mercredi, octobre 31, 2018
mardi, octobre 30, 2018
UN COMTE PAS TRÈS À LA NOCE
LE NOZZE DI FIGARO
Opéra-bouffe en quatre actes
Livret
de Lorenzo da Ponte
d’après Le Mariage de Figaro de
Beaumarchais
musique
de Wolfgang Amadeus Mozart
L’ŒUVRE : Le Roman de la famille Almaviva
Le
nozze di Figaro, ‘Les noces de Figaro’ de Mozart, opéra
bouffe créé à Vienne en 1786, est avec Don Giovanni (1787)
et Cosí fan tutte (1790), l’un des trois chefs-d’œuvre que le
compositeur signe avec la collaboration du génial Lorenzo da Ponte pour le
livret, poète officiel de la cour de Vienne. Il s’inspire de La
Folle Journée, ou le Mariage de Figaro (1785), volet central de la
trilogie théâtrale de Beaumarchais, Le Roman de la famille Almaviva,
qui comprend Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile,
1775, ce Mariage de Figaro donc et L'Autre
Tartuffe ou la Mère coupable, 1792, en pleine
Révolution française, située à Paris.
Dans ce Mariage de Figaro, on retrouve les mêmes personnages que
dans le Barbier de Séville : pour les secondaires, don
Basile, le professeur de musique intrigant et vénal, pour les principaux, le
Comte Almaviva, grand seigneur andalou qui, grâce à l’ingéniosité du barbier
Figaro, a enlevé puis épousé la pupille de Bartolo, Rosine devenue la Comtesse
délaissée du Mariage de Figaro. Ce dernier, encore héros en titre, devenu
valet de chambre du Comte, va épouser le jour même Suzanne, nouveau personnage,
camérière et confidente de la triste Comtesse, et l’on trouve la vieille
Marceline, obstacle à ces noces car elle prétend épouser Figaro sur la promesse
de mariage qu’il lui a faite contre un prêt d’argent qu’il ne peut rembourser.
Enfin, un autre personnage essentiel à l’intrigue paraît, Chérubin, un jeune
page turbulent et amoureux qui sème involontairement le trouble sur son
passage.
Pièce
prérévolutionnaire
Écrite dès 1781, la pièce de Beaumarchais n’est créée que trois ans plus
tard, mais censurée pendant des années. Car c’est bien une pièce
prérévolutionnaire, dont les répliques contondantes font mouches, comme le
féminisme de Marceline, insurgée contre la dépendance des femmes
qui ne pouvaient même pas administrer leur fortune, et s’indigne :
« Traitées
en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! »
Si,
dans le Barbier, Figaro avait deux sentences d’une spirituelle
impertinence contre les nobles : « un grand nous fait assez de
bien quand il ne nous fait pas de mal » et déclare impunément au
Comte : « Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre
Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être
valets ? », dans le Mariage, on trouve la fameuse
phrase de Figaro devenue la devise du journal éponyme, de même nom :
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. »
Il y a, surtout, dans le second volet du triptyque, la révolte argumentée du
valet Figaro, parfait et loyal serviteur du Comte, qu’il aida à séduire et
enlever Rosine. Mais Suzanne lui découvre que son maître ingrat le trahit, veut
rétablir le « droit de cuissage » qu’il avait aboli, droit du
seigneur de posséder avant lui la fiancée de son serviteur, prétend coucher
avec celle qu’il doit épouser le jour même. Car, tout comme Le
Barbier de Séville précédent, c'est aussi une comédie à l’espagnole avec
des parallélismes entre les maîtres et les valets, mais ces derniers deviennent
aussi premiers, les valets disputent la première place aux maîtres et donnent
même le titre de la pièce. Ils entrent en conflit avec eux, pour le moment en
secret, avec la ruse, force des faibles. Et c’est la fameuse tirade, le monologue
de Figaro, qui annonce la Révolution en dénonçant la
noblesse :
« Parce
que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie !...
