My fair Lady de Marseille
Jeudi 1 septembre et vendredi 2 septembre
à 19:00
à bord du voilier
Le DON DU VENT
location Calanques Marseille & Côte d'AZUR à Marseille
Infos pratiques:
• Le 4 Septembre 2016 à 19 h
• Spectacle à bord du bateau Le Don du Vent :
Quai d’Honneur de la mairie de Marseille (en face de la mairie centrale - 13002 Marseille)
• Tarif : 18 euros - TR : 15 euros
Billetterie : www.billetreduc.com
et sur place le soir même (attention nombre de places limité)
Contact:
Cultures et Developpements 0625023679 - jeanchriborn@yahoo.fr
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VOIR CRITIQUE DANS CE BLOG : vendredi, septembre 11, 2015
OPÉRETTES MARSEILLAISES
dimanche, août 28, 2016
dimanche, août 14, 2016
CHOPIN, SAND ET LEUR ÉPOQUE MUSICALE
Le deuxième Festival International Sand & Chopin en Seyne se déroulera du 25 au 27 août 2016 au magnifique Fort Napoléon à La Seyne-sur-mer. Un programme des plus envoûtants où artistes internationaux excellents se côtoieront pour votre plus grand plaisir. Réservez dès maintenant sur le site internet sécurisé du festival www.festivalsandetchopinenseyne.com .
Le jeudi 25 août 2016 à 20h30, en première partie, un concert découverte jeune talent avec la pianiste seynoise Marjorie Saunier. En deuxième partie, la talentueuse pianiste internationale Maria Luisa Macellaro La Franca, ainsi que la comédienne Vanessa Mateo, nous transporterons dans un spectacle où les arcanes amoureux de Georges Sand et Frédéric Chopin nous serons dévoilés aux rythmes de ses plus belles pièces pour pianos, faisant écho aux pensées intimes et amoureuses de l’écrivain. Un spectacle émouvant, rempli de poésie.
Le vendredi 26 août 2016 à 21h, les voix somptueuses des jeunes artistes lyriques montants de la scène internationale, le ténor géorgien Irakli Kakhidze et la soprano Chrystelle Di Marco, nous ravirons dans un magnifique récital de joyaux musicaux d’opéras de Giuseppe Verdi, Les plus beaux airs et duos d’amour de La Traviata, Aida, Un ballo in maschera, accompagnés par la pianiste géorgienne Nino Chaidze.
Le 27 août 2016 à 21h, nous accueillerons le spécialiste de la musique de Fréderic Chopin, Jean-Marc Luisada, lauréat du Concours International Frédéric Chopin de Varsovie. Il subjugue la critique et les mélomanes par sa sensibilité et sa virtuosité, « un tempérament où le feu se mêle à la glace, l’exaltation à la mélancolie et le brio à l’introspection ». De plus, Jean-Marc Luisada jouera quelques pièces sur un piano de collection exceptionnel, un Broadwood and sons de 1863. Ce grand moment de magie pianistique sera accompagné par quelques lectures de textes rares de Georges Sand par Gabriel Boz.
D'autre part Gil Frechet, grand photographe, vous ravira pendant toute la durée du festival par une superbe exposition de photographies de la baie de « Tamaris » de la Seyne-sur-mer. Des clichés grands formats où toute la magie de ce lieu vous sera dévoilé par l’œil de cet incroyable artiste !
Les petits plus des soirées du festival :
Le café des Arts, 8 rue Cyrus Huges à La Seyne sur mer se délocalise le temps du Festival. Le public aura le plaisir de déguster avant les concerts ou à l’entracte une collation de son cru et savourer l’excellence du vin du Domaine Bunan, ainsi que des boissons rafraîchissantes.
L’entreprise seynoise SOPROVAL fière de sa marque « Tamaris » fera découvrir au public les goûts raffinés de ses produits tels que les tapenades et sirops. Tout un monde de saveurs provençales pour les papilles des plus gourmets.
mardi, août 09, 2016
TENDRE ET TRAGIQUE
La
traviata
de
Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave
d’après
La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils
Chorégies
d'Orange, 3 août 2016
Comme
dans le cas de Butterfly ou Tosca, c’est toujours la
musique qui fixe dans l’imaginaire collectif une œuvre tirée du
roman ou du théâtre, ici, des deux. Remarquons que, même avec
Greta Garbo et Robert Taylor, le film de George Cukor, Le Roman de
Marguerite Gautier, de 1936, considéré comme un chef-d’œuvre,
n’est plus qu’une curiosité pour cinéphiles. En revanche, le
fameux air du champagne, « Libiam ! » et l’air de
Violetta « Sempre libera… » sont sûrement connus même
de gens ne mettant jamais les pieds à l’opéra. Puissance de la
musique qui a donné une forme définitive au drame humain de la
fille de joie à grand prix achetée, perdue et sauvée, rachetée
par l’amour.
