dimanche, mai 30, 2021

SYMPHONIES PARISIENNES DE HAYDN



Joseph Haydn, Les six symphonies parisiennes n°82-87

Orchestre de chambre de Paris

Direction musicale : Douglas Boyd

2 CD NoMadMusic

            Extraordinaire destinée de Joseph Haydn : né en 1732 dans un village de la frontière austro-hongroise, fils d’un modeste charron et d’une mère cuisinière chez le seigneur local, mort en pleine gloire internationale à Vienne en 1809. Le père, on a du mal à l’imaginer avec son métier de charron, réparateur de chars, de voitures, d'engins agricoles, nécessitant grosses mains, de la poigne, la force manuelle, était harpiste : un instrument qu’on imagine mal au masculin tant il y a de tableaux du temps, une fine demoiselle pinçant de ses doigts délicats les cordes arachnéennes de la harpe.  Un cousin le forme à la musique et le garçon rejoint un chœur, remarqué pour sa jolie voix de soprano. Heureusement, si en Autriche comme dans toute l’Europe, on adore les castrats, on ne châtre pas les gamins avant la mue pour qu’ils conservent, adulte, leur jolie voix féminine d’enfant —s’ils survivent à la terrible opération. Mais, à dix-huit ans, avec la mue, il est obligé de quitter la chorale, mais nanti d’une culture musicale qu’il complètera essentiellement par la pratique, notamment du clavecin et du violon.

         Tout en vivotant comme musicien, la chance lui fait connaître Métastase, le plus grand librettiste de son temps, dont certains livrets d’opéra, notamment sa Didone, seront mis jusqu’à cinquante fois en musique par des musiciens différents. Celui-ci le présente à Porpora, ancien castrat, compositeur napolitain et sans doute le plus célèbre professeur du chant orné baroque du siècle, qui a eu pour élèves les plus grands chanteurs de l’époque, dont le célébrissime Farinelli. Haydn acquiert auprès de lui la technique vocale de la composition d’opéras. Musicien indépendant avant Mozart, mais à la vie incertaine, il est finalement engagé en 1761 par les princes Esterházy, grande famille hongroise richissime, au service de laquelle il restera trente ans dans un magnifique palais aux ambitions de Versailles local. Au service : car un musicien, à l’époque, est un serviteur comme les autres et la musique qu’il compose appartient à son maître. Le musicien, bien traité, maître de chapelle, dispose d’un orchestre, d’un théâtre de 400 places pour les opéras. 

Cependant, Nicolas Ier,  dit « le Magnifique » pour son faste, sous le règne duquel se déroulera la plus grande partie de ce contrat de Haydn, féru de musique, reconnaissant le génie de son musicien, lève la clause d’exclusivité de la propriété des œuvres et lui permet d’accepter les commandes extérieures qui arrivent de toute l’Europe et de diriger ses œuvres ailleurs que dans son palais, à Vienne et même à Londres.

D’Espagne, on lui commande Les sept dernières paroles du Christ en Croix, et, de Paris, ces six symphonies (sur les cent-quatre qu’il composera) dites « parisiennes ». Elles seront créées devant Marie-Antoinette, la reine autrichienne, en 1787 et dont une, sa préférée, la N°85, est surnommée « La Reine ». Mais nous écoutons un extrait de l’Allegro spiritoso du premier mouvement de la N°83, en G minor , je traduis, sol mineur. Elle est appelée « La poule » par son côté pittoresque, dont le chef fait ici non une fricassée, ouf, pauvre volaille ! mais une fracassante entrée dramatique pompeuse, un lever de rideau de star, vite démentie par l’ironie du hautbois qui souligne l’allure guillerette de la poulette, la cocotte coquette pas encore caquetante mais vite jacassante (plage 1).

         En contraste, admirant la maîtrise des pianissimi impondérables de l’orchestre mené de main de maître, délicate et ferme par Douglas Boyd, laissons-nous bercer par la douceur rêveuse, duveteuse, de l’andante suivant, une nonchalance de plume légère voletant au gré d’un agréable zéphyr caressant (plage 2).

         L’aristocrate éclairé Esterházy pouvait être fier de son serviteur musicien, fêté dans toute l’Europe, qui fit en retour connaître son nom de prince musicien et fastueux partout.  Haydn est tenu à composer sans cesse de la musique pour son maître plus celle qu’on lui commande. Le résultat est une œuvre immense : soixante-deux sonates pour piano, quarante-cinq trios, soixante-huit quatuors à cordes, de la musique sacrée, des opéras brefs, buffa qui sont donnés dans le théâtre d’Esterhazá et deux et longs oratorios, La Création et les Saisons. Autorisé à une tournée à Londres, où on lui commande douze symphonies, un genre dont il est devenu le maître et modèle.

Haydn a joué des quatuors avec le jeune Mozart qui a vingt-quatre ans de moins que lui et, admiratif, écrit à Leopold, le père du jeune prodige, musicien aussi, que son fils est le plus grand compositeur qu’il connaisse : « Il nous dépassera tous ». On voit sa modestie : Haydn était débonnaire, souriant, défendait les intérêts de ses musiciens, et, affectueusement, tout comme le petit Mozart, ils l’appelaient « Papa Haydn ».

Entre autres élèves de Haydn qui deviendront célèbres, on trouve Beethoven qui part du classicisme du maître en amorçant l’âge romantique. Mais la brève période Sturm und Drang, ‘Orage et Passion’ de Haydn en était déjà une préfiguration.

Quand il meurt en 1809 dans la Vienne occupée alors par les Français, Napoléon enverra un détachement en hommage pour l’enterrement. Et l’on jouera le Requiem de Mozart qui était mort en 1791 pour le service funèbre.

Ce disque lumineux, avec un effectif chambriste  au volume sonore de la musique de ce temps-là, sert ces symphonies classiques sans raideur ni lourdeur,  avec une élégance gracieuse, rieuse parfois, pleine de charme.

Nous le quittons sur le Finale allegro de Symphonie N°86 en ré majeur, plein d’allégresse évidemment, que nous partageons (plage 8).


RCF Émission N°513 de Benito Pelegrín

Semaine 10

 Podcast

https://rcf.fr/culture/livres/haydn-integrale-des-symphonies-parisiennes-2-cd-nomade-music

 

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