lundi, février 29, 2016
SUR TOUS LES FRONTS DES ARTS ET DES MUSIQUES
"Faire vivre toutes les musiques du monde"
Production | Organisation | Promotion
En mars, Arts et Musiques vous fait partager toutes les musiques du monde...
Sissy Zhou - Virtuose du Gu Zheng
Saint Martin de Crau - Le Galet
Mardi 8 mars 2016 - Tarifs : 9€ / 6€
> 21h : Concert
"Festival voix de femmes"
Lynda Kent - Jazz Folk & Blues> Marseille - Salle Municipale Mairie 2/3
Mardi 8 mars à 18h
> La Ciotat - Théâtre du Golfe
Samedi 12 mars à 20h30 - Tarifs 12€ / 9€ / 3€
Trio Besozzi - Musiques classiques et films
Venelles - Eglise
Dimanche 13 mars à 18h
Entrée tout public - Tarif : 11€ / 9€ / 5Infos : 04 42 54 93 10 / resa.culture@venelles.fr
Trio Les Voix de l'Alcazar - Opérettes
Saint-Chamas - Salle Municipale
Samedi 19 mars à 20h30
Entrée tout public - Tarif : 10€
Infos : Service Culture / 04 90 44 52 00
Ensemble Calisto - 5 voix d'hommes a cappella
Aix-en-Provence - Chapelle des Oblats
Journée Européenne de la Musique Ancienne
Lundi 21 mars à 20h
Places 10 € / Gratuit jusqu’à 18 ans
Réservations : ensemblecalisto@gmail.com
Fafa Carioca - Trio & Quartet
Musiques et percussions du Brésil l La Motte d'Aigues - Mardi 22 mars Pertuis - Vendredi 25 mars
Animations pédagogiques en matinée
Défilé Carnaval
Trio Keynoad en Show Case - Samedi 19 mars 2016 à 14h30 - Stand Région Paca
Arts et Musiques sera présent tout au long du forum / Stand Phonopaca
Rencontrons-nous ! contact@artsetmusiques.com / 06 07 65 48 54
Exposition Evénement - "Un Monde de Musique"
Aurillac - Salle des Ecuries - Entrée libre
Du 22 février au 3 mars 2016
26 et 27 février : 2 visites tout public
26 février : visite commentée seniors
1er et 2 mars : 4 visites scolaires
contact@artsetmusiques.com - 04 91 31 17 46
Nouvelles Actions Educatives dans les Collèges
Arles, Rognac, La Ciotat, Marseille, Pélissanne, Istres, Gréasque, Vitrolles, Saint-Andiol, Martigues
André Gabriel · Des traditions populaires à l’orchestre symphonique
Rodolphe Stoitzner · A la découverte du galoubet
Mariannick Saint-Céran et Marc Campo · A la découverte du Blues
Mariannick Saint-Céran · Chant et musique du Brésil
Marco Becherini · Danse contemporaine
+ d'infos
Contactez-nous pour organiser votre événement...
Claude FREISSINIER
Directeur
Guillaume GRATIA
Chargé de diffusion
Thomas BLANC
Assistant Production et Diffusion
Arts et Musiques
135 Corniche Kennedy
13007 Marseille
06 07 65 48 54 / 04 91 31 17 46
contact@artsetmusiques.com
www.artsetmusiques.com
samedi, février 20, 2016
HAMLET VIENNOIS : L'AIGLON
L'AIGLON
DE
JACQUES IBERT ET ARTHUR HONEGGER
Drame musical en 5
actes
D'après la pièce
d'Edmond ROSTAND adaptée par Henri CAÏN
Création au Théâtre
de Monte-Carlo (1937)
Opéra de Marseille
Dernière
représentation à Marseille, le 3 octobre 2004
Velléitaire Hamlet
Il faut, symboliquement, que le Père
meure pour que le Fils advienne. L’Aiglon n’avait aucune chance face à un Aigle
de père mort mais immortel. Mais sa chance historique aura peut-être été de ne
pas régner après lui, comme celle de la trois fois reine Marie Stuart dont la
fin tragique lui a laissé une place dans l’Histoire que son histoire ne lui
aurait pas accordée.
Né de l’Autrichienne
Marie-Louise et de Napoléon, proclamé Roi de Rome à sa naissance en 1811 à
Paris, apogée politique et militaire de l’Empire de son père qui en fera son
héritier à son abdication en 1815, l’Histoire ne nous dit pas grand chose de ce
pâle jeune homme mort en 1832 sinon qu’en 1830, alors qu’une nouvelle
révolution chasse encore les Bourbons de France et restaure, effaçant la
Restauration, le drapeau tricolore, on mise sur lui des espoirs de
rétablissement de l’Empire, occasion qu’il ne sut ou put saisir : exilé
dans ce fantôme de Versailles de Schönbrunn, autre Sainte-Hélène, autre
Elseneur pour cet Hamlet viennois, fasciné par l’action, il ne passera jamais
aux actes, se rongeant aussi à rêver de venger son père, faute de le
ressusciter. Un destin avorté favorable à la légende, d’abord forgée en
collaboration par les poètes marseillais Auguste Barthélemy et Joseph Méry, course immobile à l’abîme entre ce
qui fut et ce qui aurait pu être.