La
courtisane historique
Fatalité
des reprises des œuvres phare du répertoire lyrique, nous voilà
encore à reprendre, mais enrichie, l’aventure de cette traviata,
'dévoyée', sortie de la voie', de la bonne voie s'entend, de cette
Violetta Valéry verdienne tirée du roman autobiographique La
Dame aux camélias
(1848) d’Alexandre Dumas fils : il en fera un mélodrame en
1851, qui touchera Verdi. C’est sa musique qui fixe dans
l’imaginaire collectif le drame humain de la courtisane rédimée
par l’amour. De son vrai nom Rose
Alphonsine Plessis dite Marie Duplessis (1824-1847),
puis
tout de même
comtesse de Perrégaux par
son mariage à Londres, un an avant sa mort, avec un jeune amant
noble qui ne l'abandonnera jamais, et lui offrira même, arrachant
son corps à la fosse commune des indigents, le tombeau, toujours
fleuri, que l'on peut voir au cimetière de Montmartre, inspire
à Dumas fils, amant de cœur, le personnage de Marguerite
Gautier
qu'il fait entrer dans la légende. Après une enfance misérable et
divers petits métiers, déjà célèbre à seize ans, contrairement
à tant d'autres de ses consœurs, elle avait appris à lire et à
écrire, s'était éduquée mondainement et cultivée et tenait même
un salon fréquenté par des artistes et des écrivains, dont Gautier
et pas moins que Liszt,
elle fut sa
maîtresse, il envisageait de vivre avec elle : dans une lettre
elle le supplie de la prendre avec lui dans une de ses tournées qui
l'amenait en Turquie. Par sa grâce et ses grâces, c'était une
maîtresse que l'on pouvait afficher sans honte dans le demi-monde
sinon le monde, entretenue luxueusement par des amants qui se la
disputaient, arborant dans ses cheveux dans sa loge au théâtre ou
en calèche au Bois, dit-on, le fameux camélia
blanc,
signal des jours « ouvrables » pour les clients et rouge
pour les jours d'indisposition féminine, ou pour les amateurs. Elle
meurt à vingt-trois ans de tuberculose, criblée de dettes, et le
roman de Dumas fils commence par la vente aux enchères de ses biens,
ses meubles (il lui en restait assez) pour défrayer ses créanciers.
Le jeune et (relativement) pauvre Alexandre, son amant durant un an,
offrira plus tard à Sarah
Bernhardt,
pour la remercier d’avoir assuré le triomphe mondial de sa pièce,
sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame
aux camélias,
dont il résume l’un des aspects cachés du drame vécu :
«
Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je
voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »
Ne
pouvant ni l’entretenir, ni être entretenu par elle, il deviendra
célèbre et riche avec son drame qui raconte le sacrifice de la
courtisane ruinée, exigé par le père de son amant, redoutant que
les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne
compromettent le mariage de sa fille dans une famille où la morale
fait loi. Et l’argent : on craint que le fils prodigue ne
dilapide l’héritage familial en cette époque, où le ministre
Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale :
« Enrichissez-vous ! » Bourgeoisie triomphante,
pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas
très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche
officielles avec des « horizontales », des hétaïres,
des courtisanes ou de pauvres grisettes ouvrières, affectées (et
infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à
leur femme légitime.
