dimanche, juin 24, 2018

MANIFESTA 12 DE PALERME : MANIFESTE DE LA SOLIDARITÉ


Enregistrement 21/6/2018, passage, semaine 25/6/18
RADIO DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 322
lundi : 18h45 ; mercredi : 20 h ; samedi : 17h30
Semaine 26

         Capitale de la Sicile, Palerme est, cette année, Capitale italienne de la Culture. À ce titre, elle reçoit la Manifesta 12, la Biennale européenne itinérante d’art contemporain qui, dans deux ans, sera à Marseille. Ayant l’honneur d’y avoir été invité, je salue la vitalité retrouvée d’une ville à la sulfureuse réputation —comme la nôtre— qui, grâce à l’art, renouvelle son image.
C’est une sorte de renaissance après de sombres années de tragédie mafieuse. Toute une cité, sa jeunesse, a accueilli avec bonheur cette manifestation artistique d’avant-garde, semée d’innombrables expositions disséminées dans les lieux les plus divers et, souvent, dans des palais somptueux dont regorge la ville, rouverts au public pour l’occasion. Des édifices, saisissants de grandeur, témoignent de la gloire ancienne, même, parfois, altérés par le temps passé et les difficultés des temps présents. Mais la Manifesta, l’engouement touristique qu’elle provoque pour la ville, devrait encourager à continuer leur restauration quand ils n’ont pas déjà été restaurés pour cette occasion.
Quarante artistes du monde entier ont été invités à la Manifesta 12 et, comme il y a à Avignon un Festival IN et un Festival OFF, leurs quarante expositions n’en épuisent pas le nombre puisque, à côté de ce IN, il y avait des expositions collatérales trop nombreuses pour être comptées et racontées. 

Fonction poétique et politique de l'art
Les artistes invités sont souvent de grands noms de l’art contemporain, dans ses aspects parfois les plus déroutants pour un public non initié. Mais tout reste accessible au regard curieux et à l’esprit d’ouverture, avec de très nombreux films et vidéos, des témoignages brûlants et glaçants sur les « migrants » —avec, peut-être au fond de moi, un peu la gêne, malgré la généreuse bonne volonté humanitaire, de voir humainement exploitée l'exploitation d'un filon filou si les actes ne suivent pas les discours et les images tragiques. Mais une consœur du Conseil de l'Europe me rassure un peu en me confiant le projet  d'apporter l'Aquarius, en toutes pièces, ce navire fantôme refoulé de tant de ports d'Europe, en plein Bruxelles pour  faire prendre conscience aux instances européennes de l'urgence de l'action au-delà des discours. L'art a aussi cette fonction morale.
Ils n’avaient pour seule contrainte que de traiter deux thèmes essentiels, au-delà de l’art, pour notre monde d’aujourd’hui et de demain : le changement climatique et la migration. En somme : le respect de la nature et de l’homme.
Évidemment, s’agissant d’art plastique et visuel, la musique n’avait pas de place et je le regrette. J’en comble la lacune en vous faisant écoutez ceci :

L'amour de moy s'y est enclose
Dedans un joli jardinet
Où croît la rose et le muguet
Et aussi fait la passerose.
Ce jardin est bel et plaisant
Il est garni de toutes flours ;
On y prend son battement
Autant la nuit comme le jour.

Jardin botanique
Ravissante chanson sur le jardin d’amour qui remonterait au XIVe siècle, interprétée poétiquement. Je l’ai choisie pour illustrer l’un des thèmes de cette Manifesta 12 de Palerme qui commençait, en effet, dans l’Orto botanico, le jardin botanique de la ville, nous invitant à réfléchir sur la coexistence, dans un même lieu, de plantes, d’arbres du cru et d’ailleurs, acclimatés par l’homme pour sa subsistance dans des jardins potagers, ou de plaisance pour son agrément.
On ne va pas ici compter tout ce qu’on doit à l’importation, à l’immigration d’espèces de plantes, de fruits de consommation : tomate, chocolate (tiré des fèves du cacao), maïs et  même, la grosse fraise moderne, importée par les Espagnols des Amériques (qui y exportèrent aussi le blé et le cheval, en passant soit dit), la pomme de terre ; et du Moyen-Orient, artichauts, aubergines, sans oublier le café et le thé plus lointain, etc, etc. Autant effeuiller la rose des vents que de nommer et dénombrer ce que notre agriculture, et notre culture moderne, doivent aux cultures d’ailleurs. Mais écoutons ceci :