Intronisé duc de
Reichstadt en 1818, il ne montera jamais sur le trône impérial que lui avait
prévu son père, ni aucun autre par lignée maternelle, bien que le titre de Roi
de Rome, dont le
para habilement Napoléon, le désignât d’avance comme candidat à celui de Roi
des Romains porté
par les héritiers élus du Saint-Empire romain germanique, apanage des
Habsbourgs, tel son grand-père maternel l’empereur François Ier. Et pourtant, en
dehors des bonapartistes français, la Grèce libérée du joug ottoman, la Pologne
et la récente Belgique lui
offrirent leur trône. Il avait été cependant proclamé officieusement Napoléon
II après la seconde abdication de son père, à quatre ans, avant que Louis XVIII
ne reprît la couronne royale : quinze jours. Même la série de ses prénoms,
Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, puisés dans ceux des deux familles,
révèle l’enjeu dynastique et politique pesant sur l’enfant, par ailleurs
petit-neveu, par sa mère, de Marie-Antoinette et de Louis XVI.
Même s’il fut
culturellement germanisé, il ne fut pas persécuté mais chéri dans sa famille
autrichienne qui lui permit de réapprendre le français. Mais, son existence et
sa filiation impériale étaient un potentiel facteur de troubles dans une Europe
en paix qui se remettait lentement des désordres de l’épopée napoléonienne. Né
pouvant avoir tout, il n’eut rien et le résuma lui-même avec une lucide
amertume en mourant à vingt et un ans :
« Ma naissance et
ma mort, voilà toute mon histoire. Entre mon berceau et ma tombe, il y a un
grand zéro ».
L’ŒUVRE :
AIGLE À DEUX TÊTES
Contexte historique ambigu
Si la fière fièvre
cocardière de la géniale pièce de Rostand se comprend en 1900 après l’annexion
germanique de l’Alsace/Lorraine, suite de la cuisante défaite de 1870,
l’exaltation guerrière de l’opéra, des sanglantes victoires de Napoléon, alors
que la Guerre d’Espagne bat son plein depuis 36, champ d’essai fasciste pour la
Seconde Guerre mondiale, la création à Monte-Carlo en 1937, précédant d’un mois
l’écrasement de Guernica sous les bombes nazies de la Légion Condor, nous
laisse un peu songeur par ce contexte politique de danse sur un volcan. La
pièce, dans son hagiographie impériale, oublie Vienne, bombardée sans pitié
pendant deux jours en mai 1809 par Napoléon, deux mois avant le charnier de
Wagram, sommet de l’opéra, Beethoven terré dans une cave. Le compositeur avait
déjà déchiré sa dédicace de sa Symphonie héroïque à Bonaparte libérateur quand il se
fit l’Empereur oppresseur, rouleau compresseur de l’Europe. La souffrance ne
porte guère à aimer sa cause et l’on peut comprendre, même si elle n’est pas
attestée historiquement, dans ce texte manichéen, la haine inexpiable que Metternich
reporte sur le fils de l’Empereur, ce Fils de l’Homme du poème en duo Barthélémy/Méry qui lançait la
légende, mais où il était néanmoins conseillé à l’héritier de Napoléon, de ne
pas mettre encore à feu et à sang une Europe qui avait gagné la paix contre son
père.
Il reste que, au titre sinon d’Empereur
historique vainqueur, de héros romantique vaincu, on adhère par la compassion à
l’épopée rêvée de ce chlorotique jeune homme portée par le souffle indubitable
du texte et insufflée par la beauté de la musique.
Remarquable livret
Le livret de Caïn est
remarquable : d’une pièce en six actes, à cinquante acteurs, il tire
un livret concis en cinq actes, à quinze personnages. Sans doute eût-il raison
de se plaindre de coupures abusives : avec trois forts héros essentiels,
l’Aiglon, Metternich et Flambeau, le reste n’est qu’une foule de personnages
sans personnalité, et l’on regrette au moins que, aussi bifide que l’aigle
d’Autriche, Marie-Louise subisse la mouise de cette désincarnation :
princesse autrichienne, Impératrice française, femme de L’Aigle et mère de
l’Aiglon, elle méritait mieux que cette inexistence, d’autant que Metternich la
soupçonne d’avoir remis le bicorne de l’Empereur à son fils. Les multiples
autres rôles servent habilement de miroir réflexif au solitaire héros.
Le texte est d’une
grande beauté et, porté par la musique et la vivacité souvent de cette
conversation musicale, il claque en répliques frappées comme des médailles
napoléoniennes. Au jeune Duc de Reichstadt s’excusant ironiquement d’avoir
foulé du pied une cocarde blanche, autrichienne, l’Attaché militaire français
répond :
Dois-je apprendre au fils de l’Empereur
Que la cocarde en
France a repris ses couleurs ?
métaphorisant de la sorte en deux vers la nouvelle situation
politique de la France après la Révolution de 1830 qui abandonnait le blanc de
la Restauration pour reprendre le drapeau tricolore de la Révolution, offrant
un envol possible à l’Aiglon. La description symbolique des trois couleurs par
le Duc est du registre poétique sublime :
Moi, si je dois
régner, c’est avec ce drapeau,
Plein de sang dans le
bas et le ciel dans le haut.
Le texte abonde en
bonheurs d’expression que la musique rehausse de son expressivité, comme le Duc
debout pour écouter Flambeau ; il est riche en métaphores expressives : dans
les chapitres de la grande Histoire des combats, les généraux sont les titres
et les soldats (« les petits, les obscurs, les sans grades…) « les
mille petites lettres » ;
le bicorne de Napoléon, « petite et sombre pyramide »,
« chauve-souris des champs de bataille », « fait avec deux ailes de corbeaux », etc. Il y a
une grande volupté à écouter ce texte admirablement mis en relief et profondeur
par la musique, sans ralenti, tout dans une sorte de course dynamique qui ne
s’installe pas dans les stases commodes de l'extase de l'air ou de la description.
