mardi, juin 17, 2008

Les Saltimbanques

LES SALTINBAMQUES
de Louis Ganne, livret de Maurice Ordonneau

Marseille, Théâtre de l’Œuvre

1 er juin

Contexte
Marseille est cette vieille ville au sens dramatique grec et latin inné qui, pour quelque 800 000 habitants, compte plus d’une cinquantaine de théâtres, des cinq grands à la constellation décroissante des moyens jusqu’aux petits, même si la municipalité, réduction ou suppression de subventions oblige, n’en admet qu’une trentaine, au moment paradoxal où elle prétend au titre de future « Capitale culturelle»… Contre vents et marées, des passionnés de théâtre, professionnels ou contraints par la dureté pécuniaire des temps au statut d’amateurs, y maintiennent leur vocation, leur foi, sacrifiant beaucoup de leur temps et souvent de leurs finances, à créer, à jouer, à chanter.
Ainsi, trois petits théâtres (qui conservent un fond impressionnant de décors naïfs en toiles peintes d’autrefois dignes pour certaines d’un musée des traditions populaires) accueillent tous les dimanches des amateurs qui y chantent variétés et opérettes, un répertoire qui a le charme des souvenirs presque effacés, sinon pour un public souvent âgé qui redoute de le voir disparaître avec lui. La salle Nau y perpétue la fameuse Pastorale Maurel, la plus célèbre, en provençal, qui fut créée dans ses murs en 1844 ; la salle Mazenod, fait aussi le plein ainsi qie le Théâtre de l’Œuvre , avec minuscules loges et balustrade de plafond à l’italienne.
Ce dernier recevait la Troupe lyrique Sull’aria, composée de quatre bons chanteurs, élargie sur audition et selon les œuvres à d’autres, qui s’est vouée à porter des spectacles lyriques maison dans des lieux démunis et pour des occasions festives diverses, accompagnées au piano, dont une opérette en français par an. Elle présente, en ce dimanche, à une heure commode de la journée pour le retour paisible chez soi, Les Saltimbanques (1899) de Louis Ganne (1862-1923).

Texte et musique
Il n’y a pas grand chose à dire du texte, fade version bourgeoise de l’enfant noble perdu et retrouvé chez des saltimbanques, empêchant puis facilitant le mariage, accommodement hypocrite de la lutte des classes, et non subversion des codes de la bourgeoisie comme chez Offenbach. De Louis Ganne, élève de Massenet et de Franck, qui n’est pas un indigne musicien, on a presque tout oublié de la grande production, sauf la fameuse Marche Lorraine et le Père de la Victoire de la Grande Guerre, et la valse « C’est l’amour… » de cette opérette qui a l’avantage de permettre à cette pétaradante troupe ensembles et solos où chacun peut s’exprimer à son tour avec une évidente bonne humeur communicative.

Interprétation
La mise en scène de Vince Castello, gentiment à l’aise avec le sextuor de tête, peine avec le chœur nombreux sur la petite scène, d’où viennent quelques décalages avec le piano de l’excellent Frédéric Isoletta qui maintient malgré tout la cohésion musicale. Les costumes de Nicole Bruneton jouent le kitsch avec humour et cocasserie, notamment avec l’hercule aérobic apparemment gonflé à l’air comprimé du guère déprimant Pierre-Emmanuel Clair, solide baryton et joyeux comédien. Christian Dragon a la grande gueule de bravache à cravache et la faconde de Malicorne, Saïda Boucharoui la ronde silhouette de sa femme, Armande Lovera l’abattage charnu de Marion ; Michel Tortel, Paillasse, est exact vocalement et scéniquement. En couple de jeunes premiers, André et Suzon, Michel Touahri, baryton léger, tout en finesse, excelle en nuances vocales et Catherine Bocci, au joli vibrato perlé, joue aussi des demi-teintes dans une harmonieuse compréhension du style intimiste de l’opérette. Le reste campe avec un plaisir communicatif des personnages comiques (le Baron) ou sérieux (Comte, aubergiste, soldats, etc.)
En se rôdant un peu, le spectacle réussira l’objectif de la troupe.

Photos Gilbert :
1. André et Suzon ;
2. L'Aubergiste, Paillasse, Suzon, Pingouin, Marion ;
3. Malicorne, Pingouin, Paillasse et ces dames.

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