RÉALISATION
Déjà
« vériste », naturaliste par un sujet contemporain qui
fit scandale, réaliste donc par le thème mais déréalisée par une
musique belcantiste virtuose et une langue littéraire dont les
tournures concises et recherchées frôlent la préciosité baroque,
bourrée d'hyperbates, des renversements de l'ordre syntaxique
naturel (« D'Alfredo il padre in me vedete », 'D'Alfred
en moi le père voyez' , « Dunque in vano trovato t'avró »,
'Donc, en vain trouvé je t'aurai', « Conosca il sacrifizio/
Ch'io consumai d'amore », 'Qu'il connaisse le sacrifice/ Que je
consommai d'amour', etc), La traviata, malgré deux scènes de
fête, est un opéra intimiste et semble s'opposer aux grands
déploiements exigés par le gigantisme du théâtre antique. Diego
Méndez Casariego qui,
avec de sobres et funèbres costumes noirs, en signe la scénographie,
s'en tire par une élégante solution : un miroir, symbole de
l'intime, de l'interrogation sur soi, de l'introspection, d'autant
plus chez une femme dont les appas sont le fonds de commerce, est
porté ici à l'échelle du lieu, immense, occupe sans encombrer le
fond de la scène, le fameux mur. Brisé comme un rêve trop grand
dont les débris jonchent le sol, avec un centre obscur pour une
traversée des apparences, un passage symbolique de l'autre côté du
miroir, de la vie, il a un cadre doré également ruiné, dont des
morceaux, en perspective de fuite, figurent une scène dans la scène,
théâtre du monde, du demi-monde et sa vanité des vanités :
des lustres luxueux projetés sur la glace et les murs sont la mesure
des fastueuses fêtes, juste des reflets donc, mais, à jardin, un
vrai lustre écroulé au milieu de chaises Second Empire dorées au
siège de velours rouge occupées par des hommes en noir et, à cour,
un massif, un parterre de fleurs blanches (des camélias?), est comme
une tombe future autour de laquelle tournoient des femmes aussi en
noir. Au milieu du plateau trône une méridienne noire, lit de repos
déjà éternel : cercueil. Cet ensemble épuré et symbolique
semble, à l'échelle près, un allégorique décor d'austère
autocramental
espagnol, une Vanité baroque.
Des projections d'arbres allègeront la charge funèbre globale pour
l'acte II et le rêve de survie de la fin. De simples écharpes
rouges pour les dames et des éventails égayeront la fête de l'acte
III, évacuant avec élégance le ridicule habituel de la scène des
grotesques toreros. C'est d'un raffinement d'épure.
La
mise en scène de Louis Désiré
s'y
glisse, s'y coule, avec la beauté sans surcharge d'une élégance
noble, sans simagrées ni gestes outrés, qui joue avec une émotion
contenue, sur la tendresse qui lie les personnages, même le père
odieux en général, ici émouvant d'affection filiale pour elle qui
pourrait être sa fille. Leur compréhension mutuelle est touchante,
humainement vraie dans un juste jeu d'acteurs, comme la caresse et la
gifle au fils.
Dès
l'ouverture animée, la foule noire se presse et oppresse Violetta
seule dans « ce populeux désert appelé Paris »,
singularisée par sa robe rouge, désignée victime d'un sacrifice à
venir. Même le fameux et joyeux « brindisi » enserre les
héros qui ne semblent jamais échapper, hors la parenthèse de la
campagne, à l'omniprésent et pesant regard du monde sur leur
intimité. Le monologue troublant de Violetta, « È strano… »,
devant le seuil de ce miroir brisé, le passage à l'acte de la
rupture avec l'ancienne vie, est finement figuré par l'abandon
respectif des amants dont elle refuse cette toujours présente fleur
au profit de celle offerte à Alfredo qu'il rapportera fanée mais
florissante de l'éclosion de l'amour.
INTERPRÉTATION
Dès
le prélude, cette douce et poignante brume qui semble se lever et ne
devoir jamais finir, est étirée vers un infini insondable, tissée
comme une douce soie par le jeune chef Daniele
Rustioni.
Pour la première fois aux Chorégies, il ne cède pas au piège du
grossissement dans le gigantisme du lieu : d'entrée on sent
qu'on est dans une direction musicale d'une qualité supérieure. Il
estompe avec délicatesse les « zin-zin /boum-boum » d'un
accompagnement de facile fête foraine de Verdi dans la deuxième
partie de cette ouverture. À la tête des remarquables Chœurs
des Opéras d'Angers-Nantes, Avignon et Marseille,
dirigeant avec ardeur
l'Orchestre
National Bordeaux-Aquitaine,
il en transcende avec finesse les pupitres, exaltant la palette des
timbres et attache une attention que l'on dirait amoureuse aux
solistes, les accompagnant en finesse sans jamais les mettre en
danger, tout adonné, engagé en actions physiques expressives dans
la musique, la mimique et le jeu. Il faudrait réentendre comme il
enfle le son au gré de la messa
di voce
de l'exceptionnelle Ermonela
Jaho qui
augmente le volume passionnel de sa voix
dans
son déchirant « Amami Alfredo ! » : c'est une
vague, une houle musicale et émotionnelle qui déferle sans noyer
l'interprète où tant d'autres se perdent.
