Enregistrement 10/2/2014, passage, semaine du
24/2/2014
RADIO DIALOGUE (Marseille : 89.9 FM,
Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 119
Lundi :
10h45 et 17h45 ; samedi : 12h45
CORELLI
Hugo Reyne et la Simphonie du Marais, Corelli Sonates et Follia, opus IV, un concert à Rome.
Saint-Louis-des-Français, label
Continuo.
Aujourd’hui, je parlerai d’un musicien à l’occasion d’un très beau
disque récent consacré à ses sonates, Arcangelo Corelli. Beau prénom :
Ange ne suffit pas, on l’appelle Archange, Archange Corelli. En tous cas, sa
musique, si belle, sans être forcément angélique, a souvent des ailes et l’on
se laissera porter sur celles de ce CD azuréen.
Corelli naît en Italie, près de Ravenne, en 1653 et meurt en 1713 à
Rome. Il étudie d’abord le violon à Bologne et, en 1671, parti pour Rome,
devient violoniste en titre, titulaire, de la magnifique église Saint-Louis-des-Français. Cette superbe église, achevée en 1589, fut
patronnée par les Valois, les monarques français, Henri II, sa femme Catherine
de Médicis, leur fils Henri III, et devint dans la ville des papes, l’église
nationale des Français, dédiée à Saint-Louis, qui lui donne son nom, mais aussi
à la Vierge Marie, à saint Denis. La façade s’orne d’ailleurs de statues évoquant
de grands personnages de l’Histoire de France et l’intérieur, des fresques
représentent l’histoire de saint Louis. Mais, si l’afflux de touristes qui s’y
presse ne cesse pas, ce n’est pas pour voir ces œuvres mais, entre autres
grands tableaux de grands artistes italiens, pour admirer trois célèbres
tableaux du célébrissime et tumultueux peintre baroque Michelangelo Merisi, dit Caravaggio, le Caravage, consacrés à saint Matthieu. Et c’est dans cette église à
l’acoustique parfaite, dont les échos résonnent encore de tant de merveilles
qu’Hugo Reyne et la Symphonie
du Marais, ont décidé de rendre
hommage à Corelli, qui y fut chez lui, par un concert public enregistré qui est
devenu ce disque si vivant : Corelli Sonates et Follia, opus IV. Un concert à Rome.
Saint-Louis-des-Français, label
Continuo. Un autre musicien contemporain et ami de Corelli, Bernardo
Pasquini (1637-1710), dont la
renommée fut grande, partage avec lui les honneurs de ce concert réussi, ses
courtes pièces pour clavecin, très mélodiques, ponctuant celles du premier,
donnant l’occasion à Yannick Varlet de déployer brièvement mais avec élégance son instrument argenté,
arraché ici à la modestie du continuo qu’il anime avec l’archiluth scintillant de Marc Wolff et le violoncelle de miel de Jérôme Vidaller.
Corelli
Corelli est l’un des plus
grands musiciens de son temps. On lui prête quelques voyages en Europe où son
influence sera très grande, Espagne, France, Allemagne, mais il vécut
pratiquement toujours à Rome, avec Venise le grand centre musical de cette
époque avant d’être détrônée par Naples où il fit un séjour. Dans la Ville
Éternelle, Corelli eut la chance d’avoir de puissants protecteurs, dont la
reine Christine de Suède qui s’y était retirée après son abdication et sa
conversion au catholicisme. Rome était une capitale caisse de résonance
européenne pour les arts : Corelli devint célèbre dans toute l’Europe. Sa
musique influença Bach, qui en utilisa thèmes et formes, Couperin aussi lui
rendit hommage, etc. Les disciples de Corelli, célèbres eux aussi, Legrenzi,
Locatelli, Gasparini, Geminiani, portèrent loin les leçons du maître. Son
œuvre, essentiellement pour le violon et l’orchestre n’est pas nombreuse mais
très importante pour l’histoire de la musique.
À cheval entre les XVIIe et XVIIIe siècles,
Corelli est important à divers titres. S’il semble inventer la technique
moderne du violon, il fut aussi un grand chef d’orchestre, conduisant jusqu’à
près de cent-cinquante musiciens, ce qui était énorme pour l’époque où les
effectifs étaient généralement très réduits et il faut rappeler que les chefs
d’orchestre étaient rares, le premier violon, remplissant ce rôle de sa place.
On lui prête également l’invention du concerto grosso, une forme où quelques instruments solistes dialoguent,
concertent, avec le gros de l’orchestre. En pleine période que l’on dit
baroque, sa musique anticipe pourtant, formellement, le classicisme postérieur,
notamment par sa fixation de la sonate dont il donne le modèle équilibré avec
plusieurs instruments pour le continuo, c’est-à-dire la basse continue —clavecin
et violoncelle, en général, cordes pincées et cordes frottées— et un ou deux
instruments pour le dessus, la sonate étant divisée en quatre ou cinq
mouvements en règle générale en contraste dynamique, alternant lent/vif, adagio
allegro. C’est justement dans cet
opus V de ses œuvres choisi par Hugo Reyne que Corelli impose cette forme qui
devient canonique.
Goûtons, entre autre, dans sa Sonate I en fa majeur, l’adagio qui en est le quatrième
mouvement et l’on appréciera la noblesse de la forme, l’élégance et le respect
des proportions, la grâce mélancolique des enroulements et déroulements des
rubans de l’ornementation, la grâce mélancolique des trilles voluptueux et
virtuoses de Reyne qui l’a
joliment transposée, du violon originel à sa flûte originale.
La douzième sonate est aussi célèbre, dite « la Follia »
en italien, c’est-à-dire, reprenant un thème né au Portugal qui s’impose en
Espagne et court l’Europe sous le nom des « Folies d’Espagne », qu’un
grand nombre de compositeurs va utiliser pour faire des variations, de Lully à
Couperin, de Händel à Bach, de Lizst à Rachmaninov en passant par Salieri, etc.
Corelli en composera trente-deux variations, variant rythmes, affects. Reyne,
n’hésite pas, dans la tradition baroque, à ajouter deux de ses propres
variations, ce qui personnalise davantage ce disque où l’instrument enchanteur,
le violon ailé, a cédé la place à l’instrument chanteur, la flûte. aérienne,
douce, insinuante. Le « Prestissimo » final est éblouissant. La flûte,
fébrile, fredonne, frémit, frissonne de trilles, fuse en feu d’artifice : vraie
folie, d’Espagne
Arcangelo CORELLI
(1653-1713)
Sonates et Follia, Opus
V
Arcangelo Corelli : Sonata I, F major
; Bernardo Pasquini : Toccata ottava, D
minor
; Arcangelo
Corelli : Sonata XI, B flat major
; Bernardo Pasquini : Toccata quarta “Per Francia”, A minor
; Arcangelo Corelli : Sonata III, C major ; Sonata VII, G minor
; Bernardo Pasquini : Toccata seconda, F
major
; Arcangelo
Corelli : Sonata IV, F major
; Sonata XII “Follia”
(theme & 23 variations), G minor ;
La Simphonie du Marais
: Hugo Reyne, flûte et
direction
; Jérôme Vidaller,
violoncelle
; Marc Wolff, archiluth
; Yannick Varlet, clavecin et
orgue.
74'03, enregistrement live du 15 décembre 2012 en l'église
Saint-Louis-des-Français à Rome, Continuo, 2013.
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