jeudi, juillet 31, 2014

ANNONCE FESTIVAL



rambois
Lourmarin
• •
St Estève-JansoDUn DU 8 AU 24 AOÛT
10 Spectacles

Puget
• • Mirabeau
• • Lauris
Lourmarin
 St Estève-Janson
Grambois
Mirabeau
Cucuron
Le Puy Ste Réparade
Spectacles accessibles, nous prévenir pour un meilleur accueil 


 Vendredi 8 août à 19h, Centre village de Cucuron, gratuit
 Samedi 9 août à 19h, Centre village de Mirabeau, gratuit
Parade tzigane
Ensemble tzigane d’Istambul, Samedi 9 août à 19h30 Château de Mirabeau  [22-25 €]
Cabaret Ensemble tzigane d’Istambul Jeudi 14 août à 19h Les Jardins de Magali - Lauris [13-16 €]
ApérOpérA
Claudia Sorokina - Patrick Agard - Vladik Polionov Vendredi 15 août à 21h temple de Lourmarin [22-25 €]
Cantates Comiques
Dominique VISSE et l’ensemble ‘‘Café Zimmermann’’
Samedi 16 août à 21h , Château Paradis Le Puy Ste Réparade [13-16 €]

Flamenco ‘‘ Por Primera Vez ’’
Trio Fernandez - Sarah Moha
 Dimanche 17 août à 19h Château La Verrerie - Puget sur Durance
ApérOpérA
Claudia Sorokina - Patrick Agard - Vladik Polionov [13-16 €]
> Jeudi 21 août à 19h Château d’Arnajon - Le Puy Ste Réparade
ApéroJazz
BIG BAND de Jazz d’Aix en Provence [13-16 €]
> Vendredi 22 août à 21h
Théâtre du Vallon de l’Escale;  St Estève-Janson [17-20 €]
‘‘L’importance d’être d’accord’’
« Ad Fontes Canticorum » > Dimanche 24 août à 19h, Place de l’église de Grambois [13-16€]
BIG BAND de Jazz d’Aix-en-Provence

L’adhésion à l’année [15€] = tarifs réduits !
ApéroJazz
Renseignements / Réservations
Secrétariat du FDL et contact presse
festivaldurlub@gmail.com 06 42 46 02 50
Billets en vente
FNAC / Carrefour / Hyper U www.festival-durance-luberon.com
ww.festival-durance-luberon.com

FESTIVAL DE POURRIÈRES


UN PETIT GRAND FESTIVAL

L’OpérA/uvillage
Pourrières

    Le  petit festival L’OpérA/uvillage de Pourrières fête ses dix ans. Ce sympathique festival est singulier et pluriel : singulier par le lieu, la vocation vocale originale, et pluriel parce qu’il est né du rêve, du vœu collectif d’un groupe d’amis habitant Pourrières, qui s’est concrétisé par la participation de nombreux bénévoles de  tout le village autour du projet.
Histoire et lieu
     Mais un peu d’histoire puis un peu de géographie. L’histoire : un jour, un beau jour, un ténor irlandais, Uele Dean, passe par le village, en est charmé, s’y installe, donne des cours de chant, des concerts, crée un jumelage entre ce village minuscule du sud avec Armoy, en Irlande. Malheureusement, pour des raisons de santé, il abandonne son projet mais, œuvrant pour les voix, il ouvrait une voie, et les chanteurs qu’il avait formés, décidèrent de poursuivre l’aventure, bel hommage à l’initiateur malade.
   Avec une poignée de bénévoles, Ingrid Brunstein, une Allemande amoureuse de notre région, porta sur les fonts ce qu’elle appela « l’OpérA/u Village », assumant pendant trois ans la présidence, qui deviendra tournante.  Un hôte capital du village, Jean de Gaspary, propriétaire et restaurateur du petit Couvent des Minimes, désireux d’y accueillir des artistes mit ce lieu à leur disposition. Ainsi naquit le premier spectacle Orphée et Eurydice, de Gluck. Cette première expérience imposa la nécessité de faire appel à des professionnels.
   Apparaissent alors, en 2006, deux artistes professionnels, Bernard Grimonet et Luc Coadou, passionnés par le projet qui décident d’assumer bénévolement les responsabilités, respectivement, de metteur en scène et de directeur musical. Les chanteurs sont recrutés sur audition par un jury de professionnels et l’association, le jeune festival affirme son double objectif : produire des opéras comiques rares, parfois inédits et donc inouïs, à découvrir ou redécouvrir et offrir une première scène à des jeunes chanteurs, entourés d’artistes aguerris. S’ajoute, par ailleurs, l’organisation de concerts et des événements artistiques de qualité avec des artistes de renom. Bref, dans ce coin de Provence, un festival éclot, s’implante, sème et essaime dans le village, récoltant la bienveillance, par définition, de bénévoles, qui forment une vaste équipe d’accueil des artistes et des spectateurs, brassés dans une convivialité chaleureuse où le programme musical se mêle au menu culinaire à thème adapté de l’œuvre, concocté par les villageois eux-mêmes et dégusté éventuellement, avant le spectacle, dans un lieu unique, dont il faut parler.
     La géographie, elle fait partie du charme du lieu, j’en ai déjà parlé. Disons, que, venant d’Aix, du nord-ouest, là où s’apaisent les dentelles de la Sainte Victoire en molles ondulations, se hausse, du col de son clocher provençal à campanile en fer, le village de Pourrières, face aux vagues montantes des monts Auréliens au sud-est, où serpente parmi les vignes la route qui vient de Trets, de Marseille via Gardanne. Route et autoroute tracent leur ligne bleue sur la plateau qui conduit à Saint-Maximin, vers la Côte d’Azur. Nous sommes, effectivement, dans une côte et cote d’amour qui s’infléchit en un chemin creux vers le petit couvent des Minimes.
      Un toit oblique chapeauté d’un plat clocher triangulaire ajouré, aiguisé de deux pignons pointus,  offre sa façade de guingois à un fronton classique, mince frontispice dorique rappelant le XVI e siècle de la construction : humble construction que des moines campagnards bâtirent patiemment en assemblant à l’ancienne, une à une, ces pierres roses ou rousses, liées d’un peu de mortier. Une muraille en moellons apparents, soulignée et ombragée d’une ligne de marronniers séculaires, sous lesquels se dressent ordinairement les joyeuses tables du repas à thème servi par les bénévoles du lieu, embrasse plus qu’elle ne ceinture, le couvent. Mais aujourd’hui, les sourcils froncés de nuages d’orages, ont contraint les tables festives à se replier sous les arcades propices du petit cloître, en simple appareil de pierres crues, une galerie au modeste dos voûté autour d’une courette à laquelle un marronnier tutélaire offre un ciel vert, parasol le jour, parapluie ce soir,  dais végétal la nuit, éventant mollement de sa palme les étoiles d’été ou, miracle du soir, semblant épousseter, repousser les nuages frondeurs. C’est dans ce lieu amical qu’aura lieu le spectacle, qui se riera des intempéries.

