jeudi, avril 18, 2019

NOTRE D(R)AME DE PARIS…



Enregistrement 18/4/19

RADIO DIALOGUE RCF

(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)

N° 368

Semaine 16


         Notre-Dame, Notre-Drame de Paris …

Misère et grandeur de l’homme. Misère de l’homme : il n’est pas infini, il est dans la finitude, il a un début et une fin. Grandeur de l’homme : il le sait. Sans savoir quand, il sait qu’il mourra inévitablement. C’est pourquoi, pour conjurer cette angoisse de la fin, pour la dépasser, il s’invente des croyances ; rêvant un peu de leur divinité, il se crée des dieux qui le dépassent et il matérialise ce dépassement en offrant, en élevant à cette transcendance divine, des monuments qui, pierre à pierre érigés, manifestent, concrétisent, de manière grandiose, cette foi en une éternité dont rêve la pauvre humanité périssable. Des pyramides d’Égypte, qui semblent défier le temps, à nos cathédrales gothiques dont les flèchent paraissent viser l’infini, ceux qui croient au ciel, et ceux qui n’y croient pas, se retrouvent cependant dans la vénération de ces merveilles du génie humain, qui dit sa misérable finitude en exprimant sa grandeur infinie transcendée par une idée du divin. Des hommes qui, se sachant mortels, créent des œuvres qu’ils veulent immortelles, pyramides, cathédrales, dont ils ne verront jamais la fin de leur vivant. Magnifique leçon : vivre comme si l’on devait mourir demain et œuvrer comme si l’on ne devait jamais mourir. Et laisser en héritage, aux générations futures, ces témoins immortels de notre éphémère vie mortelle.


         Mais, à voir ces grandioses monuments de pierre, dont la construction a duré des siècles, qui ont défié le temps, on a voulu les croire éternels. Après le cataclysme de la première Guerre mondiale, considérant les vieilles civilisations englouties, Valéry, qui avait vu brûler la cathédrale de Reims, disait : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles […] une civilisation a la même fragilité qu’une vie» Que dire alors d’un monument comme Notre-Dame de Paris, que le monde entier connaît, qu’on l’ait visité ou non, semblant, de toute éternité, ancré paisiblement dans nos mémoires, nos cœurs, comme il est planté au cœur de la bien nommée île de la Cité, cœur de Paris ?

         L’architecture est une musique de pierre, silencieuse, comme la musique est une architecture sonore. Notre-Dame de Paris est non seulement un joyau architecturel mais, on l’ignore souvent, un écrin de la musique et non seulement à cause de son orgue fabuleux à 8 000 tuyaux, mais parce que de 1160 à 1250, elle fut le lieu d’une évolution et révolution musicale qui a marqué tout l’Occident et que l’histoire de la musique appelle justement École de Notre-Dame. La musique y est donc toujours présente. 

         Ainsi, dans les murs de cette vieille dame toujours jeune, en 2013, on fêtait son 850e anniversaire par un jubilé, célébré tous les 50 ans. Le jubilé, s’ouvrait par les Vêpres anciennes de Monteverdi. Pour le clore, les autorités ecclésiastiques avaient commandé une œuvre à un compositeur vivant Philippe Hersant : Les Vêpres de Notre-Dame de Paris. Dirigées par Lionel Sow, c’est un CD édité par la Maîtrise Notre-Dame de Paris qui perpétue cette tradition musicale, rappeler la musique ancienne et promouvoir la nouvelle.

         Philippe Hersant, jouait de cette double vocation : le compositeur contemporain proclamait lui-même sa filiation envers les musiques anciennes médiévales, puisant intelligemment dans la tradition canonique occidentale, mêlant instruments anciens pour un langage personnel moderne. Ouvrage monumental et délicat à l’image du lieu, mobilisant la Maîtrise de Notre-Dame de Paris au grand complet, c’est-à-dire le chœur d’enfants, plus deux chanteurs adultes, et l’ensemble de cuivres anciens, Les Sacqueboutiers de Toulouse. Nous en goûtons la teneur et saveur dès l'introduction, Toccata & Invitatoire, très poétique bouillonnement, effervescence, efflorescence des orgues (le grand, qu’on espère sauvé, et celui du chœur), avec l’éclosion lumineuse des cloches qu’il faut imaginer dans le bourgeonnement, la floraison de pierre de la cathédrale gothique, avec le scintillement de lumière des grands vitraux, miraculeusement épargnés par le feu :

1) PLAGE 1 

         Voici maintenant un extrait de l’Ave Maris Stella : pureté cristalline de ces voix d’enfants invoquant la Vierge comme une étoile de la mer, un phare, un guide lumineux dans les ténèbres de la vie, et il faut encore imaginer cette lumière pure dans la nef ombreuse de la vaste cathédrale, appuyée par la noblesse grave des saqueboutes, ancêtres du trombone. Un moment de grâce faisant penser aux enluminures naïves du Moyen-Âge :  

2) PLAGE 2


         À voir s’effondrer la flèche de Notre-Dame, on a compris avec horreur que, ce qui semblait immuable, devenait périssable sous nos yeux incrédules : nous étions les témoins que ce monument, témoin séculaire de notre histoire, il aurait suffi d’un mégot mal éteint, d’un court-circuit, la négligence ou la malveillance de l’homme, pour le consumer dans les flammes. Mais l’on oublie que l’inconscience humaine, qui détruit notre planète, avec le réchauffement climatique et la montée des mers, fatalement, fera de la cuvette bien nommée Île de France, une île submergée, de Paris, une ville sous-marine, et de Notre-Dame, sauvée du feu, une cathédrale engloutie.  

         À ceux, plus jeunes, qui auront le bonheur de voir Notre-Dame restaurée un jour, offrons l’espoir de ce Magnificat :

3) PLAGE 7 
Philippe Hersant, Les Vêpres de Notre-Dame de Paris. Dirigées par Lionel Sow, c’est un CD édité par la Maîtrise Notre-Dame de Paris. 

https://www.youtube.com/watch?v=joFaMSmvhq4

P. S. : j'avais, intentionnellement associé Notre-Dame de Paris et l'Île Saint-Louis  pour faire une transition avec la tunique du roi, relique sauvée, et l'émission qui suivait à propos du culte des reliques sur la Musique au temps de saint Louis par la même Maîtrise Notre-Dame de Paris. Mais, il est vrai, cela ne se justifie pas sans les deux textes à la suite. Je corrige donc à la suggestion amicale de Raúl Caplán sur Facebook. Après diffusion radiophonique, je mettrai en ligne ce texte, qui est une reprise, augmentée de celui qu'on trouve sur ce blog :

mercredi, février 21, 2018


MUSIQUE D'HIER POUR AUJOURD'HUI


Enregistrement 1/2/2018, passage, semaine du 19/2/18

RADIO DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)

« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 304

lundi : 18h15 ;  mercredi : 20 h ; samedi : 17h30



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