dimanche, décembre 23, 2012

Jacques Duphly, clavecin



CRÉPUSCULE ET APOGÉE DU CLAVECIN FRANÇAIS 
JACQUES DUPHLY (1715-1789)
Pièces pour clavecin,
par Brigitte Tramier
 Clavecin Antoine Vater 1738

Jacques Duphly (ou du Phly), compositeur, organiste et claveciniste, professeur et musicien coté des coteries musicales des salons parisiens, naît l’année de la mort de Louis XIV (1715), Roi Soleil éclipsé, et meurt le lendemain de la prise de la Bastille (le 15 juillet 1789) qui signe symboliquement la mort de la royauté. On pourrait, dans son œuvre pour clavecin, parue en 1744, 1748, 1756 et 1768, symboliser également l’apothéose et le crépuscule de l’instrument, roi solaire de l’Ancien régime, bientôt détrôné par le révolutionnaire piano forte.
Brigitte Tramier, sur un clavecin du facteur Vater contemporain du compositeur et par ailleurs dédicataire d’un des morceaux, nous en offre une brillante démonstration dans ce disque : bel arc-en-ciel de sa production, passant par les prismes d’abord de la tradition française en s’irisant ensuite du chromatisme italien jusqu’à atteindre la théâtralité légère et élégante du « style galant», entre un baroque crépusculaire et ses affects et l’aurore du sentimentalisme personnel du romantisme précoce.
Si l’on oubliait que certains de ces morceaux ont des dédicataires masculins pour s’en tenir à leurs titres féminisés avec la galanterie de mise dans ces salons français où règne la Femme, on pourrait rêver et presque prendre ces « Pièces » au sens théâtral du terme tant la plupart de ces tirades musicales, La Forqueray, la Boucon, la Pothoüin, la de Vatre, la Félix, la Vanlo, la de Drummond, la Cazamajor, la de Belombre, la de Juigné, semble être une série de figures scéniques dans la tradition française de la comédie de caractères, ou, picturalement, une galerie de portraits de belles dames, tour à tour alanguies ou coquettes piquantes de notes piquée comme des fleurs dans leurs cheveux, avec leurs danses et chansons, Allemande, Chaconne, Rondeaux, joliment apprêtées pour une fête galante, une pastorale enrubannée ou un nostalgique embarquement pour Cythère à la Watteau : La Bruyère et ses Caractères (1688) n’est pas loin de ces courtes saynètes musicales, climats ou portraits au délicat pastel harmonique ravivé par le doigté à la prestesse de prestidigitateur de Brigitte Tramier.


De cette dernière, on pourrait louer la technique, la franchise décisive des attaques (La Forqueray), l’art consommé de ne pas brouiller la ligne sous le gribouillage virtuose parfois vertigineux des ornements, le nœud de la question, qu’elle dénoue élégamment comme des rubans précieux, mais sans préciosité, avec une grâce sans gracieuseté, sans rien qui pèse et qui pose, donnant à voir et entendre la délicate dentelle aérée, les lacs et entrelacs, les fanfreluches de fines fioritures en bouquets, en grappes à la fois unes et multiples. Le métier est tout entier au service de l’expressivité. Et l’on goûte, comme un fin champagne, la mousseuse écume solaire qu’elle tire de l’instrument, son affectivité qui la fait entrer dans les affects, telle la fièvre, la frénésie, l’affolement, la folie enfin de Médée proche du paroxysme du crime, à côté de la pépiante et pétillante Vater, de la mélancolique Boucon ou de la noble Félix au port un peu martial.
La prise de son, d’une excellente qualité, évite le piège de la sécheresse, mortelle pour le clavecin, et nous berce de la rêveuse griserie d’un rayonnement onctueux et tendre qui invite à la volupté de l’abandon.