Noblesse, fortune, un rang, des places […] Qu’avez-vous fait pour tant de
biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de
plus... »
Terrible
réquisitoire d’un plébéien, d’un Tiers état, qui rue dans les brancards et
demandera bientôt l’abolition des privilèges indus de la noblesse
L’empereur
Joseph II, frère de Marie-Antoinette, despote éclairé, favorable à Mozart,
écartelé entre libéralisme et conservatisme royal, avait interdit à Vienne la
pièce de Beaumarchais, mais pas sa lecture. Il approuva le livret de da Ponte,
purgé de ses audaces, du moins la tirade finale impitoyable de Figaro contre la
noblesse, qui devient simplement un air convenu contre les ruses des femmes
quand il croit que Suzanne a cédé aux avances du Comte. Cependant, sous la
trame d’une ingénieuse comédie aux rebondissements incessants fous et loufoques
de cette « folle journée », le conflit entre peuple et noblesse
demeure latent et même avoué et ouvert : Figaro, découverts le désir et
projet du Comte, décide de le déjouer et le noble, joué, désire se venger sans
pitié de ses domestiques. C’est une lutte des classes, dont la franchise est
cependant feutrée par le rapport des forces entre le maître tout-puissant et
ses serviteurs contraints à jouer les renards contre le lion, la ruse contre la
force. S’ajoute l’alliance de la femme humiliée par l’homme (pourtant perdante,
en France, de la proche Révolution qui lui refusera le droit de vote mais pas
celui de mourir sur l’échafaud…)
RÉALISATION
C’est sans doute l’une des lignes subtiles de la mise en scène de Stephan
Grögler : un éclairage, ténébreux (Gaëtan Seurre), paradoxal
pour cette pièce des Lumières mais d’un temps obscurément tenté et teinté par
les noirceurs gothiques, une trouble lumière sur le statut de la femme, statue
idolâtrée en paroles, mais abandonnée sur son piédestal de courtoisie : la
femme, on en joue, on en jouit, on la jette.
D’entrée, durant l’ouverture animée, une nuée de
corbeaux masculins en frac à la poursuite de caillettes défroquées à consommer
sur canapé, en guépière, fuyant la virée survoltée de la meute virile, image
répétée de harcèlement des oies pas forcément blanches, de chasse au sexe,
répétée, mais sans doute inutilement tirée, par les costumes, vers notre actualité
féministe alors que l’histoire prouve que cela n’a pas d’époque, sujet même de
la pièce. Pareillement, en lever de rideau du dernier acte, dans une pénombre favorable
aux forfaits, déplorant son épingle perdue, c’est sans doute sa virginité que
pleure Barbarina probablement violée de dos par le Comte, honteusement, qui fuit
furtivement, fatalité de l’oppression masculine. Même notre héros, Figaro,
héraut de la révolte des femmes et faibles contre le Comte, ne s’embarrasse
guère de manières pour jeter sans façons, sa chère Suzanne au sol. Quant au
Comte, il ne compte en rien la politesse courtoise de son rang pour gifler la
Comtesse. Chérubin, malgré son charme juvénile, est bien rejeton de la même
engeance qui ne déroge pas à la règle, s’arrogeant tout pouvoir sur toutes les
femmes, Comte et Don Juan en puissance : les libertés qu’il prend même sur
la Comtesse sont déjà celles du libertin, le consentement sensuel de la
dernière semble anticiper la troisième pièce du volet, La Mère coupable, où, effectivement, elle lui aura cédé, enceinte
même de ses œuvres (Figaro, figurant un soldat blessé lors de l’air sur
Chérubin à la guerre annonce sans doute aussi cette pièce où Chérubin est mort
au champ d’honneur).
