mardi, avril 21, 2009

Cristina Branco

CRISTINA BRANCO

Musiques du monde-fado
Grand théâtre de Provence
2 avril 2009

Le fado

Le fado en portugais, hado en castillan, c’est le fatum latin, la fatalité, le destin. Le même mot se dérive dans la fée du français, hada en espagnol, fata en italien ; en ancien français, cela donne fada (touché par les fées), adopté en Provence. Au Portugal, fado désigne un chant auquel Amalia Rodrigues donna ses lettres de noblesse internationales et que des chanteuses comme Mísia et Cristina Branco renouvellent à leur manière, confiant à de grands auteurs ou poètes des textes nouveaux sur les airs anciens et en élargissant la palette sonore.
C’est une chanson urbaine essentiellement, portuaire (comme le tango), des bas quartiers, chantant le monde marginal des tavernes, des bordels, les marins en partance sans retour. D’où son fatalisme amer, nostalgique, brumeux. Mais le mode de vie fadiste, voyou, canaille bohème donne lieu à des fados plus joyeux ou satiriques.
L'apparition de la radio dans les années 1930, le fado scénique des revues, l'ordre moral et le nationalisme salazariste popularisent le fado dans tout le pays en inventant des variétés soi disant folkloriques et ancestrales, sainement paysannes, loin des miasmes citadins, une pseudo forme artistique spontanée de tout le peuple. Mais les recherches musicologiques sérieuses à partir des années 8O et 90, passé le moment de rejet à cause de la confusion du fado avec le régime fascisant de Salazar, ont remis certains mythes à leur place.
Il y a des polémiques sur ses origines et certains en exagèrent l’ancienneté, rêvant même d'un fado aristocratique, tentatives bien-pensantes pour gommer les origines louches gênantes de ces chansons nées dans les bas-fonds de Lisbonne. Mais les premiers témoignages ne remontent guère qu’à la deuxième partie du XIX e siècle : la musique est bien de cette époque pour les plus ancien fados connus, divisés simplement en fados en mode majeur et en mode mineur, ne sortant jamais de la moderne tonique/dominante, sans archaïsme ni particularisme musical très marqué comme le flamenco, certains étant simplement des slows, des fox-trot et autres danses contemporaines. C’est plus une thématique qu'une forme musicale précise et certains fados le précisent :

Amour, jalousie,
Cendres et feu,
Douleur et péché,
Tout cela existe,
Tout cela est triste,
Tout cela, c'est le fado. (Todo isto é fado, je traduis )

C’est la façon traditionnelle de le chanter, son style mélismatique qui lui donne une saveur faussement immémoriale et la grande Amalia, chantant n’importe quel refrain international en faisait, par son art vocal, le plus vrai des fados alors que Cristina Branco, par une certaine coquetterie interprétative moderniste, affadit parfois le fado, gommant les mélismes, et en fait une rengaine cosmopolite à défaut de portugaise.

Cristina Branco
Mais il est vrai qu’elle annonce la couleur : « Musiques du monde », le fado qu’elle inclut dans son programme n’étant qu’une parmi d’autre pour cette interprète amoureuse des grandes dames du jazz qu’elle rêvait de rejoindre. Elle voyage donc dans un vaste éventail musical sans lieu ni temps précis, qu’elle sert d’une voix large mais légère, lumineuse, nuancée, captivante, mais revient toujours à des amarres fadistes très sobres en mélismes, avec une belle diction, rare chez les interprètes de fados. Loin des rauques amertumes passées, son fado à elle s’est adouci de sourire, de grâce aérienne : il gagne en charme simple ce qu’il perd en dramatisme. Amalia était la tragédie antique, Cristina, sans renier hier, est d’aujourd’hui, élargit sa palette ancienne en jazzy, pop. Elle est accompagnée somptueusement par de magnifiques partenaires, Bernardo Couto à la guitare portugaise, Fernando Maia à la guitare basse, accompagnement traditionnel du fado mais élargi ici à la guitare acoustique d’Alexandre Silva et au piano de Ricardo Dias.
Les lumières (éclairagiste malheureusement inconnu), à peine quelques couleurs et images, sur fond noir en général, croisées, vaporeuses, en halo, l’auréolent, la drapent, tissent des voiles de brume, font des voiles de navire et nous prenons le large avec elle en impalpable poésie. Pour finir, pour bien montrer qu’elle en est capable, a cappella, elle se lance dans un long mélisme frémissant dans la pure tradition. Qu’on regrette un peu, il faut bien l’avouer.