UN DISQUE ÉDITIONS PARNASSIE http://parnassie.fr

lundi, décembre 03, 2012

ANNONCES CONCERTS


LA « FOLLE CRIÉE »
Le Festival International de Piano de la Roque d'Anthéron, Festival de musiques classiques et jazz, entre dans sa 33e année. Né et grandi dans l’écran amoureux des 365 platanes séculaires du parc du Château de de Florans, ce Festival dans la verdure, perdure magnifiquement, aime et essaime d’autres beaux lieux que la musique imprègne et auréole, des écrins visuels à l’écho sonore : les carrières de Rognes à la couleur de pain d’épice, l’Étang des Aulnes près des Alpilles bleues ; il niche dans de jolies églises, de beaux villages d’alentour de l’arrière pays Provençal, Lourmarin, Saint-Cannat, Lambesc, Gordes, etc. Il a poussé jusqu’à Aix, au Musée Granet, dans le Grand Théâtre de Provence. Il lui manquait une fenêtre sur la mer : il vient de l’ouvrir dans la Criée de Marseille se donnant la vue, non des arbres de Florans, mais de la forêt de mâts de notre Vieux-Port.
Le Festival jette donc l’ancre à Marseille, mais, non point l’été sacralisé du parc de Florans, mais « Hors saison », c’est-à-dire, qu’en fait, ce sera un Festival des quatre saisons : pour l’heure, quatre journées, une série de récitals de piano et de musique de chambre en janvier, avril et mai, dont nous reparlerons, confiées à de désormais prestigieux pianistes révélés par la Roque.
« La Folle Criée »
En 1995, René Martin, directeur du Festival depuis sa fondation, crée La Folle Journée de Nantes. C’est un concept qui révolutionne l’image des concerts classiques, puisque, depuis, chaque année, en une seule journée, il offre à tous les publics les clés des grands compositeurs du répertoire par les plus grands artistes, les meilleurs musiciens, concerts de moins d’une heure qui se succèdent dans la familiarité et la bonne humeur, où tous les publics se mêlent, connaisseurs et profanes, parents et enfants, pour des prix des plus attractifs. C’est assorti de conférence à la fois pointues et faciles d’accès pour ouvrir grandes les oreilles à ceux qui veulent approfondir ou découvrir les musiques, les compositeurs.
Le succès est tel que cette « Folle journée de musique s’exporte : Tokyo, Lisbonne, Rio de Janeiro, Montréal, Taïwan, réclament la leur, couronnée du même succès. D’autres villes réclament, sinon une « Folle journée », jalousement et précieusement, gardée à Nantes, une « Folle nuit » de la musique ouverte à tous. Et voici enfin que Marseille, le 1er décembre, aura, sinon sa « Folle journée » de musique,  sa « Folle Criée ».
Sur ce même modèle, « La Folle Criée » a eu pour ambition d’accueillir les plus éminents musiciens de la scène internationale actuelle pour 9 concerts de 45 minutes à découvrir en famille pendant toute une journée. Le programme autour de Mozart et Haydn proposé pour cette première fois a rempli tous les espoirs : 4.500 entrées, taux de remplissage total : 82%. Voir ci-dessous, fournis par l’Agence AnaKrusis, le détail selon les concerts :

FRÉQUENTATION
LA FOLLE CRIÉE
1er DÉCEMBRE 2012

Manifestations
Lieu
Date
Heure
Places Occupées
taux d'Occupation
Quatuor Modigliani
Grand Théâtre
01/12/2012
13h30
392
53%
Iddo Bar-Shaï / Ye-Eun Choi
Grand Théâtre
01/12/2012
15h00
692
94%
Iddo Bar-Shaï 
Petit Théâtre
01/12/2012
16h15
194
71%
Trio Wanderer
Grand Théâtre
01/12/2012
16h30
698
95%
Trio Wanderer
Petit Théâtre
01/12/2012
17h45
226
83%
Quatuor Modigliani / Sabine Meyer
Grand Théâtre
01/12/2012
18h00
736
100%
Iddo Bar-Shaï
Petit Théâtre
01/12/2012
19h00
144
53%
Abdel Rahman El Bacha
Grand Théâtre
01/12/2012
20h00
568
77%
El Bacha/ Trio Wanderer / Quatuor Modigliani
Grand Théâtre
01/12/2012
21h30
674
91%




