MARSEILLE CONCERTS
Orgue et hautbois
12 novembre 2012
Église des Réformés de Marseille
Console d’orgue et orgues
consolantes
À l’intérieur, l’église est si lumineusement restaurée qu’on croirait à un original médiéval flambant neuf qui a miraculeusement traversé les âges sans la noirceur du temps. Et là, face au chœur, comme un
insolite papillon géant par ses dimensions, pour l’envol de la musique, une aile courbe immense posée à même le transept, la nef transversale spacieuse, cet étrange vaisseau spatial : une console d’orgue descendue de ses hauteurs, mais électronique, avec voyants lumineux, cinq claviers, ponctués de constellations de boutons des tirants de jeux, une myriade de combinaisons sonores possibles, infini arc-en-ciel de couleurs, de nuances… De là, de ses doigts, avec la prestesse d’un prestidigitateur et dans un ballet virtuose des pieds sur les pédales, comme un navigateur à ses commandes, Luc Antonini, compositeur, organiste titulaire, gouverne la futaie métallique des tuyaux couronnés des pinacles gothiques des deux orgues anciens face à face sur leur haute tribune, plus un troisième latéral : la technique la plus sophistiquée du XX e siècle en complément des orgues historiques classés du XIXe, le premier et unique d’Europe doté d’une transmission électrique. Musique jouée silencieusement d’en bas, de la terre, mais retombant d’en haut comme une bienfaisante pluie musicale exauçant le jeu de l’interprète et les vœux du public, baignant une assistance béate d’émotion, sans qu’on distingue exactement d’où émane un son si célestement spatialisé, si enveloppant, consolateur. Effet prodigieux sans effectisme, toujours dans la pureté respectée de la musique, croisée d’ogive sonore entre les deux orgues face à face qui dialoguent dans la tradition antiphonale, avec les jeux d’écho, de réponse, d’appel du troisième, nappant d’un doux gazon le gazouillis serpentant du ruisseau du hautbois dans la prairie musicale.
À l’intérieur, l’église est si lumineusement restaurée qu’on croirait à un original médiéval flambant neuf qui a miraculeusement traversé les âges sans la noirceur du temps. Et là, face au chœur, comme un
insolite papillon géant par ses dimensions, pour l’envol de la musique, une aile courbe immense posée à même le transept, la nef transversale spacieuse, cet étrange vaisseau spatial : une console d’orgue descendue de ses hauteurs, mais électronique, avec voyants lumineux, cinq claviers, ponctués de constellations de boutons des tirants de jeux, une myriade de combinaisons sonores possibles, infini arc-en-ciel de couleurs, de nuances… De là, de ses doigts, avec la prestesse d’un prestidigitateur et dans un ballet virtuose des pieds sur les pédales, comme un navigateur à ses commandes, Luc Antonini, compositeur, organiste titulaire, gouverne la futaie métallique des tuyaux couronnés des pinacles gothiques des deux orgues anciens face à face sur leur haute tribune, plus un troisième latéral : la technique la plus sophistiquée du XX e siècle en complément des orgues historiques classés du XIXe, le premier et unique d’Europe doté d’une transmission électrique. Musique jouée silencieusement d’en bas, de la terre, mais retombant d’en haut comme une bienfaisante pluie musicale exauçant le jeu de l’interprète et les vœux du public, baignant une assistance béate d’émotion, sans qu’on distingue exactement d’où émane un son si célestement spatialisé, si enveloppant, consolateur. Effet prodigieux sans effectisme, toujours dans la pureté respectée de la musique, croisée d’ogive sonore entre les deux orgues face à face qui dialoguent dans la tradition antiphonale, avec les jeux d’écho, de réponse, d’appel du troisième, nappant d’un doux gazon le gazouillis serpentant du ruisseau du hautbois dans la prairie musicale.
