dimanche, février 05, 2017

VERLAINE, SON ET SENS ET SENSATIONS


Enregistrement 19/12/2016, passage, semaine du 9-15/1/2017
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 253
lundi : 12h15 et 18h15 ; samedi : 17h30
La Bonne Chanson, David Lefort, ténor, Simon Zaoui, piano, 1 CD Hortus

Semaine 2

         Les éditions musicales Hortus, qui se sont hautement signalées par leur immense collection des Musiciens et la Grande Guerre, avec déjà plus de vingt volumes et qui devrait se poursuivre jusqu’en 2018, centenaire de l’armistice du 11 novembre, n’en continue pas moins, par ailleurs, de sortir des sentiers battus. En effet, explorant de nouvelles voies, des chemins, exploitant de nouvelles voix comme dans cette parution, le label offre au ténor David Lefort un second disque avec son complice le pianiste Simon Zaoui, après leur CD Biondina, cycle rarissime de Charles Gounod. Il s’agit cette fois de Paul Verlaine, La Bonne chanson.

Certes, Verlaine est un poète qui a beaucoup inspiré les musiciens, sans doute moins parce qu’il se flattait d’une écriture toute musicale, ne voulait-il pas, disait-il, « de la musique avant toute chose », que par le fait, pratique, que sa poésie, bien modeste dans sa forme, sans grandes envolées lyriques ou épiques, est essentiellement composées de formes brèves, de poèmes délicats et charmants, des états d’âmes souvent, des paysages intérieurs qui se prêtent à la mise en musique souvent plus sage qu’audacieuse, malgré les réussites indubitables de son contemporain Fauré, qui semble respirer le même air, le même air musical que lui, ou Debussy, plus tardif et orfèvre en poésie musicale, ou encore, tout en nuances, Reynaldo Hahn.
Ainsi, ce disque, qui embrasse trois siècles, le XIXe, le XXe et le XXIe inclut intégralement le célèbre cycle de La Bonne Chanson de Gabriel Fauré (1845-1924), rien de nouveau. Mais, à côté de ce classique, trois créations. d’Emile Naoumoff (né en 1962) commandées pour l’occasion au compositeur Par ailleurs, l’intérêt s’accroît des pièces inspirées par le même recueil de Verlaine : quatre de Charles Koechlin (1867-1950), inédites, donc inouïes, et deux mélodies de Nadia Boulanger (1887-1979), dont une, inédite que nous écouterons. Pour compléter le panorama de ces pièces à la filiation fauréenne délibérée, non seulement vocales mais pianistiques, deux nocturnes pour piano solo de Fauré, le N° 6 en ré bémol majeur, opus 63 et le N° 7 en ut dièse mineur opus 74, et le Choral sur le nom de Fauré opus 73 de Charles Koechlin, offrent au pianiste Simon Zaoui, accompagnateur attentif et brillant des mélodies, de donner toute la mesure soliste de son talent.
Quelques mots sur ce recueil La Bonne chanson, écrit par le poète entre 1869 et 1870 et paru en 1872. Considéré aujourd’hui comme mineur par la critique, il était pourtant estimé par Verlaine, sur la fin de sa vie, comme son préféré. Sans doute pour des raisons autobiographiques qui lui donnent une place à part dans sa production. Mais écoutons d’abord l’inédit de Nadia Boulanger, tiré du recueil Sagesse, qui figure ici. Je vous en lis trois strophes, soulignant juste les jeux de son, deux paronomases et deux allitérations :

Écoutez la chanson bien douce
Qui ne pleure que pour vous plaire.
Elle est discrète, elle est légère :
Un frisson d’eau sur de la mousse !

La voix vous fut connue et chère,
Mais à présent, elle est voilée,
Comme une veuve désolée.
Pourtant, elle est encore fière,

Et dans les longs plis de son voile
Qui palpite aux brises d’automne,
Cache et montre au cœur qui s’étonne
La vérité comme une étoile.

         Écoutons la délicate version musicale de Nadia Boulanger par le ténor David Lefort accompagné par Simon Zaoui au piano :

         1) PLAGE 1

Verlaine (1844-1896) appelait chansons les poèmes « naïfs », dit-il, de ce recueil qu’il destinait, en cadeau de mariage à la jeune Mathilde Mauté de seize ans qu’il rencontre en 1869, dont il tombe éperdument amoureux et qu’il va épouser l’année suivante. Chaque poème d’amour tendre, éperdu, dans la tradition lyrique du romantisme finissant, est un hommage à cette jeune fille qui lui fait vivre un bref bonheur avant que ne s’abatte, à peine un an après leur mariage, sur leur vie, leur demeure, la tornade Rimbaud, la passion, la folie. Verlaine, abandonnant sa femme, battue et violée par leur hôte —elle demande le divorce— part, s’enfuit donc avec le jeune et génial Arthur, qu’il appelle « son époux infernal ». Liaison tumultueuse qu’ils traînent de Londres à Bruxelles, où un coup de révolver de Verlaine à son amant lui vaut trois ans de prison.
Il est évident que, rétrospectivement, La Bonne chanson dut paraître au poète sombrant dans l’alcoolisme, dont il devait mourir à cinquante et un ans, comme un épisode nostalgiquement heureux de sa vie accidentée.
Mais écoutons un inédit de Charles Koechlin, son traitement musical très expressif du poème descriptif « Le Paysage dans le cadre des portières », d’un train :

2) PLAGE 18

Le ténor David Lefort, d’une voix qui varie les couleurs, les volumes, vibrant ou détimbrant la voix, sans hésiter aux forte et fortissimo, qui étonnent sinon détonent dans la tradition de la bienséance plus pudique, plus retenue, arrache la mélodie à la maladie salonarde française qui tombe parfois dans une mièvrerie donnée trop souvent  en France pour le bon goût. Nous le quittons avec la création d’Émile Naoumoff, « Soleils couchants », tiré du recueil des Poèmes saturniens :

3) PLAGE 21


La Bonne Chanson, David Lefort, ténor, Simon Zaoui, piano, 1 CD Hortus 132 – 72’43,

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