mardi, novembre 30, 2010

L'Heure du thé

L’HEURE DU THÉ
Foyer de l’Opéra de Marseille
19 novembre 2010
Plus que le Beaujolais nouveau, en cette saison, c’est toujours la nouvelle cuvée du CNIPAL, vendangée lors d’auditions serrées, que les amateurs de lyrique de Marseille, qui a la chance –hélas, fragile actuellement- d’abriter ce Centre National d’Insertion d’Artistes Lyriques, attendent avec impatience. Premières gorgées dégustées avec délectation de ces quatre jeunes chanteurs, promotion ayant pour marraine Béatrice-Uria Monzón (ancienne du CNIPAL), trois nouveaux et un ancien.
L’ancien, mais jeune, déjà connu l’an dernier, s’est bonifié, a bien mûri : Philippe-Nicolas Martin, s’est affirmé non seulement vocalement mais scéniquement. Le timbre est clair, au grain raffiné, dans une tradition de baryton français, la voix égale dans ses registres, et l’aigu a gagné en éclat et fermeté. Il campe un Schaunard de La Bohème plein d’aisance et de légère ironie. Il sert bien le texte du récit de Griaznoï de La Fiancée du Tsar de Rimsky-Korsakov, et manifeste avec vraisemblance l’héroïsme de l’aria. Mais, dans l’air d’Eugène Onéguine, avec quelque chose de glacé et un regard fiévreux, il incarne avec élégance le dandy fat et cruel face à Tatiana.
Jennifer Michel, a un beau soprano coloratur, dont on sent qu’il gagnera vers le lyrique car le médium semble solide, agile et puissant dans l’aigu, au joli vibrato. Elle est une Norina ironique et piquante dans Don Pasquale de Donizetti, une Adina de l’Elisir d’Amore laissant percer son désarroi amoureux et une sensible Lauretta de Gianni Schicchi, aux moyens plus corsés. Elle est tout aussi en place dans le répertoire russe, touchante Yolanta de Tchaïkovsky et offre un air  d’abord nostalgique puis  jubilant, euphorisant, tintannibulant de « cocottes » de Moussorgsky : bel éventail vocal et scénique.
Hélène Delalande, mezzo satiné, semble chez elle en scène : élégante allure, sourire éclatant et longs cheveux. Vouée justement par sa tessiture et silhouette aux travestis lyriques, elle est un Orsini de Lucrezia Borgia de Donizetti qui n’abdique heureusement pas sa féminité, puisque l’air, joyeux, lui autorise un humour décalé sans avoir à singer une virilité balourde. L’air d’Olga d’Eugene Oneguine, sorte de Dorabella russe, dont la coquetterie sera tragique, elle le sert avec un naturel prometteur, longue liane primesautière au timbre qui sait se velouter d’une sensualité encore en attente –ou en embuscade. Beaucoup d’abattage et d’agilité allègre dans la liesse de Gopak de Moussorgski, où le piano joue les bottes trépidantes et piétinantes de la danse populaire russe. Les deux chanteuses nous offraient, le touchant et nostalgique duo des deux sœurs d’Eugene Oneguine.

Le nouveau venu est un baryton Péruvien, Rudi Fernández, timbre chaud, voluptueux, voix ample, puissante, colorée. À ces dons vocaux, il joint une sensibilité manifeste et un sens du texte, dramatique ou comique, qui font merveille : ligne impeccable pour Bellini (Riccardo des Puritains), humour et brio pour Dulcamara (sorte de Figaro face à une Adina/Rosina) de Donizetti,  générosité vocale, véhémence bien tenue pour Franck de l’Edgar de Puccini, ardent, vibrant d’aigus superbes dans l’air du Robert de Yolanta.
Au piano, Nino Pavlenichvili eut une ovation bien méritée.

 PHOTOS : 
1. Philippe-Nicolas Martin;
2. Jennifer Michel ;
3. Hélène delalande;
4. Rudi Fernández.

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