mercredi, octobre 10, 2007

Les Festes d'Orphée


VINGT ANS POUR LES FESTES D'ORPHÉE

Une Victoire de la Musique ne serait pas imméritée non plus pour le travail admirable de Guy Laurent. Voici vingt ans aussi que Les Festes d’Orphée chantent et nous enchantent dans leur inlassable recréation -véritables créations contemporaines de musiques du passé- du patrimoine baroque provençal qu’elles ont rendu à l’universel. Des musiciens d’hier oubliés, Audiffren, Belissen, Estienne, Hugues, Pelegrin, Villeneuve… ont retrouvé leur digne place auprès de leurs grands aînés plus connus, Campra, Gilles et concertent avec leurs contemporains européens, Purcell, Hændel, Bach, Vivaldi.
Un travail de recherche d’archives, de bibliothèque, dans les maîtrises des cathédrales, a permis la résurrection de ces compositeurs que l’on croyait enterrés dans la poussière du temps. Une soixantaine d’œuvres ainsi recrées, restaurées, éditées souvent, enregistrées et, surtout, rendues à leur vérité première : l’interprétation publique par ce chœur d'une trentaine de chanteurs et d’instrumentistes, à géométrie variable avec des solistes prestigieux et d’admirables amateurs. Voilà Orphée, voilà ces fastueuses Festes toutes simples auxquelles nous sommes généreusement conviés. Déjà 800 concerts à leur actif, des disques. On leur devrait bien des cadeaux pour cet anniversaire mais c’est nous qui avons reçu celui, fastueux, de leur vingtième anniversaire.

Concert du XX e anniversaire

Gilles (1668-1705), de Tarascon, au programme, dont déjà un disque (Grands et petits motets de Jean Gilles coll. K617, Harmonia mundi) nous révélait les merveilles, était au programme avec son Requiem injustement oublié, qui accompagna les funérailles de rien moins que Rameau et Louis XV. Dix ans de travail sur l’œuvre de ce compositeur, dont cette Messe des morts, est une vraie résurrection due à Laurent, qui en a restauré le manuscrit et à Annick Lassalle, par ailleurs remarquable gambiste, qui a établi le matériel d’orchestre.
On n’entrera pas dans le détail des parties de ce Requiem étrangement lumineux, dédramatisé pour un siècle joyeux qui n’aime pas le tragique, où même les tragédies lyriques ont un lieto fine, un happy end. Presque seul moment dramatique : l’appel entrant de la grande caisse, à réveiller un mort, précédant une entrée solennelle à la française ouvrant la messe comme une cérémonie, un retable fastueux donnant sur la rassurante lumière sereine du ciel. Parties souvent «allantes », dansantes, jubilation des voix solistes assurées sur le chœur, allégresse des rythmes vifs aux notes piquées, l’Introït se clôt d’un da capo fermé sur sa certitude non traversée de doute. On aime cette chaleur des cordes graves, nimbant l’écho poétique de la flûte au violoncelle, avec des délicatesses à la Purcell. L’Offertoire, plus sombre, une peur sourde, est soulevé d’une profonde houle et la flûte gémit sur une corde plaintive. Véhémence noble de la prière, germination tonique, effervescence du chœur, semailles d’espoir dans la mort. Très sollicité dans cette œuvre, René Linnenbank, basse, est toujours aussi émouvant.
En miroir avec ce grandiose Gilles, le Magnificat de Vivaldi rutilait de toute la pyrotechnie du maître vénitien, virtuoses et vertigineuses vocalises voluptueuses que l’acoustique un peu raide de Saint-Laurent savonnait de réverbérations parasitant un peu la voix de Laure Bonnaure, dessus, sans diminuer la gracieuse fraîcheur du duo sur continuo des deux soprani, Odile Boyer et Nathalie Di Fusco. Pour compléter ce porche baroque pour le Gilles découvert, son autre contemporain, Bach et son Quatrième concerto brandebourgeois, une redécouverte. Un régal de solistes : volubilité du violon ailé, trillant comme un oiseau, enrubanné de deux flûtes (dont celle de Laurent) ; lenteur alanguie du deuxième mouvement où la flûte dénoue voluptueusement des nœuds ; ensuite course poursuite étourdissante de virtuosité entre le violon (Flavio Losco, admirable) frémissant, bouillant d’impatience, de désir ou de dépit des coquetteries de la flûte ironique qui glisse entre les rets de ses notes enjôleuses et s’évade. Jeu éternel de la séduction : qui fonctionne à plein bonheur pour le public.


Les Festes d’Orphée ont pour résidence la Chapelle Sainte-Catherine d’Aix, devenue un creuset musical annuel grâce à leurs « Mardis musicaux ».
Tél-Fax : 04 42 99 37 11
mail : orphee@orphee.org

Photos :
1. Chœur et ensemble Les Festes d'Orphée;
2. Flavio Losco.

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