Quant à la musique, on
n’entrera pas dans la vanité du « Qui a fait quoi ? ». Les deux
compères font la paire mais la musique demeure une et uniformément belle dans
son aussi duelle beauté sans duel.
Le rôle principal,
créé au théâtre par Sarah Bernhardt, reste dans la tradition lyrique du
travesti de la chanteuse en jeune homme, et cela sert le propos dramatique qui
fait du héros non advenu à l’adulte viril, un adolescent déjà écrasé œdipiennement par le Père,
émasculé avec sadisme par Metternich,figure tyrannique de Parâtre.
RÉALISATION
Ressuscitée à
Marseille en 2004 par la volonté de Renée Auphan, alors Directrice de l’Opéra,
l’œuvre semble frappée encore de dualisme : elle en confia, la mise en
scène à Patrice Caurier et Moshe Leiser. Indisponibles pour cette reprise, Maurice
Xiberras, l’actuel
Directeur a passé le flambeau à Renée Auphan qui s’est chargée de remonter
l’ancienne production qu’elle a fignolée avec amour et science à Lausanne et
Tours. On ne cédera pas non plus à l’inanité insondable du « Qui a fait
quoi ? », d’autant que la modestie et l’élégance morales et
professionnelles de Renée Auphan lui font dire qu’elle a tenté de rendre le
plus fidèlement possible la mise en scène admirée de ses prédécesseurs.
Cependant, ne gardant pas un souvenir précis de la production initiale, on
oserait dire, sans manquer de respect aux deux metteurs en scène initiaux,
qu’on retrouve ici les qualités que l’on aime de cette grande dame de l’Opéra
dans la justesse contrôlée des mouvements et du geste, le subtil travail
d’acteur sensible dans le jeu de tant de personnages. Bref, on est
reconnaissant à ce trio, ces trois mousquetaires dont une Lady, de la réussite
qu’on peut dire, sans emphase ni flagornerie, exceptionnelle à tous niveaux du
spectacle : cet hommage respectueux à cet opéra lui rend la dignité perdue
de sa notoriété.
Les décors de Christian
Fenouillat sont
d’une grande beauté et efficacité dramatique. Découpées en lames aiguës de guillotine
géante par la lumière des cintres, sobres grandes parois du salon de Schönbrunn
aux montants à peine torsadés d’un motif rocaille, baroque tardif germanique
sur une surface plane néo-classique aux rehauts dorés. On dirait que leur vert
(malice ?) est celui souvent appelé vert Empire, c’est dire celui exercé en
Europe par la France au sommet de son influence culturelle même au cœur, la
cour, de ses ennemis. Les fauteuils, le tabouret sont aussi, certes non de
style Empire, mais purement Louis XV, de même que le somptueux bureau-miroir de
sépulcrale laque noire glacée (Napoléon III ?) comme son âme de
Metternich, aux ornements d’angles en bronze qui pourraient être des sphinx… de
retour d’Égypte. Les parois s’ouvriront en vastes portes sur un jardin nébuleux
de ruines XVIIIe siècle pour une fête galante explicitement à la
Watteau, revu par Verlaine, où dansent de fantasques masques et bergamasques de
la Commedia dell’Arte. Et enfin, grandes ouvertes, seront la sombre plaine de
Wagram hallucinatoire. Les magnifiques costumes d’Agostino Cavalca sont d’époque, dames en robes
ballonnées, bouillonnées, bouffantes, à manches gigots, coiffure à l’anglaise
et grand chapeau mousquetaire pour certaine. Seule Thérèse de Lorget, la
lectrice française déroge à ces engorgements bouffis de tissus par une tenue simple,
robe droite à taille haute et
courte veste qui tient plus de la mode Directoire ou Empire. Les hommes sont en
uniforme en général, à l’exception de Metternich, immense jabot noir d’oiseau
de proie et manteau sombre qui lui prête, sous les lumières dramatiques d’Olivier
Modol (d’après Christophe
Forey) une sinistre
pâleur de vampire dans le caveau de son bureau ténébreux. Les valets aussi sont
« à la française. »
INTERPRÉTATION
La distribution est
aussi soignée et couronne l’ensemble. Derrière les masques grotesques, on
reconnaît le joli timbre de Caroline Géa, et on apprécie ceux des invisibles Anas Seguin, Camille Tresmontant et Frédéric Leroy sous leurs déguisements
carnavalesques. La voix somptueuse de Bénédicte Roussenq rend plus cruelle la pauvreté en
chant dévolue à Marie-Louise, la mère attachante du début et la touchante Mater
dolorosa de la fin On saluera à
deux mains, dans le rôle de l’historique danseuse Fanny Elssler, ici agent
secret du complot en faveur du Duc étroitement surveillé, la performance de la
belle Laurence Janot, qui danse et chante sa partie sur pointes qui n’altèrent pas la
rondeur fruitée de sa voix. En double du Duc venue l’aider dans sa tentative
d’évasion, Sandrine Eyglier campe, d’une sûre voix de soprano, une virile et héroïque
Comtesse Camerata qui fustigera durement la faiblesse velléitaire de cet
Aiglon aux ailes rognées dans sa cage. La voix cristalline et pure de Ludivine
Gombert, toute
douceur et humilité en Thérèse de Lorget, lectrice amoureuse de l’Aiglon,
semble justifier joliment le surnom de « petite source » dont la
baptise le Duc ému.