4324
82%

Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron - Théâtre de La Criée
« La Roque Hors Saison »
Récitals de piano et concert de musique de chambreau Théâtre de La Criée

mardi 15 janvier 2013 - 20h00 – Théâtre de La Criée - Grand Théâtre

Nikolaï Lugansky piano
Liszt : Les Années de Pèlerinage : Troisième année : L’Italie S. 163 (extraits)
  Aux Cyprès de la Villa d'Este. Thrénodie n°2 ; Les Jeux d'eau de la Villa d'Este
Wagner/Liszt : Tristan und Isolde : Isolde's Liebestod, S. 447 (transcription pour piano) ; Medtner : Mélodies oubliées n°5 et n°6 opus 38 ; n°3 opus 39 ;
Rachmaninov : . Sonate pour piano n°2 en si bémol mineur opus 36.
mardi 9 avril 2013 - 20h00 – Théâtre de La Criée - Grand Théâtre

Adam Laloum piano
Schumann :  Grande Humoresque en si bémol majeur opus 20 (1839)
. Sonate n°1 en fa dièse mineur opus 11 (1833-1835)
. œuvre à préciser

mardi 21 mai 2013 - 20h00 – Théâtre de La Criée - Grand Théâtre

David Kadouch piano, Edgar Moreau violoncelle
Debussy : Sonate n°1 pour violoncelle et piano en ré mineur ;
Schubert :  Sonate arpeggione pour violoncelle et piano en la mineur D. 821 ;
Chostakovitch : Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur opus 40 (1934).

Renseignements-réservations :
( : 04 42 50 51 15www.festival-piano.com
( : 04 91 54 70 54www.theatre-lacriee.com
Tarifs : de 6,00 à 12,00 €

dimanche, décembre 02, 2012

CHRONIQUE DE DISQUES


ASTOR PIAZZOLLA, MONTEVERDI, COUPERIN

Piazzolla 
Le vingtième anniversaire de la mort du grand compositeur argentin Astor Piazzolla, né en 1921  à Mar del Plata et décédé le 4 juillet 1992 à Buenos Aires, a donné lieu à un certain nombre de disques et de concerts dont j’ai parlé ici.
De Piazzolla, on sait en général qu’il a révolutionné le tango moderne, mais, compositeur classique également, il lui a donné de plus la dignité de ce qu’on appelle la  grande musique.
À huit ans, son père lui offre un bandonéon, ce petit accordéon emblématique du tango. Cela ne passionne guère le petit garçon, féru de jazz, qui découvre Bach et en reste marqué à jamais. Il s’intéresse finalement au tango, se met à en composer se mêle aux plus grands orchestres de son temps mais, parallèlement, c’est la musique classique qu’il cultive, sa grande vocation. Il prend des cours avec l’un des plus grands compositeurs argentins de son temps, Alberto Ginastera, ne rate pas, chaque après-midi, les répétitions de l’orchestre du théâtre Colón, l’un des plus importants du monde. Il fonde, cependant, des ensembles orchestraux, grave des disques de ses propres tangos.
Finalement, lauréat d’un prix de composition, il bénéficie d’une bourse et le voilà arrivé à Paris, dans la classe de composition de la fameuse Nadia Boulanger, qui a pour élèves nombre de compositeurs qui vont devenir célèbres, dont Leonard Berstein. Peu convaincue de ses compositions strictement classiques, elle le pousse à approfondir ses racines musicales culturelles, dont le tango, et c’est la révélation : la musique populaire qu’il méprisait un peu va devenir une source profonde d’inspiration.
De retour à Buenos Aires, trois ans après, en 1953, il va fonder un orchestre à cordes, un octuor et un quintette, quinteto tango nuevo, qui jouent ses partitions qui mêlent le tango des années 40, la milonga, dans une savante synthèse de la musique populaire argentine et des trouvailles les plus progressives de la musique néoclassique des années 40 (Bartok, Stravinski), sans oublier  son maître Ginastera et du jazz.
Les traditionalistes reprochent violemment à Piazzolla de défigurer le tango avec son ambitieuse musique mais il a des partisans enthousiastes. Il intègre dans l’accompagnement, outre le traditionnel bandonéon, le violon, le piano, la contrebasse, la guitare électrique. Il met en musique des poèmes du grand écrivain Jorge Luis Borges, en fait des tangos. Il compose parallèlement des concertos et rencontre en Horacio Ferrer un parolier à sa hauteur. Il est le librettiste de son opérette María de Buenos Aires, créée en 1970, en Italie, sans succès alors mais qui, depuis, a fait le tour du monde. Il lui doit le texte de deux de ses plus beaux tangos, devenus des classiques depuis, Balada para un loco, ‘Ballade pour un fou’ et, en 1968, Chiquilín de Bachín
Le Festival de musique baroque et classique de Marseille avait proposé un concert dans lequel Piazzolla était encore à l’honneur, couplé avec un exemplaire compositeur baroque, rien de moins que Bach, par les Organistes et l’Ensemble d’Accordéons du CNRR (Conservatoire National à Rayonnement Régional de Marseille), direction artistique assumée par Annick Naddeo-Chavalier, d’André Rossi pour l’orgue et de Sylvain Gargalian pour l’Ensemble d’accordéons. Plus récemment (voir plus bas 15 novembre 2012), le magnifique concert Orgue et hautbois aux Réformés finissait sur une apothéose de Piazzola transcrit pour ces instruments.
Citons aussi pour mémoire le disque déjà présenté ici (juillet 2012) de l’ensemble baroque marseillais Una Stella Italia 1600/Argentina 1900 et leur concert cet été au théâtre Silvain, qui mêlait  musique baroque, instruments baroques, Monteverdi et Astor Piazzolla, avec la complicité du Duo intermezzo qui consacrait également un disque Indé !SENS !, déjà présenté, à ce compositeur, Balada para un loco.