2) DISQUE I : PLAGE 5

On aura reconnu, chanté par Marilyn Horne, ce qu’on nomme souvent le largo de Hændel, plus précisément l’air de l’opéra Serse, Xerxès, où le fameux empereur de la Perse déclare son amour… à un platane… Car cet arbre magnifique qui nous semble si typique, qui longe nos routes et ombrages tant de belles demeures provençales, et songeons aux trois-cent douze platanes du parc de Florans où se tient le Festival, justement « international », de piano de la Roque d’Anthéron, n’a été introduit chez nous qu’au XVIIIe siècle. D’où son apparition humoristique dans cet opéra de ce temps et dans les belles bastides provençales de la même époque.
Plantes migrantes donc, qui parfois se font la guerre, bien sûr, comme les pins dont les épines acides sélectionnent les plantes qui poussent à leurs pieds, hélas, comme les argelas, qui, très inflammables, occasionnent leur perte. Argelas, argala, plante bien indigène mais au nom d’origine arabe. Et ne parlons pas des algues qui colonisent nos rivages… Mais la nature a peut-être des raisons que notre raison ne connaît pas, pas encore en tous cas. Et l’homme, dont la puissance scientifique est si grande, au lieu de polluer les mers, de les suffoquer de plastique, de déforester l’Amazonie, poumon de notre pauvre planète asphyxiée, n’a-t-il pas le pouvoir, comme dans le jardin botanique, de faire coexister simultanément des espèces diverses mais nécessaires à la survie, justement, de l’espèce humaine ?

Jardin clos, jardin ouvert
Laissons-nous imprégner rêveusement de tout ce que symbolise, cristallise en nous, consciemment et inconsciemment, le mot, l’idée de jardin. Le malheur de l’homme, pour les croyants, n’est-il pas d’avoir été chassé du jardin d’Éden ? Jardin des Délices mais aussi Jardin des Oliviers : le meilleur et le pire. N’a-t-on pas le choix ?
Nous avons une tradition mystique et poétique, finalement amoureuse, du jardin, qui remonte au Cantique des cantiques de Salomon (4, 12), avec cette sentence :
« Hortus conclusus soror mea, sponsa ; hortus conclusus, fons signatus. » 
(‘Ma sœur et bien-aimée est un jardin enclos ; le jardin enclos est une source fermée.') L’hortus conclusus (‘jardin enclos’) est un thème iconographique de l'art religieux européen qui représente souvent la Vierge Marie comme dans la profane chanson l’« Amour de moy, ci est enclose dans un joli jardinet »). La Vierge sera la Dame parfaite des troubadours mais les belles dames, divinisées par le culte d’amour qu’on leur rend, sont aussi souvent peintes en leur jardin intime, secret. Et jardins secrets, silencieux, fermés sur leur mystère, de l'âme, des mystiques reclus, des besogneuses béguines.
La Renaissance donnera un autre sens, profane et humaniste à l’hortus conclusus : jardin enclos de murailles, crénelées souvent, aux allées de plantes taillées très géométriquement (sans être encore le jardin dit « à la française »). Cela métaphorise, symbolise la culture défendue jalousement par ses murs contre la nature inculte de l’extérieur du jardin, dont les fourrés touffus, les frondeuses frondaisons débordent par-delà les murs. Mais est-elle si inculte, si sauvage cette nature qui fait peur, que l’on veut contenir derrière des barrières, des frontières ?
 Les murs, les murailles, les barrières, il faudrait sans doute accepter de les abattre pour ne plus refouler l’Autre, mon pareil, mon frère, comme y invite la Manifesta 12 de Palerme.
Issue du désert, mais ayant assimilé et nous ayant restitué la civilisation antique, la culture arabe du temps de sa splendeur  ne rêve pas pour rien d’un Paradis à l’image d’un jardin : un carré avec, au centre, un jet d’eau et, aux quatre coins, quatre arbres symboliques de la Méditerranée, le figuier, l’olivier, le grenadier et le palmier. L’image même du cloître des églises et monastères chrétiens quand les cultures, comme dans l’exemplaire Palerme, se mêlent pour nous cultiver et captiver.
Nous nous quittons sur l’air des fleurs que je veux aussi symbolique de l’Indoue Lakmé rêvée par le Français Léo Delibes, chanté, en duo et non duel, par Mady Mesplé et Danielle Millet, sous la direction de Michel Plasson :

3) DISQUE 2 : PLAGE 2 

Photos Benito Pelegrín 
1. Comme un "migrant" sur son radeau, statue de l'Orto botanico de Palerme ; 
2. Magnolia tropical dans l'Orto botanico de Palerme ; 
3. Arabo-normande, byzantine et espagnole, la cathédrale e Palerme.




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