, chante la célèbre berceuse Summertime, que je pense inspirée à Gerswhin par une célèbre zarzuela espagnole de la fin du XIX e siècle, qui commence aussi par une berceuse dans un quartrier populaire de Madrid, qu’il put voir à Cuba.
Mais le plus extraordinaire de cette troupe si rôdée, c’est l’impression de fraîcheur et spontanéité qui se dégage de cet ensemble. Un bonheur.
4 décembre

Photos de la production :
1. Summertime ;
2. Bess traquée.

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