ÎLES HILARANTES
   C’est le facteur commun des deux œuvres peu communes programmées ce soir : comme au temps de leur création, deux pétulantes et pétaradantes opérettes se partagent cette année l’affiche joyeuse.

Les Pantins de Violette d’ Adolphe Adam
     Ouvrant le ban, Adolphe Adam (1803-1856), très connu pour son Postillon de Longjumeau (1836), son ballet Giselle (1841), mais inconnu pour cette œuvre si rare qu’elle n’existe même pas en disque , Les Pantins de Violette (1856, mort quatre jours après). C’était une commande de Jacques Offenbach (1819–1880) pour son petit théâtre, les Bouffes-Parisiens. Le mince livret de Battu et Halévy joue sur la mode déjà ancienne des automates, connus depuis l’Antiquité, relancée par Vaucanson au siècle précédent, remise au goût du jour par le romantisme allemand fantastique d’Hoffmann et ses contes, qui nourriront plus tard l’inspiration d’Offenbach. Sur une île déserte, qui rappelle aussi celles, nombreuses en littérature (chez Marivaux aussi) où vit encore une humanité innocente préservée de la civilisation, Alcofribas, l’enchanteur, veut préserver la pureté virginale, disons en langage fleuri la rose de Violette pour la garder intacte pour son fils Pierrot. Il lui fait croire que le monde n’est peuplé que de pantins pantois par lui fabriqués, mais la fille reste une poupée de chair rêvant de faire paire sans impair, insatisfaite et exigeante, car depuis La Fontaine et son conte, on sait Comment l’esprit vient aux filles grâce à certain jeu à deux :

Le beau du jeu n'est connu que de l'époux;
C'est chez l'Amant que ce plaisir excelle.

Colette en fera un récit plus coquin et malin que cette bourgeoise bluette fleur bleue. Un Deus ex machina, logique pour ces machines et cette machination mécanique, rendra tout le monde heureux : la morale bourgeoise est sauve.
     Le thème est mince, la trame musicale, jolie. Partition trouvée  par les complices ingénieux du lieu à Avignon : une ouverture en trois partie, d’abord entraînante avec une sicilienne, une barcarolle berceuse pour second mouvement langoureux, et une sorte de saltarello ou de tarentelle joyeuse en troisième. On trouve, vocalement, des passages obligés de l’opéra ou l’opérette hérités du baroque, l’air du canari où la chanteuse rivalise avec la flûte, l’orage zébré d’éclairs de cordes, l’air faussement pastoral, l’air de « liste (ici, de métiers), les battements de cœur de l’opera buffa depuis La Serva padrona. C’est une musique agréable, pleine de métier, simple mais nourrie de références savantes, et la délicate réalisation musicale de Luc Coadou a beaucoup de charme. Il dirige un petit mais efficace effectif musical, Stéphanie Périn (violon), Virginie Bertazzon (violoncelle), Cécile Hann-Fritsche (alto), Jean-Luc Bonnet (flûte), Isabelle Terjan (piano) et Angélique Garcia dont l’apparemment insolite accordéon nappe d’argent le continuo musical.
     Marion Rybaka, la belle Violette, pour la première fois sur scène, a une belle présence et un joli soprano qui assouplira ses vocalises ; Claire Devy, qui débute aussi, travestie en Pierrot, déploie un mezzo ombré très solide ; Guilhem Chalbos, ténor, est un épisodique Polichinelle pantin robotisé ; quant à Pierre Espiaut, ténor qui n’est pas inconnu de nous, enchanteur attifé de foutraque façon, de raphia farfelu, fantasque, facétieux, loufoque, fou-fou-fou, nous enchante par sa verve et sa veine comique. Nous retrouvons ces jeunes et excellents chanteurs et comédiens, qui s’en donnent à cœur joie, pour la nôtre, dans l’œuvre suivante, avec la  complicité de trois autres interprètes et de deux athlétiques « porteurs » à chevelure touffue d’Océanie (Mathieu Duriff, Jules Phocas).
    La scène reste donc chaude pour l’opérette suivante, la scénographie astucieuse des compères Jean de Gaspary et Bernard Grimonet déjà plantée, hutte ou cahute, paillote, masques polynésiens et le marronnier comme un totem enraciné dans cet exotique décor des antipodes (Gérard, Alain, Michel, Dominique, Jean-Pierre et les autres…), verdissant de rage ou de renouveau printanier sous les lumières de Sylvie Maestro. Les costumes, à grand renfort de perruques pelucheuses, d’os, de couronnes de fleurs pas mortuaires et un Cupidon flashy avec son truc en plumes de « zoiseau » (Mireille, Michèle, Catherine, Jacqueline) bouillonnent de bouffonnerie, comme la grosse marmite du festin cannibalesque qui bout et trône sur la scène. Déjà l’humour visuel mettrait en bouche les plus mal embouchés.

Vent du soir d’Offenbach : Gare, « gore » au gorille !