À
l'évidence, il y a eu beaucoup d'intelligence et de travail entre le
plateau et la fosse pour donner à cette œuvre tragique toute la
tendresse humaine dont elle ne déborde pas à première vue dans ce
monde cynique et cruel d'un plaisir pas toujours très raffiné. Tout
est traité, scéniquement et musicalement, dans la nuance. Tous les
personnages, même éphémères, sont bien campés (Giuseppe, Rémy
Matthieu,
Annina, la fidèle et douce servante, Anne-Marguerite
Werster,
le fidèle aussi Grenvil
à belle voix sombre de Nicolas
Testé) ;
Flora et le Marquis ne sont pas seulement un couple de comédie, mais
des amis attentifs aux leurs, à Violette et Alfredo (Ahlima
Mhandi ,
Christophe Berry)
;
même le Baron (Laurent
Alvaro),
le protecteur officiel de Violetta, s'il empoche (pour elle, pour
lui?) l'argent qu'Alfredo lui a gagné au jeu et n'a pas jeté au
visage de son amante mais plus élégamment remis entre ses doigts,
paraît être solidaire de celle qui l'avait pourtant abandonné et
pour laquelle il sera blessé en duel.
Dans
cette prestigieuse distribution, la découverte, ce fut le ténor
Francesco Meli en
Alfredo, amant choisi, heureux mais se croyant trahi, fils
potentiellement prodigue puis contrit, homme entretenu sans le savoir
et désespéré de le savoir. La voix est large, passant aisément la
rampe orchestrale et ladistance, le timbre chaud et, malgré un
vibrato très vite corrigé, il cisèle tout en douceur les nuances
de ce rôle, semblant se chanter à lui-même et non triomphalement
tonitruer son air ardent mais intérieur comme une confidence d'un
jeune homme élu, émerveillé par l'amour d'une femme que tous
désirent. C'est du grand art au service non du chanteur mais d'un
rôle.
On
ne découvre pas Plácido
Domingo,
légende vivante du monde lyrique que cinéma, télévision ont
popularisé mondialement et « divinisé », s'il n'était
si attentivement humain aux jeunes talents qu'il favorise, par
ailleurs directeur d'Opéras, chef d'orchestre en plus de demeurer le
grand ténor aux cent-cinquante rôles qu'il a tous marqués et qui,
en Espagnol fidèle au répertoire populaire hispanique trop méconnu,
comme Kraus, Caballé, Berganza, los Ángeles, Carreras et autres
grands interprètes espagnols, a porté aux quatre coins du monde les
charmes de la zarzuela ibérique, dont il a même imposé certains
airs comme passage obligé des ténors d'aujourd'hui. Créateur donc
autant qu'interprète exceptionnel. On le retrouvait en baryton,
tessiture de ses débuts, et qu'il a toujours fréquentée de près
dans les grands rôles de fort ténor au médium corsé comme Othello
ou Canio, où sa couleur et puissance faisaient merveille. Ici, en
baryton verdien tirant vers l'aigu, il était un Germont père,
démarche lourde sous le poids autant de l'âge que de l'expérience,
décidé à régler une affaire mais vite freiné par les scrupules,
la compassion et même la complicité avec son interlocutrice :
il s'attend à trouver une courtisane vulgaire et avide et trouve
cette jeune femme fragile et forte aux bonnes manières, amoureuse
d'un fils qu'il aime et quelque chose passe entre eux. Tout cela est
sensible dans le jeu, les hésitations, les gestes ébauchés
(remarquable travail d'acteur). S'il donne aux fioritures de son air
sur la beauté éphémère de Violetta le tranchant cruel des
évidences, il fait des appoggiatures de la sorte de berceuse à son
fils, « Di Provenza, il mare il sol… », de véritables
sanglots dans le passage « Ah , tuo vecchio genitor,
tu non sai quanto sofri ! »
On
ne cesse de découvrir Ermonela Jaho : Micaela,
Butterfly, déjà à Orange, Mireille, Manon, Marie Stuarda, Anna
Bolena, ailleurs, etc, elle m'a toujours confondu d'admiration par ce
qui semblait l'identification exacte, vocale, physique et scénique à
un rôle. Or, les rôles changent et le même bonheur d'adéquation
s'impose à l'écouter, la voir. Sa Butterfly paraissait unique et