Plus évidente, signés aussi de Grögle, la
ligne de force des décors sans décorum de ces aristocrates qui vont prochainement
être déménagés par l’Histoire : un bric-à-brac de bric et de broc sur une
scène, encombrée de tous les dérangements d’un vrai déménagement, paquets,
meubles et une échelle, servant parfois de tribune aux harangues triomphante
des personnages. C’est bien justifié puisque l’on sait que le Comte, nommé
ambassadeur par le roi, s’apprête à partir pour Londres, avec armes et bagages.
Sensation de labyrinthe dont se tireront sans doute les malins dans un jeu de
chat et souris, Figaro emménageant avec
volupté, aménageant son avenir avec Suzanne, mais sentiment de monde en ruines,
de chaos, qu’il faudra bien réordonner un jour, et l'on voit ici les prémices de la révolte des gueux contre le maître, guère à la noce,; près de rendre compte, le Comte. Dans les meubles, un incongru
fauteuil blanc moderne, avec d’autres signes, au milieu de justes et jolis
costumes XVIIIe siècle (Véronique Seymat), ceux décalés au
XXe, clin d’œil avoué au bal
masqué de La Règle du jeu de Jean Renoir, mais sacrifice au mélange des
époques lassant d’être tant ressassé depuis les années 70 de Chéreau et autres,
comme si un spectateur contemporain était incapable de lire l’aujourd’hui dans
une œuvre d’hier, semant la confusion historique, déjà bien grande par les
temps qui courent, chez les « primo arrivants » à l’opéra, notamment les
jeunes. Un étendage impromptu de draps rideaux, permet un jeu de cache-cache théâtral
plaisant au piquant duo entre Suzanne et Marcelline.
INTERPRÉTATION
Dès les premières mesures, nerveuses, fiévreuses
de l’ouverture, qui annonce cette Folle
journée, la direction
musicale de Carlos Aragón s’impose par une battue ferme mais souple,
maintenant un tonus implacable et impeccable, admirable dans les longues scènes
de conversation chantée de l’acte II, un continuum musical à couper le souffle,
mais non celui des chanteurs solidairement soutenu. Les finales concertants
sont éblouissants de précision sans rien oblitérer du jeu scénique de cette
musique faite théâtre en chacune de ses notes. Il cisèle le fandango (que
Mozart emprunte à Gluck) et donne à cette danse toute sa fière noblesse populaire,
d’une sensualité sobre, sans bavure. On s’étonne de l’absence du nom, dans la
distribution, du continuiste si plaisamment inventif, faisant rebondir les
récitatifs de ses ponctuations humoristiques, avec des échos des airs de
Figaro, de Chérubin.
Tous les chanteurs sont de la nouvelle génération
d’interprètes, capables d’être d’excellents acteurs, et l’on sent le plaisir,
communicatif, qu’ils ont eu à se plier aux subtilités de leur metteur en scène
et aux impératifs du chef. La cohésion est sensible et leur plaisir,
communicatif.
Eric Vignau est un insinuant Basilio, pervers à souhait, ironique, campant aussi Don Curzio lors du jugement. Yuri Kissin incarne un solide et sombre Bartolo vengeur au début puis l’ivrogne et obstiné Antonio. On regrette que sa digne compagne Marcellina, personnage très intéressant, vraie féministe de la pièce, se voit amputée de son air à l’ancienne car la voix cocasse de Jeanne-Marie Lévy lui donne une belle caractérisation. Il semble que la Barbarina de Sara Gouzy, elle, se voit gratifiée d’une petite scène supplémentaire qu’on ne regrette pas tant sa voix et jolie et touchant son air de lever de rideau, « L’ho perduta… ». Le Cherubino d’Albane Carrère remporte tous les cœurs, de la scène et du public. Si, perché sur l’échelle, le tout juste début de son premier air fiévreux, éperdu, est perdu pour les paroles, la suite et sa célèbre chansonnette à la Comtesse sont d’un galbe élégant et, en même temps, expressif. Déshabillé, habillé, c’est un poupon, un homme encore objet et jouet pour les dames, mais la mise en scène, plus que souligner le trouble sensuel qu’il sème chez elles, le montre déjà enhardi, adolescent passant déjà à l’acte avec la Comtesse dont on sent qu’elle ne pourra rien lui refuser.