     On salue encore une fois Luc Coadou qui a redonné à cette partition sinon perdue, en perdition, sans accompagnement, une instrumentation pleine de connaissance musicologique et de goût facétieux, hommage intelligent et plein d’humour à Offenbach. Postérieure d’un an à la première, sur un livret de Philippe Gille, cette opérette anticipe les « grands » Offenbach par l’imagination mélodique, parodique, le jeu sur les mots et un sujet de farce, littéralement, plus ou moins savoureuse pour les gourmands et gourmets, au menu de ce festin cannibalesque qui frappe sans rester sur l’estomac.
    Histoire succulente (selon les goûts !) : guerre tribale et gastronomique, anthropophagique, entre les Gros-Loulous (chef —chef cuistot—Vent du soir) et les Papas-Toutous, dont le chef est Lapin-Courageux, rêvant d’alliance matrimoniale entre fille et fils, après que chacun a consommé (plaisante image de l’adultère croisé), boulotté, mangé, dévoré, sinon digéré —échange de bons procédés— la femme de l’autre. Bref, papa contre papa, Papas-Toutous de Papouasie et pas de papous dans la tête affublée, pour chacun, d’énormes toisons capillaires à faire rêver un chauve (une nuit sur un mont) ornées, sinon de cornes chères au vaudeville, de fourchettes, de cuillères, d’os, d’ossements et de reliefs de plumes autant que de poils. En somme, qui paiera l’addition du repas, qui mangera qui ? Ce sera un gorille chu du statut de dieu dans le potage et partage d’une communion culinaro-religieuse, à grand renfort d’os tirés du bouillon : gore au gorille !
       Il y a aussi le gandin qui, rêvant de faire passer la fille à la casserole, risque de finir dans la marmite, dégusté par les convives et son propre père (« Il a mangé son rejeton ! »). C’est tout un jeu dont le gros comique, comme le gros sel de l’assaisonnement, est nourri, c’est le mot, par des sous-entendus, des doubles sens, un second degré de l’effet le plus drôle où « passer à table » est littéralement « passer dans la table », faire partie du menu.
       Les noms des personnages sont déjà un programme : Vent du soir, campé par un Mikhael Piccone survolté, vrai tempérament comique en prose comme en chant, superbe baryton et irrésistible acteur, grimaçant, grinçant des dents ; il prend l’accent pagnolesque et méridional de César aux « quatre tiers », a la grandeur gaullienne d’un « Je vous ai compris », à qui Denis Mignien, ténor (qui en ouverture a dignement défendu les intermittents), lui donne une inénarrable réplique en nordique ch’ti authentique, tandis qu'Atala (tentante et légère vamp, clin d’œil malicieux à l’héroïne empesée et pesante de Chateaubriand) incarnée en belle chair par Émilie Cavallo, débutante aussi, belle voix de soprano et belle silhouette alanguie en des poses hollywoodiennes et des intonations parisiennes sophistiquées, met en appétit l’Arthur, blanc bec pour qui il n’est bon bec que de Paris, interprété par Guilhem Chalbos, beau ténor au timbre chaud, chaud lapin naufragé , ex friqué en frac défroqué et claqué chapeau à claque (sinon tête), visage d’une extrême mobilité comme son mobile corps bondissant de jeune premier à l’américaine.
     Les autres personnages, joués par les chanteurs  de la première partie, sont tous encore excellents Pa-Peigné-Dutout (Pierre Espiaut), La Belle-Kapasson-Fer (Marion Rybaka), La Belle-Kasson-Fer (Claire Devy), sans compter un gorille en chair et… en os (Gérard Nauguet),
    La juvénile troupe joue, chante, danse dans un rythme effréné et une bonne humour contagieuse : on rit (à tripes déployées dirait-on) à cette ripaille et tripaille menée à un train d’enfer par le meneur de jeu Bernard Grimonet. Un spectacle à s’en lécher les doigts qui mériterait de tourner pour apporter un peu de rose dans cette France morose.

L’OpérA/uvillage
Pourrières,
20, 22, 24, 26, 28 juillet
Les Pantins de Violette d’Adolphe Adam et Vent du soir de Jacques Offenbach.
Direction musicale : Luc Coadou.
 Mise en scène : Bernard Grimonet.
 Scénographie : Jean de Gaspary et Bernard Grimonet.
Avec, par ordre d’apparition :
Pierre Espiaut, Marion Rybaka, Claire Devy, Denis Mignien.
Mikhael Piccone, Émilie Cavallo, Guilhem Chalbos, Pierre Espiaut, Marion Ribaka, Claire Devy, Denis Mignien.
􏰁􏰁􏰁􏰁Renseignements 06 98 31 42 06 – contact@loperaauvillage.fr
Exposition « L’Opéra au Village fête ses dix ans ».

Photos : Bernard Grimonet 

I. Les Pantins de Violette :
1. Marion Rybaka et Claire Devy ;
2. Marion Rybaka et Pierre Espiaut ;
3. Pierre Espiaut en Alcofribas.

II. Vent du soir :
1. Mikhael Piccone et Denis Mignien ;
2. Guilhem Chalbos et  Émilie Cavallo ;
3. Mikhael Piccone et Émilie Cavallo ;
4. Mikhael Piccone et Denis Mignien et la marmite.



























mardi, juillet 29, 2014

FESTIVAL CÔTÉ JARDIN


Mise en scène............................................Gérard Chambre
Lumières..........................................Marc-Antoine Vellutini
Régie Générale............................................Claudine Garcia
​Distribution :
Carmen : Nona Javakhidze ; Micaëla : Naïra Abrahamyan ;
Frasquita
 : Florence Barbara ; Mercédès : Rosemonde Bruno ; Don José : Jean-Noël Briend ; Escamillo : Norbert Dol ; Zúñiga : Antoine Abello ;
Moralès
 : Wilfried Tissot ; Dancaïre : Jean-Michel Muscat ; Remendado : Cédric Brigone.
Orchestre et Chœur de la Région Paca, direction Geoffroy Styles



OPERA CÔTÉ JARDIN :  CARMEN, de Bizet, les 9 et 12 août à Gémenos et au Lavandou. 
Prix unique : 34 €; enfants : 12 €
Téléphone :  04 94 41 43 39, 
Réservations à la FNAC et dans les centres commerciaux, Auchan, Géant, etc


dimanche, juillet 20, 2014

FESTIVAL CRUCIFIÉ


 I

Enregistrement 26/05/2014, passage, semaine du 9/06/2014
RADIO DIALOGUE (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 132
 Lundi : 10h45 et 17h45 ; samedi : 12h45

Festival de Marseille (19 juin/ 12 juillet)