bouleversait par son sacrifice intime et grandiose. En Violetta, dans
la première partie de l'acte I, courtisane adulée, brillante,
légère, coquette, la voix brille, s'élève, badine, cocotte,
cascade de rires face à Alfredo avec une joliesse irrésistible,
l'émission facile farde délicatement toute la technique :
l'art, caché par l'art semble tout naturel. Gagnée par l'amour
enveloppant des phrases du jeune homme, elle change de tessiture en
apparence, plonge dans le grave du soprano dramatique, médium
moelleux, malléable de l'introspection et bondit dans le vertige
virtuose de la frivolité. Elle nous épargne le faux contre mi
bémol inutilement surajouté à la partition par des voix trop
légères et s'en tient aux quatre contre ré bémols vocalisants
vraiment voulus par Verdi, vraie couleur du morceau et vérité d'une
femme qui n'est pas un rossignol mécanique, mais un tendre oiseau à
l'envol vite brisé. Nous sommes au théâtre, à l'opéra :
tout y est vrai et tout est faux. Mais Ermonela Jaho, sans
rien sacrifier de la beauté de la voix expressive, est tellement
crédible, si douloureusement vraie en mourante que, pris par
l'intensité de son jeu, on s'étonne ensuite, aux bravos, qu'elle
réapparaisse si vivante.
Sauvant
la production en remplaçant au pied levé Diana Damrau
souffrante, après son inoubliable aussi Butterfly, elle est sacrée
Reine des Chorégies 2016 dont le succès couronne sans faille le
flair de l'autre triomphateur qui les aura programmées :
Raymond Duffaut.
La
traviata
de
G. Verdi
Chorégies
d'Orange
3
et 6 août 2016
Orchestre
National Bordeaux-Aquitaine
Chœurs
des Opéras d'Angers-Nantes (Xavier Ribes), Avignon (Aurore
Marchand) et Marseille (Emmanuel Trenque)
Direction
musicale : Daniele
Rustioni
Mise
en scène : Louis
Désiré ;
Scénographie
et costumes : Diego Méndez Casariego ;
Lumières :
Patrick Méuüs.
Distribution :
Violetta
Valéry : Ermonela Jaho ;
Flora
Bervoix : Ahlima
Mhandi ;
Annina :
Anne-Marguerite Werster.
Alfredo
Germont : Francesco
Meli ; Giorgio
Germont : Placido
Domingo ;
Gastone
di Letorières : Christophe
Berry
:
Il
barone Douphol ; Laurent
Alvaro :
Il
marchese d'Obigny : Pierre
Doyen ; Il
Dottore Grenvil : Nicolas
Testé ; Giuseppe,
Rémy Matthieu.
Photos :
© Philippe Gromelle :
1. Miroir brisé des fastes ;
2. Miroir des fausses fêtes ;
3. Les héros oppressés par la foule ;
4. Le père et la courtisane (Domingo, Jaho);
5. L'attente ( Werster, Jaho ) ;
8. Le retour trop tardif : le docteur, Annina, Alfredo et Germont entourant la mourante Violetta).
1. Miroir brisé des fastes ;
2. Miroir des fausses fêtes ;
3. Les héros oppressés par la foule ;
4. Le père et la courtisane (Domingo, Jaho);
5. L'attente ( Werster, Jaho ) ;
8. Le retour trop tardif : le docteur, Annina, Alfredo et Germont entourant la mourante Violetta).
dimanche, août 07, 2016
AVOCATS DU DIABLE
L'OPÉRA
AU VILLAGE
Faust
et Marguerite
de
Frédéric Barbier
Faust
en ménage
de
Claude
Terrasse
Les
trois baisers du diable
de
Jacques Offenbach
26
juillet
En
changeant ou variant les lieux, mais en gardant la même équipe, du
petit cloître du couvent des Minimes à la Place du Château de
Pourrières ou au Château de Roquefeuille, l'Opéra au Village n'a
ni perdu son âme ni sa qualité. Âme de personnes de qualité qui
ont su animer musicalement un village, fédérer des dizaines de
bénévoles depuis plus de dix ans pour faire un rendez-vous obligé
de cet endroit, désormais disséminé en trois lieux, la chapelle
douillette pour les concerts d'automne et d'hiver et, pour les
spectacles d'été, la Place, admirable mirador du Château, dominant
à perte de vue une plaine viticole avec quelques mas arrimés à un
cyprès comme des barques dans la houle des sillons, entre le
Montagne Sainte Victoire à l'ouest, la chaîne de l'Étoile au sud
et, à l'est, les monts Auréliens qui, sans l'écraser, arrêtent le
regard et le chemin de la troisième scène, le beau domaine du
Château de Roquefeuille.