Piazzolla/Monteverdi
Una Stella semble avoir fait école puisque un autre disque est également paru, par la Cappella Mediterranea, dirigée par Leonardo García Alarcón, PIAZZOLA/MONTEVERDI, label AMBRONAY qui mêle instruments baroques et bandonéon. Le disque s’appelle Una utopía argentina, ‘Une utopie argentine’. Belle utopie, il est vraie, venue des Amériques, cette terre justement des rêves utopiques, ici, celui de joindre à notre Méditerranée dont cette chapelle porte le nom, ces rives atlantiques du Plata, ces vagues soulevées du tango, sur les ondes dorées d’une musique sans frontières : verdeur de pampa et pimpantes couleurs des pampres enrubannés de Monteverdi, presque littéralement, ‘vert mont’, ‘mont vert’,  baigné de nostalgie, de mélancolique brume sentimentale. Le tango, un sentiment triste qui se danse, de l’amour à la peine et, dans les madrigaux, l’amour toujours au bord de l’abîme, de la joie solaire d’Orphée sombrant dans le drame. Le fol d’amour de la tradition courtoise a son pendant dans le fou de la Balada para un loco et le Lamento della ninfa, la douleur amoureuse de la nymphe abandonnée n’ayant pas de sexe, a son écho dans les plaintes de tant de tangos de l’abandon : universalité du sentiment et du cœur d’amour blessé.
Musicalement, il y a comme une évidence transposée à l’oreille des ailes des violons (Girolamo Bottiglieri, Juan Roque Alsina) planant sur déploiement argenté du bandonéon de William Sabatier qui auréole de grâce lumineuse le chant intime si tendre de la soprano Mariana Flores et du baryton Diego Valentín Flores arpégé, piqué, contrepointé par la délicatesse des cordes pincées autant du théorbe, de la guitare baroque et électrique par le même Quito Gato que de la harpe (Marie Bournisien), du clavecin, de l’épinette et de l’orgue du continuo (Leonardo García Alarcón, plus piano), la viole de gambe (François Joubert-Caillet) et la contrebasse (Romain Lecuyer) assurant leur sombre couleur de miel à la plainte rauque du cornet à bouquin de Gustavo Gargiulo. Ce sont des arrangements d’une grande finesse : la « Sinfonia » de l’Orfeo est une véritable recréation ; « Dormo ancora », tiré du Ritorno d’Ulisse in patria , presque à mi-voix par le baryton est poétiquement vaporeux, onirique, le bandonéon s’y étire voluptueusement avec d’étranges couleurs entre sommeil et réveil, dans la nébulosité du rêve. Pas de solution de continuité donc entre Monteverdi à l’instrumentation élargie et ces morceaux de Piazzola, comme Muerte del ángel, de 1962, une milonga instrumentale âpre et cinglante. Chiquilín de Bachín, c’est l’évocation déchirante d’un petit gamin de Buenos Aires. Même la nuit du 6 janvier, Épiphanie pour les Français mais jour des Rois, équivalent de Noël pour les enfants du monde hispanique, pour survivre, l’enfant vend des roses dans une brasserie. Une prostituée s’attendrit de voir ce petit ange vendre ses fleurs cette nuit de fête pour les enfants :
La nuit, visage sale, /d’Angelot en blue jeans,/ Il vend des roses aux tables/ De la brasserie de Bachín. Si la lune brille sur le gril,/ il mange de la lune et du pain de suie. […] Pitchounet,/ donne-moi un brin de voix/ si je sors pour vendre/ Mes hontes en fleurs. 
Chanté magnifiquement par la soprano Mariana Flores qui illustre au mieux ce Libertango, ce tango nuevo, plus lyrique que simplement rythmique.

