lundi, novembre 13, 2006

AIRS D'OPÉRA DE HÆNDEL, théâtre Gyptis

AIRS D’OPÉRAS DE HÆNDEL
Théâtre Gyptis

Un bonheur ne venant jamais seul, près son récital de Villanelles (voir ci-dessous), nous retrouvions le lendemain Alain Aubin en compagnie d’Isabelle Bonnadier, soprano, pour des arias tirées de Gulio Cesare (1723) et Tolomeo (1728) avec le même Ensemble Baroque graffiti, mais élargi à Sharman Plesner, violon et Jean-Christophe Deleforge, "violone", Jean-Paul Serra, tenant toujours le clavecin et l’orgue et assurant une précise et facétieuse direction musicale, nous régalant des « sinfonie » de l’œuvre. Max Minitti projetait encore ici ses lumières changeantes sur un vaste écran.
Isabelle Bonnadier, Marseillaise, n’est pas une inconnue chez nous si, nul n’étant prophète en son ingrat pays, d’autres lieux ont la chance de la voir plus souvent que Marseille. Mais, de la Chapelle Sainte-Catherine à la Magalone en passant par ce même Gyptis où elle fut une ingénue et perverse Drusilla dans Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, on a pu la suivre et l’entendre dans un répertoire qui va du Moyen-Âge au XX e siècle, de l’opéra baroque au cabaret littéraire, son charme, sa présence souriante et son talent de comédienne en faisant une actrice de choix de spectacles dramatiques. Parmi ses disques, où sa grâce naïve et sa fraîcheur font merveille et sens, j’ai un faible pour Un oiseau chante, mélodies du XX e siècle pour flûte et voix, (flûtiste Arnaud Caumeil) ; les savoureux Chants d’Auvergne, de Canteloube (Festival de La Chaise-Dieu, Orchestre d'Auvergne dirigé par Arie Van Beek), et le tout dernier, …à la folie, « Fêlures, vertiges et autres fredaines... » où Isabelle, baissant son soprano léger, se fait intimiste interprète de chansons très littéraires, de grands auteurs et compositeurs…dont elle-même.
Ce soir, arraché aux intrigues compliquée de ses livrets, l’opéra était livré à la fantaisie complexe mais bon enfant d’un concert animé sinon dessin animé : arrivée de ces jeunes artistes en jeans et chemise blanche, arborant un volume de la bande dessinée fameuse de Tintin, Les Cigares du Pharaon : l’Égypte telle que l’aurait peut-être rêvée le pas si austère Hændel. L’opéra, arraché à ses fastes et ses pompes souvent pompier et pompantes, trouvait une plaisante réalisation et déréalisation dans la lecture de quelques bulles du Tintin, sombre histoire de malédiction pharaonique, de papyrus perdu, finalement pas très loin du mélodrame de Cléopâtre, de son Jules, César, et de son ignoble frère –et époux- Ptolémée. On a la surprise joyeuse de Serra en affreux Rastapopoulos et en Tintin à la houppe, la violoniste virtuose en Milou jacassant et jappant, l’ingambe gambiste en divers personnages, le clavecin en sarcophage et nos deux chanteurs, en héros vocalisant les airs vertigineux de la partition, tendres ou pathétiques selon les affects baroques exprimés : on s’émeut au duo «Ah, sempre piangeró » sur le pleur du continuo, l’orgue auréolant la plainte déchirante du violon soutenue du gémissement grave du « violone » ; les invocations au ciel et les imprécations de Cléopâtre sont exprimées par Isabelle plus dans la douceur que dans la violence mais l’air de fureur vindicative de Sesto est sans doute un peu forcé pour sa nature tendre, même si l’actrice compense par le jeu la légèreté de sa voix pour cet emploi plus lourd. Alain Aubin manifeste sa maîtrise technique dans la tenue de souffle, la vélocité, la « messa di voce », enflant et diminuant le son, et ses qualités d’acteur dans un récitatif mélodramatique joué de Tolomeo, suivi d’une sublime déploration.
Cependant, faut-il l’imputer au malheureux écran de tissu derrière les chanteurs, buvardant les harmoniques, à la manie actuelle, juste scéniquement mais malheureuse vocalement, de « latéraliser » les chanteurs, au lieu de les faire chanter frontalement ?, on eut la sensation de pertes de son et même de gêne. Un autre type de salle et de dispositif, et du temps, si nécessaire aux artistes par les temps qui courent, devrait permettre de fignoler ce spectacle qui remporta un juste et vif succès et qui mériterait de tourner.

10 novembre 2006

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