Enregistrement 07/10/2020
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 463, semaine 41
La Belle Hélène
À un jour près pour les dates, il y a quatre ans exactement, l’Odéon présentait La Belle Hélène d’Offenbach qui nous revient le samedi 17 octobre et le dimanche 18 octobre à 14:30 dans une magnifique et irrésistible production que nous avions saluée. À quelques petits changements de distribution près, mais avec toujours la plus que belle Laurence JANOT, dans le rôle-titre, nous retrouverons la mise en scène de Bernard PISANI, les décors d’Éric CHEVALIER sous la pétillante direction musicale d’Emmanuel TRENQUE.
Il va de soi, désormais, que le protocole sanitaire auquel nous devons nous habituer, garantit la sécurité du spectacle : désinfection des mains, gestes barrières ; un fauteuil vide entre les spectateurs sauf pour les groupes de neuf ayant pris leurs billets ensemble, et masques pour tous.
La Belle Hélène et sans doute la plus hilarante et délirante des opérettes d’Offenbach. Elle est de 1864 ; le sujet remonte aux temps de la mythologie grecque : autant dire qu’il n’a pas beaucoup bougé depuis. On ne m’en voudra pas de reprendre donc ce que j’en disais à l’occasion de cette production.
Hélène, la belle Hélène, fut cause de la guerre de Troie selon Homère.
Cette Hélène quelle hérédité ! Quelle famille ! En effet, du côté généalogique, elle est née des amours de sa mère, la reine Léda, avec un cygne, en réalité Zeus, en grec, Jupiter, pour les Romains, métamorphosé en ce volatile pour tromper et détromper la vigilance de sa jalouse de femme, Héra ou Junon. Côté famille, du même œuf, Hélène a pour frères Castor et Pollux, les jumeaux, les gémeaux. Elle aura une fille, la jalouse Hermione de l’Andromaque de Racine (rappelez-vous) qui fera tuer son amant Pyrrhus ; quant à sa sœur, Clytemnestre, aidée de son amant, elle assassinera son mari, le roi des rois Agamemnon au retour de cette Guerre de Troie car il a fait sacrifier leur fille Iphigénie pour avoir des vents favorables et Clytemnestre sera à son tour assassinée par son fils Oreste, poussé par sa sœur Électre, pour venger le père. Je vous disais, jolie famille !
Elle causera bien des ravages, notre chère Hélène, héroïne bien innocente encore, enjeu d’un jeu qu’elle ignore, disons le jeu non de paume, mais de la pomme, le fruit. Eh oui, la pomme, pas celle d’Ève ni la pomme d’Adam qui lui resta en travers de la gorge, le malheureux, et nous en payons encore les conséquences ! (décidément, quel pépin, cette pomme !) mais la pomme de discorde (de là vient l’expression) de Pâris, le beau Pâris.
Nous sommes sur le Mont Ida : Héra (Junon), Athéna (Minerve) et Aphrodite (Vénus), trois déesses, ont une compétition guère divine mais bien humaine, bref, un concours de beauté couronné d’une pomme pour la gagnante : elles se disputent le titre de la plus belle. Et voilà : le beau prince troyen Pâris passait par là, anonyme, comme simple berger. Les trois candidates s’en remettent au jugement du jeune homme. Ce dernier offre le prix à Vénus : recevant la pomme de la plus belle, la déesse de l’amour promet à Pâris l’amour de la plus belle des mortelles, Hélène de Sparte, mariée au roi Ménélas, hélas. Pâris séduit et enlève Hélène, bien consentante et contente, l’amène à Troie, et l’on sait la suite funeste, la guerre pour la récupérer et la chute de la ville.
Nous écoutons, accompagné, par l’Orchestre des Concerts Lamoureux dirigé par Jean-Pierre Marty, par la voix de notre Charles Burles, en Pâris, le récit de l’événement, ponctué de l’exclamation, « Évohé !», de joie et d’étonnement de se voir ériger jury et juge, en arbitre unique par trois belles déesses, chacune déclinant ses vertus lui méritant le titre :
1) DISQUE I, PLAGE 13
Pourtant, La Belle Hélène est aussi connue que méconnue. Qui, en effet, aujourd’hui, peut identifier, pour s’en délecter, toutes les références généalogiques, mythologiques, détournées de façon comiques, qui tendent, comme l’arc d’Ulysse, le texte comique mais très érudit d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, les duettistes librettistes futurs auteurs de Carmen ? Ainsi, une seule allusion rapide d’Achille combattant « à un contre mille », « grâce à [son] plongeon » ne se comprend que si l’on sait que sa mère, pour le rendre invulnérable, le plongea, enfant, dans les eaux du Styx, fleuve des Enfers, pour le rendre immortel, le tenant simplement par les talons, seules parties non trempées qui resteront ainsi vulnérables : il en mourra d’une flèche de Pâris, lors du siège de Troie. D’où l’expression, le talon d’Achille, la part, le maillon faible de quelqu’un.
Mais à texte savant, musique virtuose, qui décomposant des mots de manière surréaliste déjà, a sans doute fixé dans la tradition et la mémoire collective ces noms de rois, ainsi, le bouillant Achille, « le roi myrmidon », ce roi « barbu, bu qui s’avance, bu qui s’avance, c’est Agamemnon », Ménélas, « l’époux, pou de la reine », qui partira « pour la Crète », l’île aux cornes qui orneront sa tête après que Pâris sera parti avec sa femme Hélène pour Troie.
J’ai décrypté un peu le personnage d’Hélène pour les personnes, sans doute rares, qui ne la connaîtraient pas pour montrer toute l’érudition qui se cache derrière la bouffonnerie, très savante, de l’opérette d’Offenbach. Nous la retrouvons dans son air fameux où, se recueillant devant un portrait de famille, Léda et le cygne, (Jupiter métamorphosé), elle fait le récit de son hérédité chargée, invoquant Vénus et son caprice de faire cascader la vertu, dont la sienne, pas très solide. On note l’humour musical malicieux d’Offenbach qui, donne au mot « cascader » un intervalle de quarte qui fut longtemps nommé diabolus in musica qu’on trouvait dissonant, bref, le ver dans le fruit, dans la pomme, le diable. C’est Jessye Norman qui l’interprète avec l’Orchestre du Capitole de Toulouse conduit par Michel Plasson :
2) DISQUE I, PLAGE I4
La Belle Hélène de Jacques Offenbach , Odéon Samedi 17 octobre 2020 et dimanche 18 octobre 2020 14:30
Photo Christian Dresse
Lien de l'émission :
https://rcf.fr/culture/livres/la-belle-helene-de-jacques-offenbach-l-odeon
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