Au-delà des frontières, François Couperin : Les Nations 
 (Sonades et Suites de symphonies en trio)
On a plaisir à évoquer non un compositeur français inconnu, mais un peu négligé, François Couperin (1668-1733). On le surnommait « le Grand » car il était de l’illustre dynastie de musiciens. Il fut effectivement aussi grand organiste titulaire que claveciniste et maître réputé.  Son œuvre est autant profane que religieuse. Comme son contemporain l’Aixois Campra (1660-1744), il entend faire une synthèse entre les goûts musicaux français et italiens. C’est son œuvre pour le clavecin, (quatre livres entre 1707 et 1730) qui fait sa gloire et le range à côté de Rameau comme le grand maître de cet instrument en France. Son traité L’art de toucher le clavecin publié en 1716 est précieux pour connaître son enseignement et l'interprétation de son temps.
On salue ce double CD Ambronay, distribution Harmonia Mundi, qui allie beauté et élégance, grâce et force, enregistré par l’Ensemble Les Ombres, dirigé par Margaux Blanchard et Sylvain Sartre. On voyage avec bonheur dans, sinon Carte du Tendre européenne, cette tendre cartographie chorégraphique d’une Europe encore sans frontières, bien que des « nations » mais sans nationalisme étréci. Les Nations (c. 1726) sont ici des « sonades » autre façon de dire ‘sonate’, et des suites de symphonies en trio, comprenant peut-être comme une hiérarchie malgré tout politique de l’époque, éclipse de l’Espagne comme première nation et Empire au profit de la France, le Premier Ordre : La Françoise, le Deuxième Ordre : L’Espagnole ; le Troisième Ordre ; L’Impériale ; Quatrième Ordre : La Piémontaise. Mais, hors des grandes nations du temps, mais pouvant occuper à lui tout seul le grand pays de la musique, Bach figure ici à la fin du deuxième CD, à travers une transcription pour orgue qu’il fit du « légèrement » de l’Impériale, retranscrite malicieusement à son tour par Benjamin Alard, organiste, pour les instruments choisis pour le disque. Car, selon l’habitude baroque, la partition n’est pas destinée à un instrument précis, laissant le large choix aux interprètes d’assurer une instrulentation à leur goût : ici, du meilleur. On peut en juger :
Les Ombres, dirigées par Margaux Blanchard et Sylvain Sartre : Katharina Heujter, Marie Rouquié, Louis Créac’h (violons), Sylvain Sartre, Sarah van Cornewal (flûtes traversières), Johanne Maître, Katharina Andres (hautbois), Mélanie Flahaut (basson), Margaux Blanchard (viole de gambe), Vincent Flückiger (théorbe, archiluth, guitare), Nadja Lesaulnier (clavecin), Benjamin Alard (orgue Parisot, église Saint-Rémy de Dieppe).
  On savoure les timbres, les couleurs, l’ornementation brillante : l’équilibre entre le goût français et le charme italien, rêve de Couperin, comme de Campra de concilier les deux tendances harmonieusement affrontées d’une guerre de la musique qui ne fait que des heureux.
On ne reprochera à ces magnifiques interprètes que l’enthousiasme un peu naïf  qui leur fait écrire  que « C’est dans la musique sans frontière du grand Couperin qu’est née l’idée d’une Europe moderne. » Idée bien partagée et depuis longtemps en politique (Charles Quint au XVI e siècle) et dans les arts qui n’ont jamais connu de frontière, pour ne parler que de Bach en musique s’inspirant de Vivaldi et, en littérature, Baltasar Gracián dans son roman Le Criticon. On n’en boudera pas pour autant le plaisir délicat et voluptueux de ce disque.