Le ténor Yves
Coudray, complice
de scène d’Auphan pour Manon, campe un menu, malicieux mais remuant et insinuant
Frédéric de Gentz, âme damnée conseillère ou Spoletta malfaisant de ce Scarpia
machiavélique de Metternich. Le ténor Eric Vignau se glisse avec noblesse dans la peau
de l’Attaché militaire, mandé par le Roi de France, mais chatouilleux sur la
grandeur française. Yann Toussaint prête sa belle voix de baryton au Chevalier de
Prokesch-Osten, donnant une humanité un peu naïve au personnage d’instructeur
militaire autrichien ami du jeune Duc.
Dans le rôle du Maréchal Marmont qui avait trahi Napoléon dans les
dernières batailles perdues d’avance, Antoine Garcin fait passer dans sa sombre voix de
basse toute la lassitude humaine de tous ces combats incessants.
S’amenant la réplique,
la riposte cinglante de Flambeau : « Et nous, les petits, les
obscurs, les sans grades… », morceau d’anthologie du registre populaire
mais sublime, qui fait passer le frisson de l’épopée et de la revendication
encore révolutionnaire sur nos échines par la ronde faconde de la voix de Marc
Barrard, goguenard
grenadier et grandiose grognard : c’est l’un des sommets émotifs de
l’opéra, opéré par un chanteur et acteur
exceptionnel dont le personnage d’homme du peuple donne à son suicide
face au peloton d’exécution, l’élégance aristocratique des Romains stoïciens.
Metternich a l’allure
vocale et physique du baryton Franco Pomponi, raide, impassible, inflexible, distant, arrogant au début,
encore grandi par des ombres géantes, par sa cape noire flottante comme ailes
de vampire face à son bureau aux lignes à peine soulignées de lumière blafarde.
La scène d’hallucination haineuse face à Napoléon réincarné par son bicorne est
encore un sommet, qui rebondit, dans un paroxysme crescendo dans la scène avec
le Duc, destruction systématique et sadique des aspirations de grandeur du
valétudinaire et aboulique jeune homme par une image de Père effrayant ramenant
le garçon immature aux jupes et à la lignée historiquement névrosée de la mère,
au drame historique non dit de la dégénérescence consanguine des Habsbourgs.
Troisième sommet de
l’opéra, la scène de Wagram. Stéphanie d’Oustrac nous a tellement habitués à
l’excellence dans tout ce qu’elle nous donné à voir et à entendre, du baroque à
la musique du XXe siècle, de Lully à Poulenc, qu’on a du mal encore
à qualifier sa performance vocale et dramatique, que l’on en vient à la trouver
toute naturelle venant d’elle : injustice touchant toujours les gens de
qualité. On ne s’étonne même pas que cette belle jeune femme, la féminité
incarnée, se glisse dans l’uniforme et la peau de ce blond jeune homme avec une
justesse si confondante qu’on en vient à l’oublier. Bien dirigée et sans doute contrôlée, sans faire le macho, elle
donne à sa démarche, à sa voix, une fermeté virile crédible sans rien
appuyer : elle est le personnage, dans son élégance, son assurance mais
aussi ses doutes, ses faiblesses et ce drame d’enfant terrorisé, écrasé par
l’ombre d’un père et de Metternich : traduit par la partition et ce rôle
écrasant, présente pratiquement de bout en bout. Tout repose sur ses épaules,
et, sans repos, au climax de l’œuvre, sur celles des soldats morts-vivants de
Wagram, scène d’hallucination qui devient comme le résumé épique du héros
plausible qu’il aurait pu être et ne fut pas. Sa voix de mezzo, qui se plie aux
nuances, sait faire des limites aiguës du soprano du rôle, des râles de
douleur, des cris de détresse bouleversants de vérité. Mais quelle diction,
quelle beauté du phrasé comme dans la dernière scène, dans un seul souffle,
presque le dernier :
J’assurerai d’abord de
ma reconnaissance
Le cœur qui, se
brisant, a rompu le silence.
Alors, si les deux
vers des Méditations de Lamartine lus par Thérèse s’adressaient à l’Aiglon :
Courage, enfant déchu
d’une race divine,
Tu portes sur ton
front ta superbe origine,
nous adresserons ces deux autres à cette race d’artistes qui
nous font sentir la transcendance :
Borné dans sa nature,
infini dans ses vœux,
L'homme est un dieu
tombé qui se souvient des cieux.
L'Orchestre et le
chœur (même en
coulisses) de l’Opéra de Marseille étaient aussi au diapason de l’exception. La langueur
voluptueuse des valses contraste avec la cadence martiale des marches, des
hymnes patriotiques dont on ne niera pas les vibrations émotionnelles qu’ils
éveillent en nous, rythmés avec panache par Jean-Yves Ossonce dont la baguette, osons virile,
évite cependant le claquant clinquant cuirassé de cuivres outrecuidants
masculins à la caricature. Il y a, dans sa direction, un drapé joyeux de
drapeau qui joue sans jurer avec le soyeux voltigeant des voiles festifs dans
ce tissu sans coutures trop voyantes entre Honegger et Ibert, ce cocktail
finalement grisant. Oui, les accents de La Marseillaise, même dans un pudique lointain
horizon fondu de chœurs (Emmanuel Trenque), comme un souvenir malheureusement délaissé, nous
donne envie de nous lever et saluer et la confusion de n’avoir pas osé le
faire. Les chansons enfantines de la fin de l’Aiglon mourant, nous serrent la
gorge qui se dénoue enfin par l’acceptation de l’émotion par les larmes aux
yeux.
