lundi, mars 12, 2018

PREMIER OPÉRA PAR UNE FEMME : "L'ISOLA DI ALCINA"



Enregistrement 8/3/2018, passage, semaine du 12/3/18

RADIO DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)

« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 306

lundi : 18h45 ; mercredi : 20 h ; samedi : 17h30

Semaine 11


Mars en Baroque (2)
         La semaine dernière, j’ai souligné les temps forts du Festival Mars en Baroque. Le clou, en sera assurément, entre tant de manifestations diverses, la création du premier opéra écrit par une femme, Francesca Caccini (1587–1641), La liberazione di Ruggero dall ‘isola di Alcina, créé à Florence en 1625.
         Il convient de s’attarder un peu sur Florence, ce haut lieu de la Renaissance, de la culture, lieu aussi de la naissance de la musique baroque, en particulier des spectacles chantés que l’on ne nommera opéra que beaucoup plus tard. Il faut situer cette effervescence artistique mais aussi religieuse dans les ondes puissantes du Concile de Trente (1545-1563) qui avait lancé la contre-offensive contre le protestantisme, la Contre-Réforme catholique. Pour ce qui est de la musique, le Concile dénonce les excès de la polyphonie de la musique religieuse qui, tout à la « délectation de l’ouïe », en oubliait le sens religieux de paroles devenues incompréhensibles à force d’entrecroisement de lignes vocales savantes et d’entrées décalées des voix sur le même texte de la sorte brouillé.
         La musique religieuse, pour des raisons éthiques exige donc un retour à la monodie, au chant sur une seule voix avec des paroles compréhensibles. La musique profane, pour des raisons esthétiques, suivra aussi ce chemin. Et cela est théorisé dans cette prodigieuse Florence autour de la Camerata, le salon du comte Bardi : artistes et érudits, dont Galilée père, tentent de retrouver la tragédie antique dont on savait qu’elle était chantée, mais sans savoir comment. Ils travaillent sur cette parole intelligible d’un nouveau théâtre musical, sur la nécessité de coller aux paroles que l'on doit parfaitement comprendre afin de suivre aisément l'action.
Pour illustrer ce chant théâtralisé, deux compositeurs, Jacopo Peri, Giulio Caccini, successivement mettent en musique "rappresentativa" ('théâtrale'), une Euridice (1600) sur le même texte.  Peri, dans la préface, prônait « une forme intermédiaire » entre la mélodie du « parler ordinaire » et du chant. Ce sera ce fameux « recitar col canto», 'réciter en chantant', ce « favellare in armonia », ce 'parler en musique', souple et serpentine déclamation chantée qui épouse les accents de la parole dont la mélodie ne semble qu'une prolongation, qu'une naturelle accentuation. La basse continue (accords plaqués au clavecin et frottés à la viole, en gros) soutient harmoniquement le chant, librement orné par l’interprète sur des mots-clés, toujours en accord avec les affects, les sentiments exprimés. Ce genre théâtral, dramma per musica : drame en musique, drame mélodieux ou melodramma donnera naissance à l’opéra. C’est l’Orfeo (1607) de Claudio Monteverdi, à Mantoue, qui porte au sommet ce genre naissant.
Voici un exemple de cette déclamation lyrique de Francesca Caccini elle-même, tiré de son recueil paru en 1618: Il primo libro delle musiche a una e due voce. C’est chanté par María Cristina Kiehr, qui incarnera l’héroïne de son opéra, fondatrice de Concerto soave avec Jean-Marc Aymes dans un de leurs disques, Il canto elle dame. C’est la plainte d’un amant, Lasciatemi qui solo, ‘Laissez-moi seul ici’, ‘Lasciatemi morire’, ‘laissez-moi mourir’, conclut-il :

1) DISQUE I, PLAGE 11

Francesca Caccini (1587–1641), donc, était la fille du célèbre chanteur, compositeur et théoricien, Giulio Caccini. Ce père éclairé avait donné à Francesca une éducation extraordinaire pour l’époque et pour une femme, non seulement la musique, le chant, mais le latin et les arts libéraux, incluant la philosophie, la rhétorique, les mathématiques.  Elle participe à Florence aux fêtes musicales composées par son père pour le mariage de Marie de Médicis avec Henri IV, en octobre 1600. En 1605, la famille Caccini, tous  musiciens autour du mari et père,  sont invités à Paris par Henri IV et Marie de Médicis et Francesca Caccini y a beaucoup de succès, chantant aussi des airs en français. Dès vingt ans, musicienne officielle du Grand-duché de Toscane, c'est à elle que l'on commandera ce que nous appelons aujourd’hui opéra, qu’elle nommait balletto, 'ballet', La liberazione di Ruggero dall ‘isola di Alcina, 'La libération de Roger de l'île d'Alcina', ouvre dans la nouvelle esthétique lyrique désormais installée.
Le livret de Ferdinando Saracinelli (1583-1640) est tiré de l’Orlando furioso, ‘Roland furieux’, le fameux poème épique, chevaleresque, de l’Arioste. Immense poème que le poète peaufine et augmente de 1505 à 1532. Aujourd’hui, ce serait un roman feuilletonnesque, une interminable série d’exploits de paladins de Charlemagne contre les musulmans, avec la scène élargie à la terre entière que l’on découvre à la même époque. Ces aventures auront un succès et un avenir extraordinaires, inspirant pendant deux siècles poèmes, théâtre et opéras et même, aujourd’hui, l’heroic fantasy de certains films et bandes dessinées n’en sont pas loin. 
 Cet épisode met en scène Ruggiero, Roger, vaillant chevalier sarrasin, aimé de la guerrière et chrétienne Bradamante. Prisonnier d’un château, il s'en évade sur un cheval volant, l’Hippogriffe, il atterrit dans une île enchantée. Dans cette île de tous les plaisirs, la magicienne Alcina garde une belle collection d’amants qu’elle a métamorphosés en plantes, dans d’autres versions, en animaux. Roger, oubliant Bradamante, succombe à ses charmes, et réciproquement. Mais le voici découvrant la plainte d’une plante, un chevalier prisonnier des sortilèges d’Alcina, par l’ensemble Pro Musica Camerata :


Animal volant, métamorphoses, danses, magie, érotisme : c’est tout le merveilleux baroque à l’œuvre pour des effets qu’aujourd’hui on dirait spéciaux dans une œuvre qui, à l'origine, exigeait même un carrousel de chevaux. Mais, à bien regarder, dans Ruggiero, le vaillant chevalier, je ne vois qu’un homme objet disputé par des amantes farouches, la chrétienne et guerrière Bradamante qui, aidée de la magicienne Mélissa va venir encore le délivrer, l’arracher aux bras voluptueux d’Alcina. Il finira par épouser la guerrière Bradamante qui le convertira à la foi chrétienne après de nombreuses péripéties :

            

 Ce spectacle exceptionnel sera donné à la Criée le samedi 17 mars à 20 heures.
www.marsenbaroque.com
Accueil/vente tous les mercredis du mois de février de 14h à 16h : Salle Musicatreize, 53 rue Grignan 13006 Marseille
Fnac - Carrefour - Géant - Magasins U - Intermarché www.fnac.com - www.carrefour.fr - www.francebillet.com 0892 68 36 22 (0,34€/min)
Et sur les lieux de spectacles une demi-heure avant la représentation, règlement par chèque ou en espèce

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