mardi, novembre 20, 2012

ANNONCE


LA TRAVIATA
Livret de Francesco Maria Piave
d’après la pièce La Dame aux camélias (1852) d’Alexandre Dumas fils.
Musique de Giuseppe Verdi
Avignon 
Dans une nouvelle distribution, c’est la reprise de celle de décembre 2007 à Avignon, mise en scène de Nadine Duffaut qui fit couler beaucoup d’encre. Voir dans ce blog http://benitopelegrin-chroniques.blogspot.fr/2007/12/la-traviata.html

         Comme dans le cas de Butterfly ou Tosca, c’est toujours la musique qui fixe dans l’imaginaire collectif une œuvre tirée du roman ou du théâtre, ici, des deux. Remarquons que, même avec Greta Garbo et Robert Taylor, le film de George Cukor, Le Roman de Marguerite Gautier, de 1921, considéré comme un chef-d’œuvre, n’est plus qu’une curiosité pour cinéphiles. En revanche, le fameux air du champagne, « Libiam ! » et l’air de Violetta sont sûrement connus même de gens ne mettant jamais les pieds à l’opéra. Puissance de la musique qui a donné une forme définitive au drame humain de la fille de joie perdue et sauvée, rachetée par l’amour.
    Faut-il encore raconter l’aventure de cette « Dévoyée », sortie de la bonne voie, de cette Violetta Valéry verdienne tirée du roman autobiographique La Dame aux camélias (1848) d’Alexandre Dumas fils : il en fera un mélodrame en 1851, qui touchera Verdi. Alexandre Dumas fils était l’amant de cœur de la courtisane Marie Duplessis qui inspire le personnage, maîtresse un temps de Liszt, morte à 25 ans de tuberculose. Le jeune et alors pauvre Alexandre, offrira plus tard à Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assuré le triomphe mondial de sa pièce, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camélias, dont il résume l’un des aspects cachés du drame vécu :
         «  Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »
         Ne pouvant ni l’entretenir, ni être entretenu par elle, il deviendra célèbre et riche avec son drame qui raconte le sacrifice de la courtisane, exigé par le père de son amant, redoutant que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où la morale fait loi. Drame aussi de l’argent : on craint que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque, où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale : « Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des « horizontales », des hétaïres, des courtisanes affectées (et infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime.