Lieux
patrimoniaux et patrimoine
Des
lieux patrimoniaux pour des spectacles modestes en moyens mais
généreux en réussite et ardents au travail assidu d'exhumer et
rendre vie à des œuvres d'un patrimoine ni pompeux, ni pompier et
surtout pas pompant, mais « peuple » : des
opérettes, coquette et tout aussi modeste appellation de ces courtes
saynètes musicales qui ont fait rire nos arrière grands-parents et
nous font, aujourd'hui, sourire par des livrets certes surannés,
mais qui, mine de rien, sont imbus de culture, baignent dans une
érudition musicale alors populaire. En effet, fonder des effets
spectaculaires et musicaux sur le pastiche, la caricature à force de
citations scéniques ou lyriques d'un original, ici le Faust de
Gounod, suppose au moins un fonds culturel commun entre le bourgeois
pouvant se permettre le luxe de l'opéra et le peuple se contentant
au mieux du « paradis », le poulailler, ou de la
vulgarisation populaire des parodies des vaudevilles où, finalement,
toutes les classes pouvaient se retrouver à moindres frais. Une
époque, entre Second Empire, malgré tout déjà attentif au peuple,
et une Troisième République dont la grandeur fut de veiller à
l'éducation populaire, qui nous adresse un miroir et ses reflets où
s'abîme aujourd'hui la réflexion sur la perte du patrimoine
national d'une culture, pour modeste qu'elle paraisse, identité d'un
peuple.
Il
me semble donc, sans emphase, nécessaire de souligner encore que,
grâce à la modeste gentillesse de tous ces bénévoles et le
travail acharné de l'équipe artistique, ce qui se passe à
Pourrières l'air de rien, sans prétention, est une restauration
d'un humble pan de culture perdue.
Avec
douze ans de recul, on peut juger, comparés
aux moyens en rien grandioses, les grand résultats, le bilan
impressionnant de ce festival : quatorze œuvres lyriques,
quarante-cinq spectacles, soixante solistes (des jeunes) engagés
pour deux-cent-cinquante-huit chanteurs auditionnés soigneusement,
plus trente-six choristes, trente-sept musiciens, trente cinq
concerts. L'action pédagogique a pu accueillir
quatre-cent-quatre-vingt scolaires. Sans oublier mille repas servis
aux spectateurs désireux de partager ce sympathique moment avant le
spectacle, c'est-à-dire près d'un sur dix. Car
ce festival, on me pardonnera la redite, allie joyeusement la
gastronomie, l’art de la bouche, et l’art de chanter : il
mérite le nom d’opéra
bouffe,
à tous les sens plaisants des termes, lyrique et culinaire, qu’on
arrose des généreux vins du cru généreusement offerts par des
vignerons locaux. D’autant que la solide équipe artistique qui le
préside, Bernard Grimonet
pour la scène, Luc Coadou
pour la direction musicale, tout aussi bénévoles, ont donné à ce
festival l’identité de brèves saynètes comiques, bouffes
donc.
Avec la complicité d'Isabelle
Terjan
qui dirige du piano le petit effectif musical, clarinette,
violoncelle, accordéon, ils en assurent également les arrangements
musicaux dont les partitions sont absentes.
