jeudi, décembre 06, 2007

Exilio, théâtre Gyptis

EXILIO

de Sara Sonthonax

Théâtre Gyptis

Il n’y a pas de date pour l’exil, il est de toutes les époques, de tous les temps. Mais, quelle que soit la saison, il fait toujours froid quand on l’évoque. L’Exilio de Sara Sonthonax m’a glacé de souvenirs encore brûlants et il a fallu que je me réchauffe un peu pour en pouvoir dire ces quelques mots, les discours étant superfétatoires.
Ce n’est pas une pièce, ce n’est pas une célébration, ce n’est pas un spectacle, qui seraient indécents pour évoquer la tragédie dans la tragédie de la Guerre d’Espagne, ces jours de janvier 1939 où, fuyant l’avance des armées fascistes de Franco, appuyé par Mussolini et soutenu par Hitler, populations affolées et combattants républicains en déroute prennent la route encore ouverte de la frontière pyrénéenne vers la France, dont ils espèrent, à défaut de l’aide qui ne vint pas, un salut in extremis qui viendra peut-être. C’est, sur le théâtre nu et noir, avec à peine quelques variations de lumières et la tache du sang, avec à peine quelques déplacements de lignes des acteurs, une sorte de cantate à deux voix, Pablo et Miguel, deux incarnations pour une seule souffrance qui passe de l’un à l’autre indifféremment mais sans indifférence ; les rares respiratons sont remplies discrètement par une chanteuse qui murmure une plaintive mélopée.
S’inspirant des lettres en souffrance (et de souffrance), jamais reçues par les destinataires, de réfugiés espagnols qui dormaient dans les Archives départementales, exhumées pieusement par J.-J. Jordi, Sara Sonthonnax, les enrichissant de lectures, a fait un texte personnel, respectueux, beau et grave, sensible, poétique sur la politique, si la politique n’avait de conséquences si terribles. Durant un hiver exceptionnellement froid, ces soldats dépenaillés, harassés, déposant leurs armes au poste frontière, ces cohortes de fantômes affamés traversant des villages clos sur la crainte et la frilosité ou l’égoïsme : trop grande tragédie pour des cœurs rétrécis, endurcis par le nombre trop grand de gens à soulager.
L’exil commence où finit l’exode. Et souvent dans des camps dont passe ici le noir frisson : celui, cauchemardesque d’Argelès, plutôt qu’un camps, des barbelés improvisés clôturant une plage glaciale où l’on s’enfouit dans le sable pour survivre, creusant déjà sa tombe d’enterré vivant.
L’accent hispanique d’Alfonso Rodríguez Gelos donne à sa gêne des accents touchants de vérité et Vincent Saint-Loubert Bié rend sensible la déchirure. Sara Sonthonnax redonne la parole à ces voix silencieuses d’exilés. Mais ceux qui restent et y restèrent ? Pourquoi rester, tout est perdu, dit-on à mon anarchiste de père : « Justement pour cela », répondit-il.


Benito Pelegrín
Mercredi 21 novembre

Photos Mathieu Parent :
Alfonso Rodríguez Gelos et Vincent Saint-Loubert Bié.

1 commentaire:

  1. Le texte réécrit par Sara Sonthonnax à une seule voix ( celle de Pablo) a été édité par la nouvelle Maison d'Edition L'atinoir, 2 rue Barabroux 13001 Marseille ( Librairie de L'écailler ) avec une préface de Benito Pelegrin.

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