ÉTHIQUE ET ESTHÉTIQUE D’UN FESTIVAL

On ne peut que présenter dans ses grandes lignes Le Festival de Marseille de la danse et des arts multiples (19 juin/ 12 juillet), centré sur la danse, certes, mais qui n’en oublie jamais le théâtre, le cinéma, et tous les arts, visuels, qui gravitent autour de la chorégraphie.
    Le dix-neuvième Festival de Marseille, je le répète, déploie des fastes à la fois populaires et savants : populaire, normal, naturel comme peut l’être tout mouvement, tout geste, de tous les jours, qui peut s’épurer en rythme, en danse plus consciente, se styliser en chorégraphie savante. Depuis 1996 qu’elle en assure la direction, Apolline Quintrand en assume l’âme, profondément marseillaise mais universaliste pour une Marseille désormais close en ses ambitions coloniales d’autrefois, mais ouverte aux quatre vents de la culture d’aujourd’hui, de la rose des vents du monde. Dans l’impossibilité d’en énumérer les quatorze spectacles, dont des créations mondiales ou françaises, des artistes prestigieux internationalement et des moins connus qui seront des révélations (on peut aisément retrouver sur le site du festival, avec des extraits filmés) il y a un aspect fondamental que je me fais un devoir de présenter. Ce festival, loin d’être un simple divertissement, est une grande aventure artistique à la fois esthétique et éthique.
    D’abord, c’est la priorité qu’il se donne : l’accès à la culture pour le plus grand nombre. Dans un monde surinformé mais où il est facile de se croire sourd en se bouchant les oreilles ou aveugle en fermant les yeux, ce festival, nomade mais si ancré chez nous, ouvert aux quatre horizons, ouvre grand les yeux sur la morale et la politique au sens le plus noble du terme. Le Festival de Marseille est un festival engagé socialement, soit par le biais de la charte culture permettant aux marseillais défavorisés d’accéder à la culture pour 1€ symbolique, ou grâce à sa politique d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.

    Ce festival, donc, porte une attention toute particulière aux personnes en difficulté sensorielle ou motrice. Et, symboliquement, voyez, si je puis dire à la radio, le beau cahier rouge du programme ; on passe les mains dessus et, de minuscules points surprennent le tact : c’est en écriture française Braille pour les malvoyants (3500 programmes en braille ont été imprimés) qui bénéficieront du concours  de « Souffleurs d’images » professionnels et de spectacles en audio description. Les spectateurs sourds auront des transcriptions en « Langage des signes », et les malentendants, des amplificateurs personnels de sons. Quant aux personnes à mobilité réduite, l’accessibilité à tous les spectacles leur est facilitée. Mais le Festival propose aussi une réflexion profonde sur le handicap, souvent redoublé par le regard de l’autre qui marginalise celui qui en est frappé. J’invite donc au spectacle, symboliquement gratuit Attention fragile, dans lequel le danseur et chorégraphe Éric Languet, offre à un danseur en fauteuil roulant, un bouleversant duo avec une danseuse. C’est les 23 et 24 juin, Théâtre Joliette esplanade de la Minoterie à 19 heures.
     Nous nous quittons avec le motet Nisi dominus de Vivaldi, qui illuminera le spectacle  le Diario de una crucifixión car la compagnie colombienne l’Explose, chanté par Teresa Berganza.

FESTIVAL DE MARSEILLE : 04 91 99 02 50, FESTIVALDEMARSEILLE.COM
Le festival organise aussi des ateliers de pratique artistique, des rencontres avec les artistes, des répétitions publiques, des cycles de projections... des actions éducatives et culturelles dans de nombreux quartiers qui touchent aussi bien les scolaires que le grand public, les plus jeunes, comme les plus anciens.

II

C'est eu égard à cette éthique du Festival, toujours ouvert sur la société et ses problèmes, ayant d'emblée marqué sa solidarité naturelle avec les damnés de la culture sans lesquels rien ne se peut faire, que la tempête de la crise des intermittents l'a frappé avec un excès qui ne peut que paraître injuste dans la justice pourtant réelle des revendications. 
Le Festival, dont les deux tiers des représentations ont été annulées, semble avoir payé d'être venu trop tôt dans la saison dans un conflit trop tard jaugé par un gouvernement aujourd'hui sourd à des revendications qu'il affectait de soutenir hier, signant le 26 une convention contestée qui mit le feu aux poudres.
De la sorte, le 19 e   Festival de Marseille,  s'est ouvert et fermé le 19 juin sur une représentation empêchée par un mouvement de grève. Cette symbolique ouverture/fermeture n'aura pas suffi aux grévistes, souvent minoritaires : sur les 24 représentations prévues seules 8 ont pu être jouées, seules 5000 places ont pu être honorées sur les 15 000 disponibles. Résultat : une perte de recette de 120 000 € et le risque de compromettre l'avenir, le  Festival de 2015, qui devait fêter  sont 20 e anniversaire.
C'est non sans amertume que sa Directrice, Apolline Quintrand, tout en réaffirmant son indéfectible solidarité avec les intermittents, ayant d'ailleurs signé une lettre au gouvernement avec ses pairs directeurs d'autres Festival, dont les Chorégies d'Orange, regrette que l'on ait rejeté ses propositions de compromis à la fois politique et artistiques :


   « Pour moi, il fallait adosser les revendications légitimes des intermittents aux œuvres des artistes et à leur  prise de parole particulièrement politique et engagée cette année. C’est à cet endroit que se situait l’acte le plus fort en termes d’engagement, de résistance, de fraternité.
    Malgré l’'envie de jouer des artistes, toutes nos tentatives de dialogue se sont heurtées à l’inflexibilité d’une partie de nos salariés et de leurs appuis syndicaux qui ont, par exemple, violemment interdit au public d’accéder à un spectacle où se produisaient, avec une majorité de techniciens non-grévistes, de jeunes danseurs colombiens venus pour la première fois en Europe. Et que dire de la fin de non recevoir qu’ont vécu les danseurs palestiniens ou sud-africains…
    J’observe également que le Festival de Marseille a été soumis à des pressions démesurées pour une association loi 1901 subventionnée, engagée artistiquement et qui, ces dix dernières années, a assuré plus de 70 000  heures  de travail aux techniciens du Festival dans des conditions de sécurité et de respect intégral du droit du travail. »

   D'autres festivals, venus plus tard dans la saison, tel Montpellier Danse où 80% des spectacles ont pu être donnés, se sont mieux tirés du conflit que le Printemps des comédiens de Montpellier et le Festival de Marseille, qui ont payé le prix fort de ces crispations, souvent suicidaires, d'artistes désespérés qui scient ainsi leur branche, tout comme le gouvernement scie, sciemment ou bêtement, celle de son électorat.
   Fort heureusement, les deux derniers spectacles, exceptionnels,  Diario de una crucifixión de Tino Fernández et Bosque Ardora de Rocío Molina, avant-première à la création mondiale, ont clos ce festival perturbé sur la qualité qui en est la marque de fabrique.