Les nations, sans
mémoire, meurent. Sans être idolâtre de Napoléon —et beaucoup ne l’étaient pas
qui lui rendaient hommage— même dans ses naïvetés, il nous faut reconnaître que
cette œuvre remue de nécessaires souvenirs nationaux qu’il ne faut pas
abandonner aux abusifs nationalistes, dans de superbes et frappantes images
visuelles et musicales. À une France d’aujourd’hui qui souffre et doute,
peut-être n’est-il pas mauvais de rappeler ses gloires d’autrefois : un peuple
vit aussi d’images d’Épinal.
L'AIGLON
de Jacques IBERT et Arthur HONEGGER
Production de l’Opéra de Marseille
13, 16, 18, 21 février 2016.
Orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale : Jean-Yves OSSONCE.
Mise en scène : Renée AUPHAN d'après Patrice
CAURIER et Moshe LEISER.
Décors : Christian FENOUILLAT.
Costumes :
Agostino CAVALCA.
Lumières :
Olivier MODOL d'après Christophe FOREY.
DISTRIBUTION
L’Aiglon : Stéphanie D’OUSTRAC ;
Thérèse de Lorget : Ludivine GOMBERT ;
Marie-Louise : Bénédicte
ROUSSENQ
; La
Comtesse Camerata : Sandrine EYGLIER
; Fanny Elssler : Laurence JANOT
; Isabelle, le Manteau
vénitien : Caroline GÉA.
Flambeau : Marc BARRARD
; Le Prince Metternich :
Franco POMPONI
;
Le Maréchal Marmont : Antoine GARCIN ;
Frédéric de Gentz : Yves
COUDRAY ;
l’Attaché
militaire français : Éric VIGNAU
; Le Chevalier de Prokesch-Osten : Yann
TOUSSAINT ;
Arlequin :
Anas SEGUIN
;
Polichinelle, un matassin : Camille TRESMONTANT
; Un Gilles : Frédéric
LEROY.
Photos © Christian Dresse :
1. Salon de Schönbrunn;
2. Le Duc et Thérèse de Lorget (D'Oustrac, Gombert);
3. Le Duc et Flambeau (D'Oustrac, Barrard);
4. Metternich (Pomponi);
5. Le Duc et Prokesh (D'Oustrac,Toussaint);
6. Fanny Elssler et le Duc (Janot, D'Oustrac) ;
7. Mort de Flambeau;
8. Wagram;
9. La mort de l'Aiglon (D'Oustrac, Roussenq).
jeudi, février 18, 2016
Samedi 27 février salle Armand-Lunel bibliothèque Méjanes (Cité du Livre à Aix)
rencontre autour de la vie et de l’œuvre d’Henri Tomasi, le compositeur marseillais d’origine corse (1901-1971)
.
- A 14 h 30, la projection du film Le Requiem perdu , de Jacques Sapiéga (Copsi), en présence du réalisateur. Un document de 52’ magnifique, passionnant et émouvant à la fois, tourné en 1996, qui, à travers le premier enregistrement, en juillet 1996, du Requiem pour la paix , écrit après la guerre, disparu ensuite et enfin retrouvé, éclaire un moment particulièrement important de la vie de son compositeur.
- A 16 h 30, rencontre avec Jean-Marie Jacono et Lionel Pons, co-réalisateurs du livre : Henri Tomasi, du lyrisme méditerranéen à la conscience révoltée (Presses Universitaires de Provence), la première synthèse de la recherche musicologique sur Henri Tomasi ; rencontre suivi d’une écoute musicale en présence de Claude Tomasi, fils et biographe du compositeur.
THÉÂTRE NONO
mardi, février 16, 2016
Le songe ou (cauchemar) d’une nuit d’été
THE FAIRY QUEEN
D’HENRY PURCELL
Opéra Grand Avignon
10 février 2016 février 2016
Présenté comme semi-opéra, The Fairy Queen est, plus précisément ce que la
tradition anglaise, depuis le XVIe siècle, appelait masque ou mask, une suite de divertissements
scéniques musicaux, qui deviendront des intermèdes à des pièces de théâtre
parlé au cours du XVIIe siècle, et l’on connaît la qualité de ceux
de Purcell. Ainsi, la pièce fameuse de Shakespeare A Midsummer Nigth’s
Dream, ‘Le Songe
d'une nuit d'été’, fut dotée d’un livret (Elkanah Settle ?) en résonance
mais sans correspondance précise avec l’intrigue de la pièce principale, ce qui
eût été une redondance avec le texte principal, qu’il mit en musique. La
première eut lieu au Dorset Garden à Londres, en avril 1692. La partition,
perdue deux fois au XVIIIe siècle (sans doute non imprimée) fut
redécouverte en 1901.