En bas, dans le chœur, le modeste hautbois n’est pas affronté mais
confronté amoureusement à ce qu’on croirait démesure sonore des orgues
démultipliés. Entre ciel et terre, sur une console pain d’épice, adossé à une
colonne, un angelot baroque de miel, assis sur un nuage de marbre, se penche
dans un gracieux déhanché, pour ne rien perdre de la délicatesse des sons que Patrice
Barsey, professeur et soliste, tire
de son instrument : musique pour les anges, mais tellement humaine…
C’est d’abord la Sonate pour flûte et clavecin de Bach père et fils, Carl Philipp Emanuel Bach (BWV 1020/H 542. 5), sans que le programme dise la
part de chacun, adaptée par nos deux interprètes pour leur instrument
respectif. On est séduit, dans le premier mouvement, par le pépiement du
hautbois tout proche et, en haut, par le frais friselis de feuillage argenté de
l’orgue, un phrasé d’une finesse transparente de dentelle, un accord délicat
entre les deux instruments, qui déroulent volutes vaporeuses et nuageuses
vapeurs, se poursuivant, se répondant, échangeant les rôles, les hauteurs. Dans
l’adagio, couleur ambrée du
hautbois, douceur ombrée de l’orgue, jeux d’échos langoureux, d’une tendre
mélancolie. L’allegro final fait
voleter la voix sur un léger nappage de l’onde de l’orgue et l’on s’émerveille
de l’équilibre entre ce fétu soufflé et cette masse à la soufflerie géante mais
jamais écrasante.
La Gigue KV 574
pour orgue nous rappelle qu’aucun instrument ne fut jamais étranger à
Mozart dont l’Adagio KV 580 pour
cor « anglé » dit anglais, et cordes, adapté encore par Barsey et
Antonini, nous berça du souvenir de la douceur de l’Ave verum dont il fut l’esquisse : longs déroulements et
enroulements au souffle qui semble inépuisable de l’interprète dans les nuages
impalpables de l’orgue.
Trop peu joué bien qu’il ait beaucoup composé, Félix-Alexandre
Guilmant (1837 – 1911), organiste ami de Cavaillé-Coll, fut assurément une
découverte. Son Prélude, thème, variations et final, op. 24 pour orgue impressionne par sa fracassante
entrée, sa splendeur sonore, une montée en puissance où l’on sent le bonheur
d’Antonini de manier cette riche palette. Le thème varié subtilement donne des
effets délicieux de stéréophonie des deux orgues affrontés. Le final est éclatant,
grandiose, chatoyant, rutilant de couleurs : un soleil éclatant à travers
un vitrail ou sonore « explosion dans une
cathédrale » comme le tableau de Monsú Desiderio. Sa Cantilène pastorale, op. 15 est d’une simple beauté digne de Mozart,
lumineuse, sereine, un pastel délicat où le hautbois semble
étinceler quand l’orgue scintille, le drape de lumière, interrogeant ou répondant
dans un étagement doux en canon, des échos pleins de tendresse.
La Sonate pour hautbois et piano de Poulenc n’a que le Scherzo central de vif, sinon gai, précédé d’une nostalgique
Élégie et suivi d’une Déploration aux vagues réminiscences modales, de lointaines et
brumeuses cadences plagales, d’une saveur médiévale faite aux festons et
dentelles gothiques mais pleine d’une déchirante et pudique douleur, vibrato contenu comme
une émotion trop forte.
Astor Piazzola, dont on commémore le vingtième anniversaire de la
mort, est à la mode : les disques et concerts se succèdent, mêlant son tango
nuevo à la musique baroque en
général, à Monteverdi… Mais cet élève de Nadia Boulanger, qui lui conseilla de
revisiter le patrimoine populaire argentin, était un grand compositeur. Les
deux compères nous en démontrèrent la preuve en adaptant à leur mesure et
instrument le fameux Oblivion et Libertango, l’orgue déployant ses ailes, son vol tel un vaste
bandonéon et le hautbois ajoutant la nostalgie boisée de sa voix déchirante.
Les interprètes, heureux, offrirent ces deux pièces en bis à un
public comblé.
La prochaine soirée de Marseille concerts, le 4 décembre, présentera
le célèbre Jordi Savall et son
ensemble Hesperion XX à la Criée, 20 heures pour ISTANBUL, un
spectacle qui harmoniserales deux pôles extrêmes de la Méditerranée.
Marseille concerts : 06 31 90 54 85 ; info@marseilleconcerts.com
Photos Marseille concerts sauf 1
1. Église des Réformés ;
2. La console électronique;
3. Luc Antonini aux commandes, assisté de Jean-Robert Caïn;
4. Un angelot attentif à Patrice Barsey;
5. Les saluts.
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