III
Diario de una crucifixión
(Journal d'une crucifixion) 
de Tino Fernández
    Né en  Espagne, formé à Paris et installé en Colombie, Tino Fernández, à Marseille, a offert, a souffert un solo de 55 minutes  d'une intensité plastique, picturale, humaine, bouleversante.
   Dans le petit théâtre du Lacydon, ancienne chapelle voûtée de deux croisées d'ogives, une scène surmontée d'un crucifix comme relique de son passé religieux, tel un reliquaire immense, une sorte de châsse transparente, un cube vitré. À cour de la scène, une niche vide de statue diffuse une vague lumière. Arrive le protagoniste, qui se dépouille de ses vêtements, véritable expolio qui dévoile un corps émacié, un visage christique souligné par le triangle d'une courte barbe noire : une figure ascétique du Greco.

  Sur le "Cum dederit…" du Nisi dominus de Vivaldi, au mouvement berçant de barcarolle, l'homme, entré dans sa cage de verre, enfile une aube blanche, passe un rochet, un camail rouge : sur un siège, il devient pape sous nos yeux, celui de Velázquez revu par Bacon. Il déclame, un pendentif à la main comme un pendule, du latin emphatique, prophétique profération, joue avec son reflet, image de tableaux baroques. Mains, étoiles déployées sur bras dolents, indolents de tableaux maniéristes sur la déploration désespérée de Pamina : "Ach, ich fühl's…" Il se dépouille de ses vêtements liturgiques. La musique devient acousmatique, haletante, hypnotique et l'homme, arraché à ses vains oripeaux, comme un convulsionnaire, comme à son corps défendant ou défendu, s'offre et souffre, passe par toutes les poses à la fois doloristes et érotiques des ascètes et martyrs torturés des sadiques et masochistes peintures baroques de Ribera, de Caravage
  Le rythme s'accélère et ce sont des torsions, des contorsions, des commotions et émotions du corps heurté contre la barrière de verre qui empêche sans doute un envol de l'enveloppe charnelle libérée de sa consistance terrestre et, les vêtements enfuis, c'est comme s'il voulait se libérer aussi de sa peau, de son corps, devenir peut-être esprit, simple souffle que l'on entend entre gémissement ou plaisir. Simulacre de castration, extrême sudation qui évoque le suaire: il extrait une fiole, l'emplit de sa sueur et, comme une relique, la colle sur la paroi du verre embué de la transpiration de sa transe.
    Il s'extrait enfin de sa cage de verre et se rhabille et s'en va après cette parenthèse de christique cristal où le physique a dit le métaphysique. On reste le souffle coupé.

Photo du festival.














LES INDES GALANTES


Enregistrement 2/06/2014, passage, semaine du 23/06/2014
RADIO DIALOGUE (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 134
 Lundi : 10h45 et 17h45 ; samedi : 12h45

    À l'écoute, aujourd'hui, des extraits de l'opéra-ballet Les Indes galantes, de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) dont on commémore le 250e anniversaire de la mort. Cette année Rameau est donc lancée par cet événement, Les Indes Galantes, un enregistrement de la Simphonie et le Chœur du Marais sous la direction d’Hugo Reyne, un beau coffret de 3 CD  d’une durée totale de 3h22 de musique, assorti d’un livret très fourni, passionnant, de 120 pages, bilingue français-anglais, sous le label fameux de la Chabotterie. Ce disque, qui vient de sortir, est l’enregistrement « live », d’un concert donné au Konzerthaus de Vienne en 2013. 

