Enregistrement 31/08/2015, passage,
semaine du 21/10/2015
RADIO DIALOGUE (Marseille : 89.9
FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE
BLOG-NOTE DE BENITO » N° 192
Lundi, 12h15, 18h15, samedi à 11h45
Malheur
aux barbus !
Vous
aurez remarqué l’épidémie de barbe qui sévit en ce moment. Ils n’en meurent pas tous, mais tous
en sont frappés. Enfin presque. Il aura suffi qu’un seul se laisse pousser un
poil et les barbus poussent tout seuls. Et ce qui était originalité au départ
devient banalité à la douzaine, suivisme de moutons. Et quand le bon berger
poilu se rasera, voilà que sonnera l’heure de la tonte pour tout le troupeau.
Comme il y a eu la mode de la poilante dépilation généralisée : non
contents de se raser la boule à zéro, ces messieurs (faut voir dans les salles
de sport) se faisaient épiler intégralement pour avoir des corps glabres comme
Ken, le héros formé en plastique,
fiancé de la poupée Barbie à la plastique formatée.
Mais revenons
à nos moutons barbus. En laissant de côté, physiquement, tout ce qu’implique
cette pilosité proliférante (qui capte les pollens et les mauvaises senteurs,
qui devient bavette de bave, de sauces dégoulinantes, avec son odeur, sa
laideur, son impression de saleté), on peut se demander, psychiquement, ce qui
pousse ces jeunes gens à laisser pousser leurs poils, à passer pour des
barbons, des hommes mûrs sinon blets, avec tout ce que connote la barbe de
barbant, de barbifiant. Doutent-ils de leur masculinité au point de se
rassurer, comme des adolescents, par le poil au menton ? On n’affiche jamais
que ce qui manque à sa place disent les psys. Mais un psy lacanien vous dira,
messieurs les machos, que, loin d’affirmer la virilité votre moustache ou
barbe, par cette transformation poilue de la bouche, laisse inconsciemment,
parler… une féminité, disons pudiquement, très intime, faisant de la bouche
d’un homme un sexe de femme. Et si certaines femmes raffolent du baiser barbu,
sans doute est-ce une ruse de l’inconscient qui, leur permettant de surmonter
le tabou, les autorise à s’autobaiser…
Mais
ne coupons pas les cheveux, les poils en quatre dans le sens de la largeur.
Comme si nos sociétés occidentales ne souffraient pas assez de certains barbus
fanatisés, faut-il qu’un bête bétail de fanatiques de la barbe les prenne pour
modèle? Le drame c’est qu’à esprit moutonnier, pensée unique.
Comme disait Pierre
Dac dans sa célèbre et vieille émission :
« Malheur aux barbus
! »
Vivent
les Barbu(e)s !
Mais
voilà que je rase gratis et, comme les rhéteurs de l’Antiquité, les sophistes
qui fascinaient les Grecs en prouvant aussi brillamment le pour et le contre,
après cette diatribe contre les barbus, après cette sortie, pour cette rentrée,
je vais faire l’éloge des barbu(e)s. Oui, des barbu(e)s . Mais attention, non
pas des barbUS mais des barbUES, des bar-bes fé-mi-ni-nes : non pas des femmes à barbe, autrefois
objet de foire et de triste et cruelle dérision, mais de femmes, de vraies
femmes, féminines jusqu’au bout des ongles, bref, un quatuor féminin, qui
arbore la barbe de manière non ré-barba-tive, mais très ro-bo-ra-ti-ve.
J’ai nommé LES 4
BARBU(E)S,
« Quatuor vocal à rebrousse-poil ». Ratées d’un poil à
Marseille cet hiver, cet été, entre deux festivals, j’ai saisi l’occasion
par les cheveux sinon le poil et j’ai couru les rattraper à celui d’Avignon où,
malgré la canicule, leur fraîcheur barbifère faisait salle comble dans le Off.
Off, Ouf ! les voilà qui reviennent à Marseille : on aura la chance
de les entendre et voir au Théâtre de Lenche du 26 septembre au 1er
octobre. Mais, miracle de leur disque « live », si Mais si
l’on écoute la plage 1, en guise de préambule et d’ouverture de leur disque et
spectacle, on reconnaît, avec un miaulement qui rappelle son fameux Duo pour
deux chats,
la fameuse ouverture du bien nommé Barbier de Séville de Rossini, en rien
barbant, on le sait, détourné par le regretté Francis Blanche pour le répertoire de son
groupe jadis célèbre des QUATRE BARBUS.