RÉALISATION ET INTERPRÉTATION
Depuis la Tétralogie de Chéreau à Bayreuth en 1976, déjà
précédé par Ponnelle, depuis donc un demi-siècle, nous sommes habitués –ou
résignés– au règne des metteurs en scène qui trouvent sans doute indigne de
leur talent de s’abaisser à
respecter la volonté historique des auteurs et s’adonnent à la
« modernisation » arbitraire des œuvres avec ce désormais académisme
du prétendu non académisme dans une naïve surenchère de l’originalité de leur
« relecture », devenue un lieu commun des plus communs sur tous les
théâtres. Certes, on peut difficilement
dater les fantaisies oniriques de Shakespeare et Purcell, A Midsummer
Night’s Dream
(entre 1592 et 1595) et The Fairy Queen (1692) qui en était des intermèdes : leur monde d’elfes et de
lutins sans âge laisse de la latitude temporelle au metteur en scène. Tout en
concédant la liberté créatrice inaliénable de l’interprète qu’est le metteur en
scène, le bond, –ou le gouffre– que lui fait franchir la par ailleurs
talentueuse Caroline Mutel est sidéral, sidérant, en situant The Fairy Queen, cette ‘Reine des fées’, durant la
Grande Guerre, même couronnée par l’Armistice à drapeau victorieux au vent ou
fraternisation du soldat à casque à pointe couronnée d’une aigrette avec le
Français, casque du coquettement paré d’un plumet tricolore, trinquant
allègrement. En sorte que, à deux ans des commémorations du centième centenaire
de la Grande Guerre, ou en plein anniversaire de la bataille, dix mois, de
Verdun commencée en février 1916, dans ce belliqueux contexte, le texte
humoristique de la pièce ne prête guère à rire, ni même à un lourdingue Sourire
d’une nuit d’été de
Bergman et le Songe et sa féerique musique, dans un décor de ruines (Denis
Fruchaud et
Analyvia Lagarde),
des costumes d’époque (Pascale Barré) où ne manquent ni l’infirmière des urgences inutiles ni le
prêtre, pour l’extrême-onction sans doute, s’engouffrent ici davantage dans le cauchemar de la
terrible boucherie de 14/18.
Ainsi, Le poilu, uniforme couleur
horizon, arrivant par la salle, fusil à l’épaule (sans pacifique fleur), un
fanal à la main (souvenir de la lune de Pyrame et Thisbé de la pièce
originale ?), jouant ensuite, livre à la main, le poète ivre, désamorce
par l’explicite connotation guerrière du personnage, non son arme mais la
plaisante chanson bachique bégayée qui est supposée faire rire malgré
toute la beauté du timbre sombre de Frédéric Caton (Poète ivre / Sommeil / Hiver /
Hymen). On a l’impression que tout est construit, passerelle un peu surélevée
pour le monde des elfes, qui descendent ou condescendent vers les humains, que
tout converge sur le lamento magnifique « O, let me weep… », chanté
de façon déchirante par la mezzo Sarah Jouffroy (Deuxième fée / Le Mystère) sur le
casque du soldat disparu. Mais la déploration sur la perte d’un être cher est
intemporelle et le drame individuel se relativise et s‘amoindrit dans la tragédie collective ou les
pertes se comptaient par millions.
D’autre part, le
livret de Purcell est très loin du texte de Shakespeare, et la distance que
prend Mutel de celui-ci nous en éloigne tant –d’autant que, pour compliquer
l’affaire, presque tous les chanteurs interprètent plusieurs personnages– il
faudrait une clé des songes pour décrypter qui est qui et ce qui se passe sur
scène, ce qui devient, au critique un « cauchemar plein de choses
inconnues » comme disait Baudelaire de Goya, et la nécessité laborieuse de
recourir aux photos des « bios » du programme pour identifier les
interprètes.
Occupant un vaste
espace du plateau, l’orchestre des Nouveaux Caractères est sur scène à jardin, trompette et
percussions à cour, tournant court forcément les déplacements des acteurs dans
un espace rétréci, ouvert sur le fond, avec inévitable perte sonore pour les
chanteurs selon leur place, la musique,
et encore plus les voix, que le veuillent ou non les mises en scènes
« modernes », étant toujours fatalement spatialisée. La fraîcheur du
joli soprano de Virginie Pochon (première fée) en fait les frais pour sa projection ainsi
que le contre-ténor Christophe Baska (Le Secret / Été) trop distant. Derrière un voile nocturne
en fond de scène, plus puissante, Caroline Mutel (La Nuit / Première femme) déploie
le charme d’un soprano rond et voluptueux, déroulant ses belles et langoureuses
vocalises. Mieux servi en ses déplacements vers l’avant-scène, le ténor Thomas
Michael Allen,
d’abord en insolite soutane (Automne / Un Chinois), s’impose agréablement. La
soprano dramatique Hjördis Thébault, campe une Seconde femme qui mérite d’être première par la
force et la souplesse d’un timbre séduisant, fruité, et d’une virtuosité qui
défie la vertigineuse dentelle de vocalises de sa partie.
Corydon est le nom
traditionnel des bergers de l’Arcadie poétique. Est-ce alors un souvenir
malicieux du premier vers des Bucoliques de Virgile : « pastor Corydon ardebat
Alexim », ‘le berger Corydon désirait Alexis’, qui nous vaut la seule
scène vraiment plaisante du spectacle, ce mariage gay qui clôt joyeusement la
série matrimoniale entre un l’hilarant ténor Julien Picard (Mopsa) et un fort en gueule et
voix magnifique Ronan Nédélec (Corydon)? Singularisé par une seule apparition finale en
Phoebus affublé d’un pectoral doré très aztèque, le baryton Guillaume
Andrieux est
rayonnant en souriant astre du jour.
Si l’on discute cette
mise en scène, sans féerie ni surtout la folie dont se réclame la metteur en
scène dans sa Note d’intention, d’une partition et d’un texte qui nous promènent dans les
lieux rhétoriques du baroque lyrique fixés par Cavalli et adoptés dans
toute l’Europe, La Nuit, le Sommeil, le Secret, le Mystère, les Saisons, il
reste, heureusement, la merveille, vraiment féerique, impalpable et si concrète
de cette musique de Purcell qui se cite, comme l’amorce de la gamme descendante
du lamento de Didon, tel jeu sur des mots privilégiés.