         La réalisation de Nadine Duffaut
         L’œuvre initiale fleurit à l’époque de la révolution de 1848, l’opéra de Verdi éclôt en 1853, en plein Second Empire autoritaire : le sujet, cet amour brisé entre une prostituée et son amant n’a pas de date —dans la mesure où l’on trouve un obstacle assez fort pour le rendre impossible, et une maladie assez grave pour l’héroïne, qui la fasse mourir fatalement. À notre époque du culte de l’image, de la présence sur tous les médias des people, la médiatisation de la vie privée rentabilisée, est une sorte de prostitution acceptée et même recherchée, en sorte qu’aujourd’hui, l’alliance avec une star, même une call ou escort girl, si elle est riche et célèbre, n’a rien pour offusquer la morale bourgeoise matérialiste de notre temps : on doute qu’un père refuse à son fils une pareille alliance, rentable financièrement et médiatiquement. Quant à la maladie, pour la réouverture de la Fenice, le célèbre opéra de Venise ravagé par le feu, renaissait de ses cendres de ses cendres le 17 novembre 2004, la mise en scène faisait de de la gracieuse Patrice Ciofi qui reprend le flambeau à Avignon, une malade, sans doute du sida, sous perfusion.
         À Avignon, le rideau se lèvera sur une époque proche de nous, l’Occupation ou la Libération, d’autant que, dans les époques de guerre, le drame individuel se dissout dans la tragédie collective.
         Cependant, lors de l’ouverture animée, l’arrivée de cette femme brisée, un foulard cachant ses cheveux, dans le hall du trop fameux Hôtel Lutétia, si marqué par le passage des nazis, qui en firent le siège de l’Abwher, puis par l’accueil des déportés de retour des camps en 1945, me font penser à une rescapée : une juive dont même après la Shoah, une famille bourgeoise ne pourrait supporter l’alliance. Cette hypothèse, plausible, ne sera pas la bonne, que la fin éclairera : le foulard cache la femme tondue, compromise avec l’occupant ou les collabos, lors des épisodes pas toujours glorieux de l’épuration qui suit la Libération.
      Nadine Duffaut, qui signe la mise en scène, inscrit donc le drame individuel dans le collectif et, spécifiquement, féminin, avec une cohérence intellectuelle et une logique sensible : la suivante attentive et attendrie qui escorte et veille sur Violetta, prend un rare relief ; Flora, est plus une compagne compatissante et solidaire qu’une complice de débauche et, surtout, la photo matérialisée du chantage affectif, l’incarnation muette mais touchante de la fille, après tout cause innocente du sacrifice de son amour que demande le père d’Alfredo à Violetta : la pute se sacrifie à l’image de pureté qu’elle gardait en son cœur, prise au piège narcissique d’un Moi idéal. Sacrifice que la fille, solidaire aussi de la courtisane blessée à mort, aurait refusé si le pouvoir patriarcal des hommes l’avait consultée.  La fille, par ailleurs, médiatrice entre le père et le fils, semble combler dans cette version une lacune d’autres réalisations : on saute en général la cabalette de l’air du père à son fils, qui évoque un contentieux passé entre eux et la femme apparaît, dans ce monde conflictuel des hommes (jalousie, défis, duels, et guerre ici) comme l’« ange » du texte, de paix, d’une harmonie nostalgiquement symbolisée aussi par le piano toujours présent sur scène et la partition, tel un gage d’amour, ou la fleur rouge de l’amour vrai opposée aux camélias blancs, sans odeur ni couleur, des amours vénales. Autant de signes délicats qui font sens, comme cette neige à travers la vitre qui, contrastant avec les fleurs de l’acte II, sont des indicateurs temporels de l’action qui finit en un autre hiver de carnaval, donnant la dimension chronologique de l’aventure.
Le décor (Emmanuelle Favre) est donc celui du hall concave du Lutétia, monument Art Déco, beau, froid et impersonnel, acajou et marbre gris, une porte tournante du tourbillon vertigineux des plaisirs tournants, utilisé aussi pour la maison de campagne sous les belles lumières changeantes (Jacques Chaletet), fauteuil et secrétaire marqueté aussi au goût de l’époque. 
Si les femmes sont toujours belles quelle que soit la mode, on appréciera les costumes (Gérard Audier) en fonction du goût que l’on a ou non pour l’esthétique précise du temps : beaucoup de lamés, de paillettes, clinquant des coquettes cocottes, costumes d’officiers. Au milieu des noceurs (même frelatée, la fête est toujours plus folle après les guerres), des hommes inquiétants en manteaux et imperméables : souvenirs de la Gestapo, allemande ou française, qui hantait ces lieux, traquant juifs, et résistants ou les mêmes, reconvertis maintenant à traquer les collabos et les femmes imprudentes compromises, promises à la proche épuration

La Traviata
Opéra-Théâtre d’Avignon
Dimanche 25 novembre, 14h30 ; mercredi 28 novembre, 20h30 ; samedi 1 décembre, 20h30