Et ces quatre
chattes malines, Isabelle Bonnadier, soprano qui passe allègrement du baroque Dowland
à l’allégresse parodique du cabaret, Josette Lanlois, Sabine Venaruzzo, Sarah Vernette, chanteuses et actrices,
sous la férule, la cravache plus que sous la baguette de la rude maîtresse Dominique
Glory au
piano, piano très forte, se sont emparées bien du mâle répertoire avec la
complicité de Jean-Jacques Minazio pour la mise en scène, Bruno Habert pour les arrangements
musicaux que dirige Vanessa Pont.
Les vieilles barbes n’ont
pas oublié les Quatre Barbus, quatuor vocal masculin des années 50 aux refrains
frondeurs anarchistes, proche d’esprit des spirituels chansonniers, satiristes
attentifs de l’actualité politique, qui faisaient le bonheur des spectateurs et
auditeurs de la radio, qui imposèrent, en une époque où l’on partageait encore
une culture générale mais assez pointue, musicale et littéraire, heureusement
dispensée par l’Ecole de la République, des parodies désop(o)ilantes, de
célèbres morceaux que tout le monde connaissait, Schubert et sa Truite, Rossini et son Barbier, et un Beethoven dont les
fameux premiers accords de la Cinquième Symphonie étaient l’indicatif de
Radio Londres pendant l’Occupation. Sans compter des comptines, ces
dames aux barbes postiches multicolores prennent joyeusement à leur compte,
pour notre bonheur, des chansons traditionnelles, de marins, tout un répertoire
d’une culture à la fois savante et populaire sauvé des outrages de l’oubli. Ainsi, Nous n’irons plus au
bois… ne frissonne plus de la peur du
loup mais de la crainte de ne pas enfin le rencontrer… Ces dames se lancent
avec ferveur dans dans les accents vigoureux de cette
chanson libertaire, Révolte,
attribuée à Sébastien Faure,
anarchiste (1858-1942) :
Couplet
Nous sommes les persécutés
De tous les temps et de toutes les races.
Toujours nous fumes exploités
Par les tyrans et les rapaces.
Mais nous ne voulons plus fléchir
Sous le joug qui courba nos pères,
Car nous voulons nous affranchir
De ceux qui causent nos misères.
Refrain
Église, Parlement,
Capitalisme, État, Magistrature,
Patrons et Gouvernants,
Libérons-nous de cette pourriture !
Pressant est notre appel,
Donnons l'assaut au monde autoritaire
Et d'un cœur fraternel
Nous réaliserons l'idéal libertaire.
Mais c’est aussitôt
contrebalancé par la dérision du Parti d'en rire, expression devenue
proverbiale, de Francis Blanche sur l’obsédante scansion du Boléro de Ravel :
Oui, notre parti, parti d'en rire
Oui, c'est le parti
De tous ceux qui n'ont pas pris de parti...
Sans parti-pris, nous avons pris
Le parti
De prendre la tête d'un parti
Qui s'ra t'un peu comme un parti
Un parti placé au-dessus des partis,
Don, on le redit, pas la peine de couper en
quatre les poils ou cheveux des jeux de mots : ces dames, dans leur
présentation au poil ont usé, les rusées, tous les ressorts et tout ce qu’on
eut tenter péniblement de dire, ne semble que plate redite. Elles sont
poilantes, pas rasantes, et avec ce spectacle poilant, hilarant, qui n’a besoin que de quelques accessoires, chaises, portemanteaux et barbes en plastique, au service de leur pétulance, pour créer la capillarité de l’hilarité.
Moi, qui
trouve ridicules les barbus qui prolifèrent comme des moutons en attente de
tonte (tontontontaine), je rends les armes et dépose le rasoir vengeur devant
ces dames (non) barbues qui sauvent un patrimoine culturel populaire en
perdition. On ne peut les quitter sans évoquer les fameux coups du destin de la
5e symphonie de Beethoven accommodée par Pierre Dac et Francis Blanche, qui
devient une inénarrable épopée de La pince à linge qui nous fait pincer pour elles et son génial inventeur.
Théâtre
de Lenche
Place
de Lenche,
Marseille,
13002
Les
Quatre Barbu(e) s
Samedi
26 septembre à 19 h. (entrée libre dans le cadre de la « Fête
d’automne », pas de réservations).
Dimanche
27 à 16 h.
Mardi
29 à 20 h 30.
Mercredi
30 à 19 h.
Jeudi
1er octobre à 19 h.
Renseignements
et location au théâtre : 04 91 91 52 22.
www.theatredelenche.info