dimanche, novembre 19, 2017

DE MOZART À LA CORÉE


LYRICOPÉRA

Airs d’opéra et mélodies coréennes

Temple Grignan

4 novembre 2017

De son LyricOpéra, Marthe Sebag a su faire, au fil des années, une vivante institution du paysage musical marseillais, sans aucune aide institutionnelle, et qui est en danger de mort faute de subvention d’aucune sorte. Avec une volonté têtue d’offrir à de jeunes artistes une scène et un public, et une nécessaire rétribution, elle nous a donné le luxe de bien belles découvertes de chanteurs dont beaucoup, désormais, font une enviable carrière lyrique en France et à l’étranger. Par ailleurs, au-delà d’un répertoire d’airs d’opéras sans doute trop fréquentés, elle a ouvert le panorama musical de son public de fidèles non seulement à l’opérette, française et américaine, mais, également, à la mélodie plus rare venue de Russie, de Chine et, dans le dernier concert, de cette Corée, dont l’actualité politique internationale nous fait frémir, mais ici de bonheur.
À l’affiche, de ce concert, des airs et duos d'opéra de Mozart et de Rossini en première partie et, en seconde, de prenantes mélodies coréennes par Wooyeon Lee, soprano et Jiwon Song, baryton, tous deux de Corée, accompagnés par Marion Liotard au piano, experte partenaire de grandes et célèbres voix,  créatrice aussi de musique contemporaine, longtemps maître de chant du regretté CNIPAL dont ces deux jeunes chanteurs furent de la dernière promotion.
Avec un piano très orchestral, le concert commence par la dynamique et ironique première scène des Nozze di Figaro de Mozart entre Figaro occupé à mesurer la grandeur de la chambre offerte par le Comte pour leurs noces et une Suzanne qui en mesure les occultes et petites intentions. C’est très vif, mais la résonance du lieu dans les tempi rapides perturbe un peu l’écoute des voix. Passant du valet au maître berné, Jiwon Song, plein d’allure devient le Comte humilié et ruminant la vengeance, récitatif expressif, « hai già vinta la causa… », aria détaillée avec une féroce élégance, voix puissante, étincelante d’harmoniques et l’on comprend son Premier Prix remporté au concours international d’Arles de cette même année.
Wooyeon Lee lui succède dans l’air final de Vitellia de La clemenza di Tito, « Non pui di fiori… » , ‘Finies les fleurs…’ où la haineuse intrigante, instigatrice du complot contre Titus dans lequel elle a aventuré la vie de son amant Sextius, fait un sincère examen de conscience et, au lieu du mariage, s’apprête à marcher au supplice. Air en rondo terrible par la tessiture avec des graves corsés hérissé d’aigus tendus, fleuri de vocalises, dont la jeune chanteuse, lumineuse voix égale sur toute sa longueur, timbre fruité, se tire avec aisance. Les mêmes qualités pour les mêmes difficultés de l’air de Fiordiligi de Cosí fan tutte, « come scoglio… », voix ronde, graves et aigus également beaux et abordés avec une saine franchise, éludant sans doute un peu les notes piquées de la cadence. Dans une alternance entre airs solistes et duos, Jiwon Song sera encore un élégant et confidentiel Don Giovanni pour la sérénade, très entraînant avec cette belle Zerlina de « Là ci darem la mano. » Comme autre duo aux vocalises d’une superbe agilité, ils nous gratifieront du duo entre Rosina et Figaro  du Barbiere di Siviglia de Rossini.
 En seconde partie, les mélodies coréennes de leur pays sont une belle découverte. Le baryton chantera des airs traditionnels et la soprano des mélodies contemporaines mais dont les thèmes se sont ancestralement transmis. Le premier air  par Jiwon Song (de Baek Gzeonghwan) est un chant de bateliers dont le texte a quatre cents ans avec un rythme marqué, à l’évidence, du halage, du travail de la rame, sensible aussi dans les Bateliers de la Volga, la trace universelle du travail des hommes, puis de la fête ensuite. C’est très puissant. Plus de douceur féminine dans le poétique, mélancolique chant de séparation, très lyrique Vent qui souffle dans les lotus (de Kim Joowon, 1915-2000) par Wooyeon Lee, musique très occidentalisée. Même sentiment avec Cœur nostalgique (Kim Dowhan) d’une finesse à la fois schubertienne mais d’une générosité vocale de chanson napolitaine qui permet au baryton de déployer la splendeur de sa voix. Par la soprano, Lien (Lee Wonju) est la mélodie qui remporta un concours, au piano très nourri, exprimant absence et attente, et la chanteuse ménage un crescendo d’une grande envolée pour finir dans un pianissimo d’une grande douceur dans la tenue absolue de la ligne, la maîtrise du souffle, de la voix. Au baryton de chanter à pleine belle voix, avec une joie communicative, la liesse populaire, bruyante, dansante, d’un air traditionnel anonyme des Chutes d’eau de Bakyon. Lui succédant, la soprano distille une mélodie chantée depuis plus de six-cents ans, mais dans son dernier avatar musical (Kim Dongjin), Nouvel Arirang, qui oppose des affects dans une saveur orientale plus marquée. Enfin, en duo émouvant, les deux jeunes chanteurs terminent leur concert en exhalant tendrement, et même douloureusement, La Nostalgie du Mont Kumkang (Choi Youngsup), montagne sacrée pour tous les Coréens, mélodie créée en 1962, date terrible de la séparation du pays en deux : Corée du Nord et Corée du sud.
Avec tous les styles de musique dans ses doigts, Marion Liotard, attentive accompagnatrice, existe aussi en égale partenaire des solistes dans une osmose d’une appréciable sympathie.


LyricOpéra 
Temple Grignan, 4 novembre  
Airs d'opéra et mélodies coréennes
Wooyeon LEE soprano, Jiwon SONG baryton, Marion LIOTARD piano.
Mozart : extraits de Don Giovanni, Le Nozze di Figaro, Cosi fan tutte, La clemenza di Tito ; Rossini : Il  barbiere di Siviglia ; mélodies coréennes



Marthe Sebag
06 32 94 65 40    

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