D’autant, que, dans l’incarnation de María
Miró, le désir de vengeance contre l’infidèle et déjà lointain époux se
joint sûrement à la frustration sexuelle. Voix large, pleine, d’une grande
beauté, on ne sait si dans l’optique féministe du metteur en scène, elle est
plus dans le combat que dans la résignation mélancolique. En tous les cas, dans
ses deux airs sublimes de noblesse et de dignité trahie, elle semble plus une
vengeresse Donna Ana que la Rosine triste et nostalgique, sans jamais de piani
ni de demi-teinte des clairs-obscurs sentimentaux de l’héroïne. Son Comte
d’époux, le baryton David Lagares est un géant prêt à tout écraser de
son impitoyable botte sous de lénifiantes paroles de grand seigneur pas méchant
homme, éclairé sous ses nobles atours, mais retors et sombre dans ses détours
et les tours qu’il entend jouer à ses valets avant d’en être joué. Il arrive à
être effrayant et son air est bien de fureur mordante dans sa vocalise
jubilatoire à l’idée de vengeance, avec un fa éclatant de victoire et de morgue,
note d’ultime hauteur pour de basses pensées : sa noblesse révélée.
Objet du désir et enjeu du conflit entre le
maître et son valet, la Susanna de Norma Nahoun est d’une ravissante
fraîcheur, pépiante et scintillante : une incarnation de la triomphante
féminité, non par les charmes du physique mais par les armes de l’intelligence.
Son air final du jardin est un moment de grâce. À Son digne compagnon Figaro, Yoann
Dubruque prête une silhouette et un jeu tout en finesse : ce n’est pas
le robuste roturier, fort en gueule, auquel on est habitué : il est plus
pétillant que pétulant, et son allure et sa figure, finalement, justifient le coup
de théâtre de sa noble naissance selon le cliché, bien sûr, que l’on applique à
l’aristocrate et au plébéien, notamment au théâtre. Il n’a pas une voix
tonitruante de tribun (mais toutes ici sont bien harmonisées en volume entre
elles), et il sait donner à son premier air toute l’intériorité, son caractère
de soliloque après la révélation de la trahison du Comte qui convoite la femme
avec laquelle il s’apprête à convoler. Ses nuances éclairent le personnage dans
son premier air et, dans le dernier, se croyant trahi, il est émouvant, beau
symbole chantant de cette folle comédie si proche souvent des larmes. Comme cette
musique si joyeuse, d’une beauté à pleurer d’émotion.
Opéra Grand Avignon
Opéra
Confluence
21
et 23 octobre
Le nozze di Figaro
Da Ponte/Mozart
En
co-réalisation avec l’Opéra de Roue -Normandie
En collaboration avec le Festival d’Avignon, le Théâtre du Capitole de Toulouse et l’Opéra de Nice Côte d’Azur.
En collaboration avec le Festival d’Avignon, le Théâtre du Capitole de Toulouse et l’Opéra de Nice Côte d’Azur.
Direction musicale : Carlos Aragón
Direction du Chœur : Aurore Marchand. Études musicales Hélène Blanic
Mise en scène et décors : Stephan
Grögler ;
Assistante Bénédicte
Debilly.
