GROUPE COMPAY SEGUNDO
Marseille, Espace Julien
2 novembre 2010
Compay Segundo
Compay Segundo, n’aura pas été un météore de la musique populaire cubaine. De son vrai nom, Máximo Francisco Repilado Muñoz, de père andalou installé récemment dans la Cuba à peine indépendante de l’Espagne (1898), il naît en 1907 à Siboney, ville du nom d’anciens indiens autochtones de Cuba, immortalisée par la célèbre habanera tirée d’une zarzuela de Lecuona, près de Santiago de Cuba au riche folklore dont il sera le chantre, et meurt le14 juillet 2003, à 96 ans. Longévité autant vitale que virile et artistique, dont il donnait avec son humour cubain la recette : « Rhum, cigare et femmes », ce que l’on aurait traduit autrefois ici en chanson, si on veut bien le croire : « Cigarettes, whisky et p’tites pépées ».
Faussement retiré en 1970, en 1997, avec la sortie de l'album Buena Vista Social Club produit par le guitariste Ry Cooder et le film documentaire de Wim Wenders en 1999, il fait son entrée dans la scène du monde. Quatre années de tournées et de gloire internationale pour Compay et son groupe et, avec surprise et ravissement, on découvre la verdeur et la vitalité rythmique revigorantes de ce nonagénaire et de ses musiciens presque tous contemporains. C’est tout un pan du patrimoine musical cubain traditionnel qu’ils remettent d’actualité avec une évidence fulgurante et en font un répertoire désormais universel.
Groupe Compay Segundo
Compay mort, ou plutôt, simplement décédé, son groupe continue et continue à la faire vivre et devient le dépositaire et légataire de cette prodigieuse musique populaire cubaine de sa province natale On y retrouve ses fils Salvador Repilado (contrebasse), Basilio Repilado, claves et chant, Hugo Garzón (chanteur, animateur) et quelques rares musiciens encore du « Buena Vista Social Club », dont la moyenne d’âge a forcément nécessité un renouvellement. Mais le répertoire reste toujours aussi juvénile et vif. Et, dans cet Espace Julien, où Compay en personne joua dix ans plus tôt, un public de tous âges se presse, applaudit, chante, et se lève pour danser ou danse sur son fauteuil, possédé de l’irrésistible rythmique cubaine contagieuse.
D’entrée, c’est une chanson en hommage à Compay et la soirée sera scandée par d’autres avec le génie improvisateur cubain glissant, dans n’importe quelle chanson, sans solution du rythme, un écho rythmique, « Ay, Compay ! », que la salle elle-même sera invitée à chanter.
À part deux boléros fameux, Dos gardenias et Perfidia, on retrouve quelques succès du célèbre disque. Il n’est pas sûr que, sauf quelques hispanophones, la salle comprenne la saveur, les jeux de mots coquins, les chutes des quatrains si humoristiques de Sabroso, de cet Aguador, porteur d’eau à double sens et sang, prêt à éteindre l’incendie de dames isolées à leur cinquième étage, de l’irrésistible Ternera. Une chanteuse (souvenir d’Omara Portuondo ?) interprétera deux chansons, un Cubain de Marseille, saxophoniste, sera invité à jouer avec le groupe, ainsi qu’un guitariste italien. Basilio, donnera l’envoûtant Saludo a Chango, salut à l’un orishas, divinités du panthéon de la santería, religion syncrétique, mélange de croyances africaines et catholiques, avatar yoruba de Sainte Barbe et de Jupiter. Mais l’essentiel ce seront ces Viejos sones de Santiago, la musique originaire de la région d’Oriente, de Santiago, dont Compay devint compositeur, et interprète fêté, le son montuno mis en faveur par le Trío matamoros.
Le son
Dérivé diminutif à tiroir du danzón (dérivé de la danza venue de la contradanza, la contredanse française, elle même dérivée de la country dance anglaise !), le son est un cocktail d’influences diverses, hispanique et africaine, miracle du syncrétisme cubain : chant antiphonal où alterne chanteur et groupe, le chœur lançant un bref refrain ou un simple mot et le soliste improvise un couplet sans rapport forcément avec ce qui a précédé. L’accompagnement de base originaire était sommaire mais efficace, des percussions : bongo, congas, claves (deux petits bâtons de bois), maracas, et, surtout ce tres, cette petite guitare jouée avec un plectre, de trois paires de doubles cordes métalliques, qui deviendra l’armónico avec une corde en plus, inventé par Compay. Ici, le vétéran du groupe en est un virtuose qui se lance dans de vertigineuses improvisations où, mélodie, évanouie, tout n’est plus que rythme. Mais, contrebasse, vents et guitares apportent ici une autre densité.
Réclamé à cri par la salle, en bis, on aura Chan chan, naturellement scandé en cœur par tous avec « ay, Compay ! ». C’est chaleureux et bon enfant, La Havane à Marseille (que certains cherchent à jumeler, voir lien ci-dessus), comme un jumelage évident du cœur, de la couleur.
Photos Yves Bergé.
1. Le groupe ;
2. Le virtuose du tres.
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