À la tête des
Nouveaux Caractères, Sébastien d'Hérin dirige cet ensemble baroque, certes
apparemment moins nourri que celui dont bénéficia Purcell pour la création, de
manière à la fois souple et précise, assez nourrie cependant, répondant bien à
la chair des voix des interprètes qui, malgré les handicaps soulignés de la
scène, ne sont pas éthérées ou décolorées par une conception moderne bien
erronée de la réalité de la vocalité baroque attestée en documents. Longue
suite de danses, dont une somptueuse chaconne finale très développée presque
symphoniquement sertie du joyaux de songs, peut-être une simple version concert eût-elle suffi
à notre bonheur.
Même si certaines
images, on ne le niera pas, sont belles, dont le dernier groupe de mondains
festifs, avec ces lumières ombreuses de Fabrice Guilbert, entre veille et rêve, qui jouent avec
art à paraître un éclairage baroque « naturel », avec rampe, cette
rêveuse Nuit en transparence, la lumière dorée baignant l’orchestre, caressant
les instruments. Mais, rapporté au texte, le traitement scénique guerrier, sans
être pour autant effrayant est effarant plus que féerique.
l'Orchestre
des Nouveaux Caractères.
Direction
musicale : Sébastien d'Hérin.
Mise en
scène : Caroline Mutel. Décors : Denis Fruchaud et Analyvia Lagarde.
Costumes : Pascale Barré.
Lumières : Fabrice Guilbert.
Distribution :
Première
fée : Virginie Pochon.
La Nuit / Première femme : Caroline Mutel.
Seconde
femme : Hjördis Thébault.
Deuxième fée / Le Mystère : Sarah Jouffroy.
Le Secret /
Été : Christophe Baska.
Automne / Un Chinois : Thomas Michael Allen.
Mopsa :
Julien Picard.
Poète ivre / Sommeil / Hiver / Hymen : Frédéric Caton.
Corydon
: Ronan Nédélec.
Phoebus : Guillaume Andrieux.
Photos fournies par l'Opéra grandAvignon
mercredi, février 10, 2016
LE MONDE EN MUSIQUES
Espace des Libertés - Aubagne
✦ Nabankur BHATTACHARYA & Maitryee MAHATMA [Tablas et danse indienne]
✦ Lévon MINASSIAN
[Musique d'Arménie & doudouk]
✦ Maria SIMOGLOU [Chants grecs]
✦ Ensemble SERAPHICA [Polyphonies corses]
✦ Dorsaf HAMDANI [Chant classique tunisien] avec l'aimable participation de Fouad DIDI
Programme sous réserve de modification
Durée : 1h40 environ
Retrouvez les tarifs et informations pratiques ici.
MASTER-CLASSES #2 | Du 8 au 19 février
Conservatoire d'Aubagne
Le concert #2 est organisé suite aux master-classes données par
ces mêmes artistes du 8 au 19 février au Conservatoire d'Aubagne.
À l'occasion de ces ateliers vocaux et musicaux, les artistes, les participants et l'équipe de l'IIMM se tiennent à la disposition des médias pour répondre à de courtes interviews, séances photos
ou séquences filmées.
mardi, février 09, 2016
ENFANTIN SANS ENFANTILLAGE
CONCERTANT CHEVALIER DÉCONCERTANT
LE CHEVALIER DÉCONCERTANT
Récit en musique de Raoul Lay
Livret de Raoul Lay et Charles-Éric Petit, d’après E.
Raspe
Création
Vendredi 5 février
Bibliothèques Départementales Gaston-Defferre,
Marseille
Moins déconcertant chevalier que
concertant car tout concerte ici, musique, mise en scène et texte pour faire de
ce Münchhausen en herbe, bavard baron, bavasseur bambin barré, bardé de
bobards, de phrases, pris au mot, aux jeux de mots, non un concert sinon ce qu’au
XVIIIe siècle, après Rousseau et son Pygmalion, on appellera, au sens strict du
mot, un mélodrame, du théâtre déclamé entre et sur de la musique (le Tchèque
Benda s’en fera une spécialité et même Mozart sacrifiera au genre avec Thamos,
roi d’Égypte, le
Pierrot lunaire de
Schönberg en étant un moderne avatar).
Mélodrame,
mini drame de minots en l’occurrence, sans outrance minimisé grâce au charme
d’un texte de Raoul Lay et Charles-Éric Petit qui sait jouer, sans emphase, de l’enfance sans infantilisme,
déjouant le piège dramatique de la cruauté enfantine des cours de récré, des
bancs impitoyables de l’école, où Rudolf, jouant malgré lui les têtes de turc,
va devenir, par le jeu, la tête d’un groupe d’amis,Wolf, Bolto, Flynt et Owen,
se jouant du harcèlement, des persécutions, résistant à l’agression par l’arme
du verbe : les mots contre les maux. Plutôt que de devenir une grande âme
d’avance trahie par la vie, il met de l’art, de l’imaginaire dans la vie.