DIABLERIES
AU PROGRAMME
Cette
année, l'Opéra au Village se donnait, s'adonnait joyeusement au
diable, avec deux opérettes inspirées du célèbre opéra de
Charles Gounod, lui-même inspiré du fameux Faust
de
Goethe, dont le facteur commun, un lever de rideau, un Prologue,
était un extrait de Faust
et Marguerite
(1868) de Frédéric
Barbier (1829-1889),
prolifique
compositeur d'opérettes bouffes en un acte,
sur
un texte cocasse de Bernard
Grimonet,
d'après le livret de
Bumaine
et Blondelet. Deux chanteurs devant incarner Faust et Marguerite dans
l'opéra de Gounod, à force de tergiverser, de cabotiner, ratent
non seulement la répétition mais leur entrée en scène, et
camouflet à leur vanité de cabots, sans grand dommage apparemment
pour le spectacle puisqu'on apprend que le metteur en scène moderne
(clin d'œil de Grimonet), plus que minimaliste, a pu se passer des
héros à la grande satisfaction du public. On goûte « J'ai
cassé ma bretelle… » qui évoque irrésistiblement «Votre
habit a craqué dans le dos… » de l'antérieure Vie
parisienne
d'Offenbach (1866) et l'air du maquillage et ses coquettes et
cocottantes notes joyeuses des joyaux faustiens. La soprano
Claire
Baudouin
et le ténor Olivier
Hernandez,
belles et claires voix,
bons acteurs, s'échauffent ici agréablement pour les deux pièces
qui suivent, leurs diverses incarnations de Marguerite et Faust et
ils ne rateront pas leur entrée, ces deux fois !
Faust
en ménage
Opérette bouffe posthume (1924)
de
Claude Terrasse (1867-1923),
connu pour sa musique de scène d'Ubu
Roi d'Alfred
Jarry (1896), considéré comme un hériter d'Offenbach. C'est une
claire et hilarante suite à Faust
de
Gounod. Sinon vingt ans, c'est quinze ans après que l'on retrouve
nos héros, mais bien fatigués sauf la fringante Marguerite, la
beauté du diable, fatiguée justement de la fatigue de son Faust
d'époux que la complaisance du méphitique Méphisto a sauvé de
l'enfer, se condamnant lui-même à l'ire de Satan sauf à se
racheter par l'âme de Marguerite poussée à l'adultère dans les
bras d'un Siebel désormais homme et soldat.
En
couple amoureux usé inégalement par le ménage et le temps, nous
retrouvons les excellents Claire
Baudouin
et Olivier
Hernández auxquels
se joignent le puissant baryton
Thibault Desplantes en
Méphisto décrépit
et
le contre-ténor Raphaël
Pongy,
dont la voix est judicieusement et plaisamment choisie ici sans doute
pour incarner, par sa force, l'homme, et par son ambiguïté
sexuelle, le travesti du Siebel original. Une accorte et acariâtre
comédienne, Béatrice
Giovannetti,
campe avec drôlerie une Dame Marthe servante du couple, à l'accent
allemand à couper au couteau, bien capable d'attraper le pauvre
diable par la queue.
Plus
que le texte, le comique de qualité vient des citations musicales,
exactes ou détournées, variées, suggérées, de l'opéra de
Gounod, la ballade du roi de Thulé, air des fleurs, le duo, «
le Veau d'or… », « Anges purs… » etc,
pétillantes de verve et d'intelligence musicale dans leur
enchaînement. L'air de Marguerite est des plus jolis et celui « Le
sucre est hors de prix », digne du loufoque Offenbach. Les
beaux costumes d'époque (Mireille,
Anne-Marie, Michelle, Nouch)
contrastent avec la cape et bonnet pointus fatalement rouges de
Méphisto, hébété, titubant malgré sa canne, réduit ici,
dépossédé de ses pouvoirs, au rôle de « Diable honoraire
d'opérette », ratant par excès de plus ou de moins un
rajeunissement de la dernière chance de Faust, retombé en enfance
ou dans un gâtisme précoce, inutile aux vœux charnels d'une rouée
Marguerite qui ne file plus doux le sien, finalement comblée par le
fuseau du frais et fringant Siebel.
Les
trois baisers du diable
Sur
un texte de ses habituels comparses Henri Meilhac et Ludovic Halévy,
les duettistes librettistes futurs auteurs du livret de Carmen
, Offenbach, en 1858, met en musique Les
trois baisers du diable,
une œuvre un peu inhabituelle dans sa prodigieuse production. Au
lieu de la bouffonnerie boursouflant la bourgeoisie que à laquelle
nous a habitués « le petit Mozart des Champs-Élysées »,
cette œuvre, une plutôt insolite scène paysanne avec musique de
musette pastorale souvent, bascule et baigne dans une féerie dont
Offenbach, qui rêvait de sortir de son rôle d'amuseur permanent
dans ses opérettes, nimbera son grand opéra, Les
Contes d'Hoffmann,
qu'il ne verra malheureusement pas sur scène puisqu'il meurt l'année
précédant la création de 1881.
