mercredi, avril 04, 2012

L'HEURE DU THÉ


L’HEURE DU THÉ DU CNIPAL
16 mars 2012

On ne manque qu’à regret le rendez-vous mensuel que nous donne le CNIPAL le jeudi et le vendredi, cette délicieuse Heure du thé. Aussi a-t-on couru pour ne pas rater celui-ci.
Le CNIPAL, c’est le Centre National d’Insertion Professionnelle d’Artistes Lyriques. Ces artistes, jeunes, venus du monde entier, sélectionnés rigoureusement, y font généralement un stage de dix mois pour s’y perfectionner dans la rude école du chant.
Dernièrement, c’est par trois que la direction du CNIPAL nous présente les stagiaires qui nous offrent, avec leur récital, l’éventail de leurs possibilités. Trois garçons cette fois, le Coréen Dae Gweon Choï, ténor, la basse géorgienne, Kakhaber Shavidsé qui, en réalité, entouraient surtout le Belge Ivan Thirion, jeune baryton de vingt et un ans, qui se taillait la part du lion.
De Kakhaber Shavidsé, admis à refaire une année au CNIPAL pour continuer à travailler, on a déjà dit ici les mérites, les progrès : il a poli en une année un matériau vocal riche mais un peu brut, arrondi les angles d’un timbre un peu trop acéré. Cependant, défaut des qualités de cette grande voix, le jeune chanteur semble victime de son aisance, de sa facilité à donner du volume, à montrer sa puissance. Grisé par le son, il malmène parfois la justesse comme dans le récit de l’air de Procida des Vêpres siciliennes de Verdi, un peu bas, menacé du vibrato excessif des généreuses voix slaves ; grisé par son souffle, il manque de douceur et des tout légers et rêveurs ports de voix montants que voudrait la grâce de Bellini dans « Vi ravviso, o luoghi ameni… » de la Sonnambula, certes, non écrits mais que toute cette musique appelle comme une ponctuation et respiration sans lesquelles les sauts de la voix sont secs et, ici, tranchants. On le retrouve, dramatique et émouvant dans la déploration au vieux manteau de Colline, « Vecchia zimarra, senti… »
Le ténor Dae Gweon Choï a un bel engagement, de la vivacité et donne joliment lé réplique dans les deux duos avec le baryton, l’un tiré du premier acte de La Bohème, l’autre de la rare Rita de Donizetti. Il est brillant et agile dans l’air, rare aussi, d’Oronte de I lombardi, de Verdi. Le médium est large, la couleur belle, timbre un peu fruité mais avec un halo peut-être passager dans le grave et les aigus se déploieront sans doute aisément. Malgré un tempo un peu rapide pour la mélancolie de cette plainte ou complainte fameuse, « Una furtiva lagrima… » de Nemorino de l’Elisir d’amore de Donizetti, il réussit à être touchant.

Mais ces deux comparses n’étaient apparemment là que pour entourer un peu le baryton Ivan Thirion sur qui, visiblement, et à juste titre, le CNIPAL mise beaucoup. Une première partie à lui tout seul puis un air et deux duos avec le ténor dans la seconde partie. De quoi emporter d’enthousiasme la salle. Il déploie la même aisance dans le baroque Händel et ses longues et larges vocalises bien perlées que dans un air de fureur brillant d’Alexander’s feast que dans l’intériorité dans le Paulus de Mendelssohn ou la méditation douloureuse et rageuse du Figaro des Noces. Tout aussi exact vocalement et stylistiquement dans les six autres airs d’opéras divers. La voix est généreuse, égale du beau grave à l’aigu éclatant, le timbre charnu, chaud. Superbes et précieuses qualités que ce tout jeune chanteur doit conserver et raffiner tout en travaillant sa présentation scénique.

Photos :
1. Kakhaber Shavidsé ;
2.  Dae Gweon Choï;
3.  Ivan Thirion.


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