Les
six musiciens arrivent (et repartiront) au grand galop désordonné d’écoliers
turbulents dans la salle de classe quand la cloche sonne l’entrée et la sortie
et les instruments deviennent faciles facéties, clarinette longue-vue, cordes
pincées du clavier, bâillement de l’accordéon, miaulements, couinements,
prélude forain étirant les tonalités, qui n’a pas oublié la valsante fête
foraine de Wozzeck,
comme la rythmique parfois cligne du coin de l’œil vers L’Histoire du soldat de Stravinsky. Directeur de l’Ensemble
Télémaque voué à la
musique contemporaine qui court l’Europe et créateur du PIC qui la reçoit (Pôle Instrumental
Contemporain), le compositeur Raoul Lay, dont on sait la vaste culture musicale, nous offre
en souriant ses citations amicales insérées dans son complexe tissu personnel
musical, et dirige du piano, avec la minutieuse rigueur et la gestuelle
géométrique qu’on lui connaît, ses musiciens ravis.
Le
texte s’amuse à être amusant et nous amuse, nous prenant dans son jeu, mais
sans abus d’enfant ou d’enfantillage, semé de jeux de mots pas trop
téléphonés : l’écrivain qui se livre »,
« le canard qui se confie », « le canard laquais », sur des cocasses
caquètements cancannants de la musique, et les images plaisantes fusent :
« le binoclard, têtard à hublots », « la meute des mâles »,
« l’agité du bocal ».
C’est
plaisant sans forcer la note, mais les notes suivent : onomatopées
musicales, transcriptions sonores de bulles de bandes dessinées qui font partie
d’un répertoire devenu aujourd’hui patrimoine moderne : coups de timbales,
vibrations du vibraphone, pépiement de flûte, éclat décalé expirant de
trompette comme un pneu qui se dégonfle. La musique dessine, anime par ses
figures ces figurations de dessin animé.
Tous
les musiciens entrent dans un jeu autant réglé par la musique que par la mise
en scène, pratiquement musicale, d’Olivier Pauls. Il est vrai qu’il joue et jouit
d’un instrument exceptionnel avec la comédienne Agnès Audiffren, aussi à l’aise dans les grands
rôles tragiques que dans cette comédie qui l’insère étroitement, chorégraphiquement,
en musique, dans la musique et entre les musiciens. Chaussée de bottes, chemise à jabot, jaquette dix-huitième
siècle, affublée et offusquée d’une fantaisiste perruque bicolore, elle se
glisse avec souplesses ou fausse maladresse garçonnière entre les musiciens,
entre notes et mots qu’elle nous distille avec une grâce et un humour,
irrésistibles, nous tenant en haleine pendant près de cinquante minutes, sans
répit, avec un texte à une voix, paradoxale monodie polyphonique, unique par le
narrateur impersonnel qui conte, et multiple par les personnages qui racontent,
la bande des cinq, les cinq galopins attendrissants. Coulée dans la musique,
admirablement dirigée, elle joue une partition physique, visuelle de tout son
corps et de son mobile visage où passent toutes les émotions.
Finalement,
cette parabole, sans fariboles, s’envole, à son échelle modeste, du côté des
grands fous dont la folle sagesse rachète la folle folie du monde : Don
Quichotte au grandiose, poétique et éternel esprit d’enfance.
Bon enfant mais non infantilisant,
pour enfants et grands, inscrit dans le programme de Télémaque, Grandes musiques pour petites oreilles, ce récit musical nous invite
sympathiquement à les ouvrir toutes grandes, même nous, qui ne sommes pas
petits.
Photo
©ensembletelemaque : Agnès Audiffren
LE CHEVALIER DECONCERTANT
Création
- Récit en musique - à partir de 9 ans
Musique
: Raoul Lay
Livret
: Raoul Lay et Charles-Eric Petit, d'après E. Raspe
Mise
en scène : Olivier Pauls
Comédienne
: Agnès Audiffren
Musiciens
: Charlotte Campana, flûte; Linda Amrani, clarinette ; Gérard Occello, Trompette ; Solange
Baron, accordéon ; Christian Bini,
percussions ; Raoul Lay, Clavier Electrique, samples et direction.
PROJET PÉDAGOGIQUE
Entre
janvier et mai 2016, une centaine de collégiens - Henri Barnier (16ème), Jean
Moulin (15ème), Darius Milhaud (12ème) - vont suivre des ateliers de pratique
vocale et percussions pour donner, aux côtés des musiciens de Télémaque, une
version « enrichie » du Chevalier Déconcertant en mai 2016 à l'Alhambra.
CALENDRIER DES REPRÉSENTATIONS
Jeudi
4 février à 14h30 au PIC – 16ème arr. (Séance scolaire)
Vendredi
5 février à 14h30 à la Bibliothèque Départementale Gaston Defferre – 3ème arr.
(Séance scolaire)
Vendredi
5 février à 19h00 aux Bibliothèques Départementales Gaston-Defferre – 3ème arr.
Samedi
6 février à 15h00 au Château de la Buzine – 11ème arr.
Mercredi
10 février à 15h00 au Musée du Château Borély – 8ème arr.
Jeudi
11 février à 10h00 et 15h00 à l'Atelier des Arts – 9ème arr. (séance centres
aérés).
PROGRAMME
DU PIC (Pôle Instrumental
Contemporain)
36 montée Antoine Castejon,
13016 MARSEILLE
Réservations :
04 91 39 29 13
13 mars 17h30
: MALUCA BELEZA Quintet musique
brésilienne - jazz
25 mars, 19h00 :
CHŒURS DE FEMMES
-Biennale des
écritures du réel
26 avril 19h30 :
ENSEMBLE TÉLÉMAQUE
: Concert en
partenariat avec la Casa de Velázquez
de Madrid
31 mai 19h30 :
COMME JE L'ENTENDS
Benjamin Dupé