    Hugo Reyne nous a déjà habitué à ces captations en direct avec son magnifique concert Corelli en l’église de Saint-Louis-des-Français de Rome dont nous avons parlé : avec la présence, plus ou moins sensible du public à l’écoute, le direct, s’il peut pâtir de quelques inégalités techniques ou musicales, inhérentes à l’art vivant consommé et goûté sur place, sans pâlir, a l’avantage inappréciable d’une vivacité, donc, d’une vie, d’une chaleur que n’a jamais la perfection  souvent glacée de laboratoire d’un enregistrement réalisé en studio. Comme la nourriture fraîche, l’enregistrement sur le vif, qui ne peut tricher, a donc une saveur et une vérité que ne peut avoir la mise en boîte, en conserve, d’un enregistrement en studio.
    Même, si pour son œuvre lyrique, assez tardive, il est l’héritier du Florentin Lully qui créa la tragédie lyrique à la française, accordant une place importante aux chœurs, aux danses et aux effets de machinerie, Rameau est l'un des plus grands musiciens français avant le XIXe siècle, le plus grand représentant du Baroque à la française, opposé à l’italianisme musical et vocal qui règne presque sans partage dans toute l’Europe.
    On peut écouter avec quelle intensité il exprime musicalement et vocalement une tempête dans cet extrait des Indes galantes, opéra-ballet, un air que l’on dirait, en italien, di paragone, de comparaison, tradition baroque, puisque l’orage de la nature traduit la rage, la peur, l’épouvante, de l’héroïne Émilie, de la Première entrée, « le Turc généreux », chantée ici par Stéphanie Révidat.
    Les Indes galantes sont un divertissement dans la tradition de l'opéra-ballet mis au point par l’Aixois André Campra en 1697 avec le Carnaval de Venise et l’Europe galante mais situées dans des Indes très approximatives de Turquie, en Perse, au Pérou chez les Incas et l’Amérique du nord. L’intrigue est des plus minces : une juxtaposition de petits drames sentimentaux, de rivalités amoureuses, par exemple entre Huascar, le prêtre inca et le conquistador espagnol, entre le Français Damon et l’Espagnol Alvar, prétexte à une petite dissertation sur ce que l’on appelait alors «l’amour à l’espagnole », jaloux et passionné (paradoxalement rien à voir avec Don Juan), et l’amour léger du Français donjuanesque, volage (« Vous aimez trop », « et vous, vous n’aimez pas assez », dira respectivement la sage Zima indienne à ses deux prétendants, leur préférant le peau-rouge Adario. Mais, pour relativement indifférente qu’elle soit à la trame dramatique, la musique de Rameau, dans la pure filiation baroque, s’applique à la traduction, par la musique, de toutes les situations théâtrales, des passions, des sentiments humains, bref, des affects. Sans chercher un arrière-plan sociologique ou politique, on remarquera cependant que le livret de Louis Fuzelier pour ces Indes galantes, offre un petit moment d’évocation historique : la destruction des temples incasique du soleil par les Espagnols. C’est l’air  plein de noblesse de Huascar chanté par le baryton-basse Aimery Lefèvre, plage 8.
  Un Inca apparemment préoccupé plus par sa rivalité amoureuse que guerrière avec l’envahisseur espagnol. Mais, au-delà de l’anecdote frivole, on goûte encore cette métaphore de l’amour inconstant symbolisé par le papillon, chanté par Fatime, à laquelle Valérie Gabail prête sa voix fruitée dans la troisième entrée, « Les fleurs », « Fête persane », plage 8.
   Autant que par ses pièces de clavecin, avant cette œuvre de 1735-36, Rameau était connu comme un théoricien pour son premier traité sur l'harmonie (Traité de l'harmonie réduite à ses principes naturels publié en 1722), dans la tradition de la théorie cartésienne, alliant mathématique et musique. Une musique savante qu'il avait la prétention d'élever au rang le plus haut de la philosophie, qui lui aliéna la sympathie première des philosophes encyclopédistes à son égard!
   Il avait triomphé en 1733, à cinquante ans, dans le théâtre lyrique avec Hippolyte et Aricie, sur un livret de l’abbé Pellegrin, librement inspiré de la Phèdre de Racine. Mais il déconcertait  par la modernité et la complexité d’une musique trop harmonique que lui reprochera abusivement plus tard Jean-Jacques Rousseau, la qualifiant de "baroque", terme d'origine portugaise pour désigner la perle irrégulière, attesté par le Dictionnaire de Furetière de 1690, et que Rousseau, piètre musicien simpliste, est l'un des premiers à employer dans un sens péjoratif, méprisant, qui traîne encore, hélas, dans les seuls dictionnaires français et la bouche de certains politiques, attardés et ignorants du sens esthétique du mot.
    Autre défaut qu'on lui impute : Rameau emploie une musique des plus novatrices en l’appliquant à la forme considérée comme surannée de la tragédie lyrique lullyste, avec ses intrigues dramatiques, mythologiques, sans cesse interrompues par des danses, des « entrées », et des « effets spéciaux » sur des livrets indigents. Rameau protestait et déclarait que, si on l’ennuyait sur ses livrets, il serait capable de mettre en musique La Gazette de Lausanne. Malheureusement, le génial mais irascible compositeur n'écrira jamais de musique sur le livret Samson que rêvait de lui écrire Voltaire.
Le mince canevas Les Indes galantes sert essentiellement à introduire un « grand spectacle » où les costumes somptueux, les décors, les machineries (tempête, tremblement de terre, orage), et surtout la danse, tiennent un rôle principal. C’est une image insouciante d’une société raffinée, vouée aux plaisirs et à la galanterie, reflet de Louis XV et de sa cour et même la présence de Polonais, d’airs, de danses polonaises, sont un hommage à l’épouse polonaise du roi, Marie Leczynska. Une société qui ignore encore qu’elle danse sur un volcan. Et non de théâtre comme celui qui fait frémir délicieusement le public de cet opéra exotique dans l'épisode du Pérou.
     Nous nous quittons sur la célèbre danse du calumet de la paix, l’entrée des « Sauvages », tels que se les figurait cette frivole société et l’on appréciera la joie rythmique contagieuse,grisante, exaltante,  que lui donne Hugo Reyne, plage 30.  Un régal pour les oreilles. Qui se rêvent des yeux.


jeudi, juillet 17, 2014

CHORÉGIES D'ORANGE



CHORÉGIES D’ORANGE

SANS PIEDS D’ARGILE,
NABUCCO (1842)
Opéra en quatre actes

Livret de Temistocle Solera, d’après Nabuchodonosor (1836),
 drame d’Auguste Anicet-Bourgeois et Francis Cornue,
musique de Giuseppe Verdi
9 juillet 2014

    Vent, orages, rage justifiée des intermittents, inclémence de la température, sans pré-générale et générale la veille même du spectacle, exposant la générosité des chanteurs, au pied du mur, le Nabucco d’Orange aura triomphé de tous les obstacles.

L’œuvre : conflit au Proche-Orient
    Premier succès d’un Verdi malheureux, frappé par l’insuccès et le deuil familial, la perte de femme et enfants, mais prémices des chef-d’œuvres à venir :  Nabuchodonosor, à l’origine, raccourci en Nabucco, créé en 1842 à la Scala de Milan.
     L’ouvrage est fondé sur le conflit, hélas toujours brûlant, entre Israël et les peuples voisins, en l’occurrence, ici, les  puissants Chaldéens et leur monarque Nabuchodonosor, qui prend d’assaut Jérusalem, et déporte à Babylone les Juifs : une déportation, déjà… Épisode biblique très romantiquement romancé par une invraisemblable histoire amoureuse entre la fille de Nabucco, Fenena, otage des Hébreux et amoureuse de l’un d’eux, Ismaele, connu, symétrie forcée oblige, quand il était prisonnier à la cour de Babylone, lieu de toutes les impossibles rencontres : en somme, une version  nouvelle, inter communautaire et raciale de Pyrame et Thisbé, tragiques amants babyloniens, anticipation de Roméo et Juliette.
S’ajoute la passion frustrée pour le même Hébreux d’Abigaille, sœur supposée et rivale de Fenena, pour qu’une fois au moins la soprano perturbe les amours de la mezzo avec le ténor, par ailleurs ambitieuse concurrente de son soi-disant père Nabucco, auquel elle ravit un moment le trône, alors qu’elle n’est qu’une esclave. 


