vendredi, janvier 26, 2007

HEURE DU THÉ, janv 07, Opéra de Marseille


HEURE DU THÉ
Opéra de Marseille, janvier 2007

En cette année nouvelle, nous revoilà fidèles au rendez-vous mensuel de cette délicieuse Heure du thé offerte gracieusement en amical rituel par le CNIPAL, le Centre National d’Insertion Professionnelle d’Artistes Lyriques, sis à Marseille, efficacement et chaleureusement préparée et servie par toute la sympathique équipe autour de Gérard Founeau, qui joue toujours aussi agréablement et simplement les présentateurs.
Faut-il le redire ? Ces jeunes chanteurs, triés sur le volet, ont déjà, souvent, une carrière bien amorcée, et sont souvent lauréats de prix importants d’art lyrique. Ils viennent donc au CNIPAL consolider, perfectionner une technique, affiner l’interprétation, élargir l’éventail de leur répertoire. En somme, le plupart du temps, les remarques, plus que critiques, qu’on peut leur faire tiennent donc à des nuances, à des détails, souvent dus à l’émotion, qu’on ne peut négliger, de se trouver face à un vaste public dans une salle éclairée, à portée de main, chaleureux mais pas forcément facile ni complaisant.
Quatre jeunes artistes au programme, déjà entendus en décembre, mais dans des ensembles ou des soli de l’opérette américaine, ici confrontés dans des airs du répertoire lyrique, mais ouvert largement sur des œuvres peu, mal ou pas assez connues, même d’illustres compositeurs. Par ailleurs, les jeunes chanteurs, venus d’horizons mondiaux divers pour certains, se sont exprimés dans des mélodies de leur pays, chères à leur cœur, nous faisant voyager musicalement et affectivement.
La première, Li Chin Huang, venue de Taïwan, en robe bleu Nil striée de vague écume, se lance vaillamment dans un air de la Cléopâtre du Giulio Cesare de Hændel enguirlandé de vocalises jubilantes, offrant un da capo exalté, aussi bien installée dans le style baroque que dans le personnage, affirmant du caractère ici, de l’émotion dans le duo de Rodelinda. En robe rouge passion, dans l’air du poison de l’héroïne du Roméo et Juliette de Gounod, son sens dramatique intense se déploie encore puis, de sa joyeuse mélodie chinoise anonyme, Née pour chanter, elle fait une véritable carte d’identité artistique de vivant et vif rossignol. La voix est agile, aisée, le timbre riche, fruité, sans aspérités dans l’aigu. De la pleine voix timbrée, elle passe à des trilles, des piani virtuoses mais si feutrés au deuxième rang qu’on peut craindre pour la projection au fond de la salle.
Son partenaire suisse du duo de Rodelinda, Étienne Hersperger, dominé le trac, sensible à ses mains, fait montre d’une belle maîtrise de la noblesse de la ligne hændélienne, des vocalises pleines, héroïques, servies par la largeur de sa voix de baryton puis, dans ce duo, sans afféterie, avec un beau naturel, il est touchant, aussi sensible que sa partenaire, faisant tous deux passer la grâce et l’intensité des affects baroques. En deuxième partie, on le découvre délicat et malicieux diseur dans la fable La Cigale et la fourmi de La Fontaine, dont Offenbach fait une véritable scène de théâtre musical, détaillant mots et intentions, avec une sorte d’humour naïf et rude très efficace. Les mêmes qualités de diction impeccable, au service d’un texte encore cocasse, se retrouvent dans la sorte d’air de catalogue du Roi Pausole du presque Suisse Honegger, où sa verve directe fait merveille.
Deux voix de ténor, mais aux qualités et emplois différents illustrèrent et nuancèrent cet emploi lyrique. Manuel Núñez Camelino, Argentin, fin et élégant, plus que plonger, semble baigner dans la musique de Bellini, auréolé de grâce mélancolique dans le récitatif accompagné, arioso indéfini, du rarissime Bianca e Fernando : soutien de la ligne, expressivité du phrasé puis dramatisme de l’air héroïque de vengeance, aux terribles aigus qu’il projette avec une vaillance généreuse, mais dangereuse peut-être. Puis c’est encore un air de bravoure, de La Fille du régiment de Donizetti, une exaltation de la vie militaire, heureusement sur le paisible champ de bataille de la scène, hérissé d’une enfilade de suraigus hallucinants, à l’issue desquels la salle lui décernerait sans doute une décoration. Dans un registre plus intime, et plus grave de la voix, il nous régala de deux mélodies argentines de Guastavino, rêveuse et nostalgique l’une, dansante l’autre, où il privilégie le legato vocalique plus que le staccato consonantique de la danse.
On est heureux d’entendre enfin l’autre ténor, Marc Larcher, affligé d’une légère méforme la dernière fois, une laryngite, heureusement passagère. D’emblée, dans un air de l’Elisir d’amore de Donizetti, il impose la franchise de son émission, son timbre lumineux, perlé, avantageant les couleurs de tête, doté d’un volume généreux. Après l’amoureux naïf, Nemorino, c’est encore un amoureux plein de charme, tendre et doux, d’une aimable séduction qu’il incarne avec une aisance naturelle, un enthousiasme contagieux, dans la sérénade à couplets d’Henry de La Jolie fille de Perth de Bizet. Mais il faut reconnaître qu’il est irrésistible d’allégresse joyeuse et dynamique, d’appétit sensuel, dans l’air de Pâris de La Belle Hélène d’Offenbach, où il lance les fameux « évohé ! » avec des aigus percutants, d’une netteté ciselée mais non acérée, d’une grande pureté.
Au piano, attentive et pénétrée, Nina Uhari se moule dans tous les styles, mais dans les deux vignettes argentines, où le piano est lui-même et non plus une réduction orchestrale, elle dialogue en douceur, prolonge en poésie et mélancolie la première, et danse joyeusement dans la seconde.

Photo M@rceau, Les saluts : de gauche à droite, N. Huari, L. Ching Huang, M. Larcher, E. Hersperger, M. Núñez Camelino

18 janvier 2007

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