Direction musicale : Luciano Acocella.
Direction des chœurs : Aurore Marchand ; Etudes musicales : Hélène Blanic.
Mise en scène : Nadine Duffaut ; Assistant à la mise en scène : Jean-Philippe Corre.
Chorégraphie : Eric Belaud.
Décors : Emmanuelle Favre ; costumes : Gérard Audier ;
Lumières : Jacques Chatelet
Distribution :
Violetta : Patrizia Ciofi ; Flora : Letitia Singleton ; Annina : Ludivine Gombert ; la sœur d’Alfredo, rôle muet :  Loreline Mione ; Alfredo : Ismaël Jordi ; Germont : Marc Barrard ; Gaston : Raphaël Brémard ; Le Baron : Jean-Marie Delpas ; le Marquis : Christophe Gay ; le docteur : Luc Bertin-Hugault.

Photos :
1. Affiche du film ;
2. Photo Studio Delestrade de la première distribution avec Inva Mula) ;
3 et 4 : Photos de répétition avec Patrizia Ciofi.


dimanche, novembre 18, 2012

ANNONCE

JEUNES TALENTS À APPLAUDIR
On  ne saurait trop recommander  ce sympathique concert organisé par LYRIC OPÉRA de trois jeunes artistes talentueux, deux desquels on a pu déjà saluer ici même (voir La Chartreuse de Parme pour la soprano et l'Heure du thé pour le baryton, 

avril, 2012).


Anaïs Constans soprano (23 ans) est originaire de Montauban ; elle fait ses études au Conservatoire de Toulouse. 
Elle aborde la scène lyrique en 2009, au Théâtre de Castres, dans la Vie Parisienne d'Offenbach, sous la direction de Jean-Marc Andrieu. 
En juin 2011, elle obtient son diplôme en chant et une licence en musicologie au CRR de Toulouse et présente le Concours d'Entrée au CNIPAL où elle est Pensionnaire pour les saisons 2011-2013
. En février 2012 elle interprète le rôle d’une voix dans La Chartreuse de Parme d’Henri Sauguet à l’Opéra de Marseille (Mise en scène : Renée Auphan
En 2012, Anaïs Constans remporte le Prix du Public et le 3ème Prix Femme du Concours International de Chant de Toulouse, ainsi que le 1er Prix Catégorie Mélodie Française et le 2ème Prix Catégorie Opéra du Concours International de Chant de Marmande.

Ivan THIRION Baryton Né en 1990, à Berchem-St-Agathe (Belgique)
En 2007, il est admis au Conservatoire Royal de Bruxelles, En 2008, il fait ses débuts à l'Opéra Royal de Wallonie dans le rôle de Papageno (Die Zauberflöte de Mozart).
 En septembre 2012, il est invité au Festival International d’Orgue de Roquevaire, dans un programme d’Oratorio ; puis il  interprète Figaro  (Le Nozze di Figaro de Mozart) avec l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra National de Montpellier pour une tournée régionale en région Languedoc-Roussillon (Mise en scène : Jean-Paul Scarpitta ; Direction :  Sascha Goetzel

Deux très jeunes talents lyriques, pensionnaires du Cnipal pour une 2ème année  , déjà engagés dans une carrière très prometteuse

Ils sont accompagnés par UGO MAHIEUX originaire de Naples, pianiste talentueux qui collabore avec des artistes renommés, tels que R. Kabaiwanska, R. Bruson, R. Gimenez, L. Serra, N. Dessay, S. Valayre, I. Mula, A. Murray, C.Franklin, D. Oren. sur des scènes internationales
 Depuis septembre dernier, il est chef de chant au CNIPAL de Marseille.

AUTRE CONCERT : sur Beata musica voir dans ce blog concert du 11 jan. 2012
C o n c e rt


 Dimanche 9 décembre à 16h
  Eglise Saint-Giniez
19 Boulevard Emile Sicard 13008 Marseille
Métro : Rond-Point du Prado
     Célébrons Noël

  M. Praetorius, M.A Charpentier, J.S Bach, G. Gabrieli

Ensemble Vocal Beata mvsicA
André Rossi, orgue
Direction : Gilles Grimaldi

                  

TÉL : 06 32 94 65 40                      Libre participation aux frais
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