vendredi, septembre 05, 2008

FESTIVAL DURANCE-LUBERON

XI e Festival Durance-Luberon
Chapelle des Oblats,
Aix-en-Provence,
dimanche 24 août,
Le Petit Livre d’Anna Magdalena Bach
par
l’Ensemble Anna Magdalena Bach

Trois dames de la nuit

Alors que l’été en est au crépuscule, les derniers festivals s’éteignent lentement, et celui des Pays d’Aix et de Durance-Luberon, entre eau coulante et riantes collines, qui a porté avec éclat les feux de la musique du 14 au 24 août sous le ciel nocturne, s’achève en beauté dans la pénombre intime sous la voûte de la Chapelle baroque des Oblats de la Cité du Roi René, à deux pas de sa statue.
Coupole ovoïde comme celle de la Vieille Charité de Marseille, pilastres corinthiens à base cannelée, statues à la pierre animée : saint Jean l’Évangéliste, saint Jean de la Croix, saint Roch, saint Charles Borromée (qui théorisa le modèle de l’église baroque), aux flottantes draperies de pierre, aux quatre coins du centre du transept, semblent sortir de leurs niches, aux consoles aussi corinthiennes, pour se pencher sur cette musique du ciel qui vient éclairer la terre. Il y a également, sur une porte, la Madeleine et l’on pense également à sainte Anne dont on combina un prénom pour Anna Magdalena Bach, bannière et nom de l’Ensemble, ce superbe trio féminin ainsi baptisé : Raphaële Kennedy, soprano, Sylvie Moquet, viole de gambe et Natalia Cherachova, clavecin, clavicorde et direction.
Deux tabourets, deux petites tables avec des bougeoirs pour ces trois dames de la nuit lorsque, lumière éteinte, seule la poussière lumineuse du clavicorde illuminera de grâce évanescente, telle une rêveuse auréole sur la tête d’un saint, une obscurité adoucie ensuite par la flamme hésitante des bougies, tremblante, comme s’excusant de troubler d’indécise lueur les tendres ténèbres lumineuses de la musique : Jean-Sébastien aimait bercer la nuit du scintillement irisé d’étoiles de son instrument de prédilection.
C’est presque l’image sonore de ce concert tout de délicatesse et charme simple. Tour à tour, sans afféterie, la voix flûtée de Raphaële Kennedy, qui parle suavement comme elle chante, et le miel doré de celle de Sylvie Moquet, au legato aussi boisé que son coup d’archet, donnent des jalons heureux et douloureux de la vie de Bach, de cette jeune femme chanteuse, musicienne et mère de famille nombreuse et si endeuillée, collaboratrice de son époux, qui copie en sage écolière, sur son petit cahier, des morceaux vocaux ou instrumentaux qu’il écrit pour elle, ou des compositions d’autres musiciens qu’elle aime.
C’est tout cet ensemble qui forme le programme, riche, varié, d’un raffinement simple : les airs chantés, Raphaële Kennedy les déroule sans effet, avec un charme touchant même dans leurs enrubannements de vocalises ; Natalia Cherachova fait ruisseler un clavecin d’argent fougueux ou majestueux tandis que Sylvie Moquet, qu’on aurait aimé entendre en soliste mais que le respect du Petit Cahier confine à la basse, lui donne toute sa noblesse et sa pudique retenue.
Moments privilégiés et mêmes naïfs : ces trois dames simples nous font vivre les moments d’une famille Bach qui vivait de l’art et avait fait de l’art un art de vivre Et, elles, de le faire vivre en donnant humblement de la vie à l’art.

Photos Bertrand Périsson :
1. Sylvie Moquet, Natalia Cherachova, Raphaële Kennedy ;
2. Raphaële Kennedy , Sylvie Moquet, Natalia Cherachova.











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