Costumes : Véronique Seymat
Création lumières : Gaëtan Seurre. Peintre-décoratrice : Phanuelle Mognetti
-
Création lumières : Gaëtan Seurre. Peintre-décoratrice : Phanuelle Mognetti
-
Distribution
Contessa Almaviva : Maria Miró
Susanna : Norma Nahoun
Cherubino : Albane Carrère
Marcellina : Jeanne-Marie Lévy
Barbarina : Sara Gouzy
Contessa Almaviva : Maria Miró
Susanna : Norma Nahoun
Cherubino : Albane Carrère
Marcellina : Jeanne-Marie Lévy
Barbarina : Sara Gouzy
Conte Almaviva : David Lagares
Figaro : Yoann Dubruque
Dottore Bartolo / Antonio : Yuri Kissin
Don Basilio / Don Curzio : Eric Vignau
Contadine (paysanne) : Runpu Wang, Ségolène Bolard (artistes du Chœur) -
Figaro : Yoann Dubruque
Dottore Bartolo / Antonio : Yuri Kissin
Don Basilio / Don Curzio : Eric Vignau
Contadine (paysanne) : Runpu Wang, Ségolène Bolard (artistes du Chœur) -
Orchestre Régional
Avignon-Provence.
Chœur de l’Opéra Grand Avignon, direction :
Aurore
Marchand.
Photos : © Cédric Delestrade
1. Un sensible Figaro : Yoann Dubruque ;
2. Le comte arrogant harangue ses gens ;
3. Apprêts du procès ;
4. La nuit de toutes les méprises.
1. Un sensible Figaro : Yoann Dubruque ;
2. Le comte arrogant harangue ses gens ;
3. Apprêts du procès ;
4. La nuit de toutes les méprises.
lundi, octobre 29, 2018
SOLEIL ANDALOU POUR FROIDE HEURE D'HIVER
LA BELLE DE CADIX
OPÉRETTE
EN 2 ACTES ET 10 TABLEAUX
de Francis Lopez
Marseille, théâtre Odéon
27 et 28 octobre
|
"La grisaille est là, le
froid arrive. Courez à l'Odéon trouver le soleil et la chaleur avec cette opérette
aux rythmes toujours neufs, espagnols ou jazzy. "
C’était mon conseil de samedi
sur Facebook, effacé d’un coup de gomme des mystères informatiques et reproduit
approximativement dès que je m’en suis aperçu. Mais le réchauffé ne remplace
jamais le goût de l’immédiate chaleur. Tant pis. Juste ici quelques mots de
plus pour saluer toute la troupe si vivante, vibrante, choristes et musiciens
compris, sous la férule légère de Bruno
Conti, et la mise en scène pleine de légèreté joyeuse de Jack Gervais. À retrouver les mêmes
noms d’artistes, salués par des applaudissements du public reconnaissant qui
les reconnaît dès leur entrée en scène, on retrouve pratiquement le sens d’autrefois
de « troupe », qui assure une cohésion et une complicité à un
spectacle qui se joue joliment de lui-même, dans la bonne humeur et la
connivence de tous.
Certes, sans invoquer les auspices de l’Arte povera des années 60 qui défiait la
surabondance tapageuse de l’industrie culturelle, je ne plaiderai pas pour la
pauvreté des moyens à quoi réduit les spectacles vivants une « culture »
plus économique qu’artistique qui risque de les faire mourir en en exigeant
toujours plus en leur donnant toujours moins. Et ce n’est pas parce qu’on
rachète par l’humour et une nostalgie enfantine d’autrefois des toiles peintes,
des décors en carton-pâte qu’on dira que cela suffit : l’Art et les
artistes ont besoin de moyens pour vivre. Mais disons tout de même que l’Odéon
de Marseille, seule maison de France qui voue entièrement une saison à l’opérette
créée sur place (en plus de l’accueil de théâtre de boulevard), à défaut de
décors complexes, dignifie ses productions par une impressionnante et luxueuse
collection de costumes (Maison Grout)
toujours justes et de bon goût, et offre à une grande quantité d’artistes, un
orchestre et un chœur spécifique, et des solistes choisis remarquables de s’y
produire dignement.