C’est le seul vrai caractère de l’opéra, ambitieuse pratiquement jusqu’au régicide, au parricide, au déicide, puisque Nabucco est son roi, son père et un dieu tel qu’il s’est décrété. Un conflit d’autorité brutale Père/Fille qui renverse d’avance le duo Rigoletto/Gilda trop poli pour être honnête : père emprisonné ici pour fille séquestrée là. Invraisemblances romantiques contre une vérité profonde de la musique. 

C’est en effet le chœur, célèbre d’emblée, chanté par les Hébreux déportés et esclaves à Babylone, qui assura le succès de l’œuvre : « Va pensiero… », évoque tendrement et doucement, avec une poignante nostalgie, le pays lointain et perdu (« Ô, ma Patrie, si belle… »). Il devint vite l’hymne national révolutionnaire d’une Italie pas encore unifiée, sous la coupe autrichienne : VIVA VERDI ! écrivaient sur les murs les Milanais insurgés contre l’Autriche, qu’il fallait lire comme « Vive Vittore Emmanuelle Re DItalia », le monarque qui fera l’unité italienne. Spontanément, les milliers d’Italiens suivant le cortège mortuaire de Verdi en 1901 entonnèrent ce chant devenu une sorte d’hymne national, sinon officiel, du cœur.

Nabuchodonosor : colosse aux pieds d’argile
     Il s’agit de Nabuchodonosor II, régnant à Babylone, entre 604 et 562  avant J. C., héros paradoxal. C’est le roi bâtisseur des fameux jardins suspendus de Babylone, l’une des sept merveilles du monde de l’Antiquité. Il est immortalisé par la Bible, par le Livre de Daniel. Son prestige demeure si grand que Saddam Hussein se considérait lui-même comme un successeur héritier de la grandeur de Nabuchodonosor et avait placé l'inscription « Du roi Nabuchodonosor dans le règne de Saddam Hussein » sur les briques des murs de l'ancienne cité de Babylone (près de la Bagdad d’aujourd’hui) qu’il rêvait de reconstruire : tant de ruines dans cette Syrie d’aujourd’hui, Assyrie d'hier…
   Selon la Bible, (Da 1 :1-3), vainqueur des Juifs, Nabuchodonosor amena captifs, « Daniel, Ananias et Misael, qui étaient de race royale, et que le roi de Babylone fit élever à sa cour dans la langue et les sciences des Chaldéens, afin qu'ils pussent servir dans le palais. » On voit que ce monarque traite bien ses captifs, ses otages sans doute. Daniel, qui le raconte lui-même dans ce livre biblique, gagne la confiance de Nabuchodonosor, devient pratiquement son conseiller : un jour, au réveil, il lui explique le songe qui l’épouvante de la fameuse statue immense, d’or, d’argent, d’airain, mais aux pieds d’argile qu’une petite pierre tombée de la montagne, réduit en poudre. (Da 1 :1-44). D’où l’expression « un colosse aux pieds d’argile ».
   Le roi conquérant, maître du monde, dans sa superbe ville de Babylone, près de laquelle déjà fut érigée aux origines du monde la présomptueuse tour de Babel qui prétendait escalader le Ciel, méprisant la leçon de son rêve sur la statue colossale aux pieds d’argile, se fait construire une immense statue d’or, toujours selon Daniel, se déifiant lui-même :
   Il « fit publier par un héraut que tous ses sujets eussent à adorer cette statue […] sous peine, contre ceux qui y contreviendraient, d'être jetés dans une fournaise ardente. »

    Mais face au miracle des trois enfants juifs refusant de renier leur Dieu et de l’adorer, sauvés des flammes,

    « Alors Nabuchodonosor rendit gloire au Dieu [des enfants dont il] reconnut []a puissance et [l]a majesté, et ordonna que quiconque aurait proféré un blasphème contre le Seigneur, le Dieu des Hébreux, serait mis à mort, et sa maison changée en un lieu souillé et impur. Il éleva en dignité les trois Hébreux dans la province de Babylone, et donna un édit dans lequel il publia la grandeur du Dieu des Juifs, et raconta ce qui lui était arrivé ensuite du songe. »

    Ce Nabuchodonosor biblique reconnaissant la grandeur du Dieu des Hébreux était le thème et sujet bien connu de pièces sacrées et d’oratorios baroques. Ainsi, ce Nabucco, dialogo a sei voci (Messine, 1683) de Michelangelo Falvetti (1642–1692),  livret de Vincenzo Giattini récemment redécouvert et enregistré[1].

Réalisation
    On a d’abord un peu peur à lire la « Note », notable de longueur, exaltée de points d’exclamation, de Jean-Paul Scarpitta, qui signe mise en scène, décor et costumes, tant les intentions déclarées répondent souvent peu à l’attention éclairée du résultat. Mais la sobriété de l’ensemble, traité justement en oratorio eu égard à la faiblesse dramaturgique rassure vite.
   Devant le mur vide de toute décoration, l’équerre noire du plateau en bitume, signifiante matière locale du lieu supposé de l’action, puisque c’est le lac Asphaltite des Anciens, ou mer Morte, qui donne son nom à l’asphalte, que les extraordinaires lumières d’Urs Schönebaum font miroiter en flaques argentées : ombre et lumière incertaine, grisaille picturale entre rêve et réalité, sombre terre de deuil  et de cendre d’une ville assiégée et vite vaincue, envol, vol éperdu de mouettes blanches et grises, les femmes, et les noirs corbeaux, les hommes, châles, foulards rayés de gris, de rayures noires sur le blanc des vêtements flottants d’affolement et de vent d’une foule apeurée, prise au piège du Temple de Salomon par les assaillants. On connaît, bien plus tard, la terrible injonction de Foulque de Marseille aux croisés hésitant entre cathares et catholiques réfugiés dans la cathédrale de Béziers : 

« Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens. »
    
     
Temps peut-être moins barbares que le Moyen-Âge soi-disant chrétien, ou nécessités de la main-d’œuvre pour travaux colossaux dans la capitale chaldéenne, les Juifs prisonniers seront déportés —déjà la déportation comme inscrite dans des gènes par la cruauté de l’Histoire— à Babylone, sans doute pour les fameux et gigantesques jardins suspendus où on les retrouvera plus tard pour leur fameuse déploration de la patrie perdue. Pour l’heure, dos alternativement tourné, dans une discrimination hommes/femmes vers ce qui est devenu Mur des lamentations, avec des mouvements d’ailes de leurs bras impuissants, ils interpellent un Ciel muet, sans doute un Dieu absent, au pied de ce monument sans autre transcendance que la culture des hommes, et l’on pense à Vigny :

Le juste opposera le dédain à l'absence
Et ne répondra plus que par un froid silence
Au silence éternel de la divinité.