La
vocalité, hors quelques procédés qui sont la marque du maître ès
décomposition des mots, affiche ici une autre ambition : airs
brillants, air à boire, ensembles, longue scène concertante et,
dans ce registre visant le « grand opéra », tous les
chanteurs cités dans l'opérette précédente (un enfant, muet,
complète la distribution) sont à féliciter de leur grande maîtrise
technique et musicale pour un résultat de toute beauté : on
les sent heureux de donner leur mesure. L'instrumentation
passionnément et ludiquement forgée en commun par les musiciens est
encore remarquable, l'on ne peut que le dire en passant, sans les
épuiser, au fil d'une plume épuisée à tenter d'en capter les trop
rapides trouvailles musicales humoristiques en tachant de n'en pas
perdre l'écoute : frissons, ronflements diaboliques,
grincements d'archet du violoncelle, ricanements de l'accordéon,
cris perçants de la clarinette, piano scandant ou ponctuant
l'angoisse à petit pas du Diable : ils se sont fait plaisir et
nous le communiquent. Avec sa précision habituelle, mais aussi sa
liberté, Luc Coadou dirige
ce petit monde, plateau et ensemble, avec alacrité, un sensible
bonheur qu'il nous fait partager.
Dans
un simple décor pratiquement semblable et prestement modulable, loge
de théâtre, intérieur d'appartement bourgeois ou paysan (sans
autre précision onomastique comme les costumières, dans une amicale
dénomination,Gérard, Jacky,
Dominique, Alain, Jean-Pierre, Michel),
Bernard Grimonet
joue avec aisance d'une grande palette scénique à
laquelle ces jeunes chanteurs se plient avec souplesse : gestes
typés, stéréotypés, outrés des cabotins dans une plaisante
gestuelle d'autrefois entre convention de théâtre et de cinéma
muet, fluidité et accélérations ou ralentissement des
déplacements ; les personnages sont savoureusement campés,
croqués. Mais, diablerie ? on avoue n'avoir pas saisi comment
ce diable d'homme, sans moyens techniques extraordinaires, réussit
les scènes féeriques, des myriades, des constellations d'étoiles
que l'on garde aux yeux avec l'émerveillement de l'enfance, sans
réelle volonté réaliste d'en percer le mystère, tout au plaisir
bienheureux de s'abandonner à cette nuit des étoiles en avance.
Encore
une réussite sans tambour ni trompette de ce festival aux confins des Bouches-du-Rhône et du Var, qui n'est pas au Diable Vauvert.
L'Opéra
au Village
Faust
et Marguerite
de Frédéric Barbier
(adaptation B. Grimonet)
Faust
en ménage de
Claude Terrasse,
Les
trois baisers du diable de
Jacques Offenbach.
Pourrières,
23, 24, 26 et 27 juillet
Direction
musicale : Luc Coadou,
Mise
en scène : Bernard Grimonet.
Avec :
Claire
Beaudouin, soprano ; Thibault Desplantes, baryton ; Olivier
Hernández, ténor ; Raphaël Pongy, contre-ténor ;
Béatrice Giovannetti, comédienne, Annabelle (l'enfant).
Ensemble musical :
Isabelle
Terjan
(piano), Claude Crousier
(clarinette), Angélique
Garcia
(accordéon) et Virginie
Bertazzon
(violoncelle).
Décors :
Gérard, Jacky, Dominique,
Alain, Jean-Pierre, Michel.
Costumes :
Mireille,
Anne-Marie, Michelle, Nouch.
Régie :
Sylvie Maestro et MDE Sound Live.
Photos :
© JL.Thibault
1. Des comédiens outrepassés, dépassés (Faust et Marguerite), Cl.
Beaudouin, Th. Desplantes ;
2. Faust retombé en enfance sous l'œil de Marguerite, déconfite et de Siebel soldat (R. Pongy);
3. Ménage à trois, Faust, Marguerite, Méphisto, plus Dame Marthe (B. Giovannetti) ;
4. Les trois baisers du Diable Baudoin, Pongy, Hernández, Annabelle) ;
5. Le diable Gaspard (Baudoin, Desplantes) ;
6. Jeanne/Marguerite sauvée par les constellations (Baudoin).