Certes, on ne va pas disserter sur un
sujet et des dialogues guère relevés ; bien sûr, on ne va pas invoquer, même
en connaissance de cause, le vrai hispanisme musical à propos de la musique de
Lopez (tout de même espagnol) et disserter sur Espagne et espagnolade : il
suffit que cette musique jaillisse et emplisse joliment sa mission, même au-delà
de l’impossible pour d’autres, de rester gravée, qu’on le veuille ou non, dans
l’oreille, dans la mémoire collective. Il n’y a pas injure à en éprouver le
plaisir immédiat, et médiat : puisqu’on le garde, sans honte, dans un
recoin du cerveau, signe de son efficacité. Et je le redis, on a le droit,
quand elle est portée par ces artistes, de se sentir transporté de plaisir. Ils
pardonneront l’évocation rapide mais sincère de leur beau travail, que j’ai par
ailleurs tant de fois salué déjà.
Un régal que la piquante et pimpante Caroline Gea en "Belle" (de
Cadix ou d'ailleurs), voix ronde et fruitée, qui n’a qu’à se mouvoir à peine,
élevant ses bras, pour que cette Madrilène esquisse la danse flamenca qu’elle a
pratiquée. Le héros, est un ténor élégant et sensible, Jérémy Duffau, maîtrisant admirablement les demi-teintes, auquel on
reprochera seulement sa prononciation indûment française du nom de l’héroïne,
Maria-Luiza, au lieu de María LuiSSa, un comble face à l’Espagnolissime Caroline.
Pour une fois, la tiers-exclue n’est pas l’empêcheuse d’aimer en rond, mais, au
contraire le deus es machina du happy
end, une star glamour digne de Broadway et d'Hollywood, Estelle (Es/toile) Danière,
somptueusement habillée (Stars and
stripes USA pour le corsage !) et déshabillée habilement sur des
jambes de Cyd Charisse.
Julie Morgane égale à
elle-même : tons de voix, mimiques, regards, gestes et mouvements, danse,
acrobatie, tout est théâtre en elle, déchaînée et enchaînée à défaut de son
habituel Grégory Jupin, à un hilarant Claude
Deschamps à la hauteur et du jeu et, nous le découvrons, des acrobaties qu’il
lui fait subir. On retrouve, remarqué il y a longtemps, un superbe baryton Gilen Goicoéchéa, qui n’a qu’un air
archaïsant qu’il chante avec émotion. Et l’on n’oublie pas la digne troupe de
comédiens chanteurs qui les escorte, un méconnaissable mais reconnaissable à
son intelligence à jouer les nigauds, Dominique
Desmons qui nous fait la surprise d’être chevelu et brun, et pour couronner
ces figures essentielles, en deux apparitions, l'inénarrable Antoine Bonelli en roi des gitan et
reine des travestis, impérieux marieur et impériale mariée muette.
Par ailleurs, toujours justement intégré
et remplissant les changements de tableaux, mais spectacle dans le spectacle,
le quadrille de danseurs de Felipe Calvarro,
Sophie Alilat, Valérie Ortiz et Clément Duvert,
qui passent du flamenco à la danse espagnole, avec notamment, une magnifique
utilisation des tambours basques, et, a
palo seco, sans musique littéralement, une danse avec des palos, des bâtons, qui nous épargne l’allusion
à la pique barbare des corridas : élégance racée des zapateados masculins, grâce volante des sévillanes des femmes et l’on
apprécie, à l’hybridité sans doute nationale des danseurs combien le flamenco
est devenu universel et sans frontières comme le jazz. Ils sont accompagnés magnifiquement
par la guitare et le chant sobre et profond de Jesús Carceller (farruca,
bulerías, sevillanas rocieras, etc), aux coplas
poétiques bien choisies, incluant Anda,
jaleo, de très vieille tradition lyrique, qu’on attribue à tort à Federico García Lorca, qui n’a pas
écrit de chansons mais les a simplement harmonisées au piano, sa notoriété »
les sauvant sans doute de l’oubli.
Une débauche de costumes magnifiques même
nouveaux pour les saluts, sur fond de naïfs décors en cartons et toiles peintes,
on l’a dit, et un grinçant rideau tiré (on en est à l’attendre en riant !)
digne d'une affiche ciné ou d'un roman photo d'autrefois : style sans effet de
style souriant d'hier par une troupe pétaradante d'aujourd'hui. Un bonheur au
présent.