    Certes, on ne peut attendre de silence des chœurs, si animés ici. C’est peut-être la plus belle réussite de Scarpitta que son art de faire évoluer, voler dirait-on, en musique les grandes masses chorales et chromatiques dans ce clair-obscur, mélange d’ombre et de lumière à la Rembrandt, soudain éclairé par la tache rose de la robe de Fenena, la dorure du corsage vert d’Abigaille, d’abord vierge guerrière virile cuirassée de haine puis adoucie de la féminité de voiles volant au vent, devenant ténébrisme/luminisme caravagesque dans une lumière rasante, tranchante, qui isole l’onirique couple du Lévite et du Grand Prêtre de Juda. Les lumières d’Urs Schönebaum sont si dramatiquement belles et autosuffisantes qu’on en regrette presque les projections vidéos, pourtant intéressantes de Christophe Aubry et Julien Cano, et nécessaires pour situer les lieux de l’action, dont les briques qui habillent le mur pour signifier le palais chaldéen coloré après la grise austérité hébraïque.
    La même nécessité dramatique de contraste explicatif régit le choix des costumes des Chaldéens, luxueux d’un faste oriental, bleu des céramiques de la Grande Porte d’Ishtar à Babylone que l’on peut voir au musée Pergamon de Berlin, sur du vert acide, la rigidité des lances des soldats évoquant les fameuses fresques. L’ensemble a la simplicité narrative et manichéenne des bandes dessinées.

Interprétation
   La distribution, comme toujours à Orange est soignée, même dans les « seconds plans », dont on peut être assuré qu’ils seront ou ont été au premier plan et y reviendront. Ainsi, Marie-Adeline Henry est une belle Anna qu’on reverra avec plaisir, tout comme Luca Lombardo, dont on n’a plus à dire les qualités vocales et scéniques, en Abdallo épisodique. Dans cette œuvre, qui ne répond pas au schéma vocal habituel de l’opéra  romantique, le couple traditionnel de jeunes premiers, généralement ténor/soprano, devient ténor/mezzo, mais n’occupe pas le premier plan dramatique, n’ayant qu’un rôle anecdotique sentimental sans grande effusion lyrique, mais permet à Piero Pretti de déployer un beau métal ardent en Ismaele et à Karine Deshayes de séduire par la souplesse de sa voix d’ambre et d’ombre en Fenena. Dans le rôle terrible Abigaille, dont la tessiture embrasse le do grave et le do, le contre ut, aigu, avec un médium corsé de soprano dramatique et d’agilité, Martina Serafin assume et assure avec panache sa prise de rôle avec d’orageuses et rageuses vocalises et des aigus acérés sans acidité, avec d’une grande prestance scénique.
    Le contraste n’est est que plus grand, et peut-être plus dramatique entre cette fille virile au sens guerrier antique, avide de pouvoir, et le père impuissant, faible, désemparé, héros déchu, pris de folie, qu’est Nabucco : le baryton George Gagnidzé a une voix qui n’a pas le corps de sa corpulence, malgré une grande sensibilité, une sensible musicalité, un beau velours. D’emblée, il est touchant sans avoir été terrifiant, dieu à son crépuscule sans avoir connu d’aurore ou de zénith. À côté, l’apparemment vaincu Grand Prêtre hébreux, Zaccaria, est campé par un Dmitry Beloselskiy, triomphant, insoumis, indomptable,  qui se joue des abîmes et pics de sa partition, passant du fa grave au fa dièse aigu sans difficulté, sans perte de volume et de couleur. Digne basse adverse, Nicolas Courjal, en Grand prêtre de Baal, avec moins d’interventions vocales, impose la noirceur de sa magnifique voix et de ses desseins avec tout le talent scénique qu’on lui connaît.
     Mais Nabucco, rompant avec la tradition romantique lyrique, est déjà un opéra orchestral et choral et Pinchas Steinberg

, à la tête de l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon y donne toute sa mesure, faite de précision au cordeau et de nuances infimes qu’il sait faire surgir des divers pupitres. Déjà, l’ouverture, inhabituellement longue, ménage, tout en annonçant des thèmes, un suspense musical et annonce les conflits : accords feutrés des cuivres (malgré un flottement) comme un passé brumeux nostalgique, puis éclats de fureur, rythme haletant et explosant de l’ambition, galop effréné… Les chœurs, si nombreux, sont excellents et honorent leurs chefs respectifs. Pierre de touche attendu, le chœur « Va pensiero… », universelle déploration des exilés, est tout en douceur intime, déchirante, comme une déploration qui s’adresse moins au ciel qu’au plus secret du cœur.

Chorégies d’Orange, 9 et 12 juillet
Nabucco de G. Verdi
Direction musicale Pinchas Steinberg


Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon

 ; chœurs des Opéras de Région (Avignon, Montpellier, Nice, Toulon)

Mise en scène, décors, costumes Jean-Paul Scarpitta ; 
Eclairages Urs Schönebaum.
Distribution :
Abigaille : Martina Serafin ; ; Anna : Marie-Adeline Henry ; 

Nabucco : George Gagnidze ; 
Zaccaria : Dmitry Beloselskiy ; Ismaele : Piero Pretti ; Le Grand Prêtre de Baal : Nicolas Courjal
 ; Abdallo :  Luca Lombardo.

Photos : Philippe Gromelle :
1. Des Roméo et Juliette antiques : Ismaele (Piero Pretti ) et  Fenena  (Karine Deshayes
) ;
2. L'empêcheuse d'aimer en rond : Abigaille : Martina Serafin ;
3. Conflit père/fille : Nabucco (George Gagnidze) et Abigaille ;
4. Sort des otages : Zaccaria ( Dmitry Beloselskiy) menace Fenena ;
5. Abigaille et le Prêtre de Baal (Nicolas Kourjal) trament une solution finale : l'extermination des Juifs ; 6. Action commune de grâces au Dieu d'israël vainqueur.





[1] Par la Cappella Mediterranea dirigée par Leonardo García Alarcón, Chœur de chambre de Namur, label Ambronay.