La Belle de Cadix
De Francis Lopez,
Théâtre Odéon, Marseille,
27 et 28 octobre 2018
Direction musicale : Bruno CONTI
Chef de chant : Caroline OLIVEROS
Mise en scène : Jack GERVAIS
Chorégraphie : Felipe CALVARRO
Assistant mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Chef de chant : Caroline OLIVEROS
Mise en scène : Jack GERVAIS
Chorégraphie : Felipe CALVARRO
Assistant mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Décors : Théâtre de
l’Odéon . Costumes : Maison GROUT
DISTRIBUTION
María Luisa : Caroline GÉA
Miss Hampton : Estelle DANIÈRE
Pépa : Julie MORGANE
Laurence / La gitane : Caroline BLEYNAT ; Christine : Sabrina KILOULI ;
Une journaliste Agatha MIMMERSHEIM ; Jenny : Sneji CHOPIAN
Carmen : Sylvia OLMETA
Carolina : Maryline FAUQUIER
Miss Hampton : Estelle DANIÈRE
Pépa : Julie MORGANE
Laurence / La gitane : Caroline BLEYNAT ; Christine : Sabrina KILOULI ;
Une journaliste Agatha MIMMERSHEIM ; Jenny : Sneji CHOPIAN
Carmen : Sylvia OLMETA
Carolina : Maryline FAUQUIER
Carlos : Jérémy DUFFAU
Manillon : Claude DESCHAMPS
Dany Clair : Dominique DESMONS ;
Manillon : Claude DESCHAMPS
Dany Clair : Dominique DESMONS ;
Ramirès : Gilen GOICOÉCHEA
Roi des gitans : Antoine BONELLI
Boy, Le garçon de café : Angelo CITRINITI ; Antonio : Anthony AGOSTINI
Juanito : Patrice BOURGEOIS
Clapman / Antonio : Damien RAUCH
Roi des gitans : Antoine BONELLI
Boy, Le garçon de café : Angelo CITRINITI ; Antonio : Anthony AGOSTINI
Juanito : Patrice BOURGEOIS
Clapman / Antonio : Damien RAUCH
Orchestre de l'Odéon
Cécile JEANNENEY, Chantal RODIER, Isabelle RIEU, Alexia RICHE-GUILHAUMON,
Cathy BENOIST, Stéphanie BENVENUTI, Tiana RAVONIMIHANTA, Jean-Florent GABRIEL,
Sylvain PECOT, Claire MARZULLO, Flavien SAUVAIRE, Patrick SEGARD, Marc
BOYER, Luc VALCKENAERE, Thierry AMIOT, Yvelise GIRARD, Caroline OLIVEROS,
Alexandre RÉGIS.
Chœur Phocéen
Caroline BLEYNAT, Sneji CHOPIAN, Emmanuel GEA, Sabrina KILOULI, Maryline
FAUQUIER, Agatha MIMMERSHEIM, Sylvia OLMETA, Jean-François BERTRAND, Patrice
BOURGEOIS, Jacques FRESCHEL, Damien RAUCH.
Chef de Chœur : Rémy LITTOLFF
Chef de Chœur : Rémy LITTOLFF
Danseurs
Sophia ALILAT, Valérie ORTIZ
Felipe CALVARRO, Clément DUVER .
Felipe CALVARRO, Clément DUVER .
Guitariste / Chanteur
Jésus : CARCELLER
Photos Christian Dresse :
1. Duffau, Gea ;
2. Miss Hamton (Danière) et ses boys ;
3. Pépa à l'endroit, à l'envers : renversante Morgane et inversant Deschamps ;
4. Baryton perdu, éperdu : Goicoéchéa ;
5. Mariage pas pour rire! Bonelli, roi des Gitans et les héros ;
6. Charme andalou (les danseurs).