Photo : Universal music

mardi, avril 14, 2009

CALIGULA

CALIGULA d’Albert Camus, Théâtre Gyptis 1 avril 2009

L’œuvre
Camus commence Caligula en 1938, après une lecture des Douze Césars de Suétone, destinant la pièce à son petit théâtre d’Alger, se réservant le rôle titre. Il retient de l’historien romain les débuts pacifiques du règne de l’empereur et le basculement de son univers, mental semble-t-il, à la mort de sa sœur et maîtresse Drusilla. Fin prête en 1941, la pièce est réécrite en 1943-44 et créée en 1945 avec Gérard Philippe en Caligula, vision romantique que la critique rapproche alors des personnages d’Hamlet, de Lorenzaccio, oubliant les proches tyrans, Mussolini, Hitler à peine disparus ou, moins voyant mais toujours présent, Franco, et, déjà bien criant, Staline.
Pour Camus, loin d’être une pièce philosophique, « Caligula est l’histoire d'un suicide supérieur», celui d’un être avide d’impossible qui pousse peu à peu son entourage (bien patient pourtant) à le tuer. Effectivement, nous voyons le héros, possédant tout, blasé de tout, demander la lune et imputer à crime l’impossibilité de ses courtisans à la lui offrir sur un plateau. Le pouvoir absolu lui donne les moyens pervers d’effacer les frontières entre dieux et hommes, bien et mal, d’expérimenter sur autrui les limites personnelles de sa liberté.
Mais petite liberté qui peut tout se permettre quand on a tous les pouvoirs, qui dévalue la prétendue grandeur de l’expérimentateur! Cette objection de bon sens n’est pourtant pas posée pas plus que celle de l’effacement entre dieux et hommes, bien et mal, qui rend au fond moralement indifférente l’expérience : s‘il n’y a ni transcendance divine ni immanente justice des hommes, il n’y a plus de transgression, à l’inverse d’un Sade cherchant subversivement à renverser le code moral par le mal systématique, trouvant le bonheur dans le crime.
Ce sont là d’immédiates remarques sur la pièce dont on voit vite, à son déséquilibre structurel entre un Caligula écrasant et les personnages vraiment secondaires, que c’était un numéro d’acteur, comédien et joueur, théâtre dans le théâtre, que visait Camus au départ, sans exactement le corriger au final.

La réalisation
Quelles que soient les qualités de la mise en scène de Laurent Zivéri, elle ne me paraît pas surmonter ce handicap.
Un beau décor (Jean-Paul Sanche et Vincent Lefévrez), habillé de lumières somptueuses (Pierre Vigna, qui signe aussi la musique sauf le chœur des bohémiennes de Traviata…) : quelques degrés, comme escortés d’une double haie de piliers, extrême stylisation antiquisante, montent vers un podium fermé d’une sorte de vaste lune métallique, scène de théâtre ou autel de sacrifice. Caligula, histrion à la Néron plus que Caligula de l’Histoire, s’y tiendra souvent, tandis qu’habilement, les courtisans, courtoisement, servilement, seront étagés sur les marches de ce pouvoir qui leur marche dessus : le lâche consentement de tous fait la force d’un seul, à trop plier, on prend le pli, on reste plié, au bas de l’échelle, ou entre haut et bas de la marche ou marchepied du pouvoir. Seul l’opposant Hélicon (remarquable Fabien Baïardi) semble se tenir debout, non courbé, sur l’équilibre horizontal plus net de sa position et du devant de la scène.
Tout ce monde est élégamment habillé (Catherine Ingrassia) dans des teintes terre de Sienne, de pantalons orientaux et de toges, résistant heureusement à la déjà vieille manie encore à la mode d’affubler les Romains de costumes trois pièces, même si l’on sacrifie ici à la vogue courante des pieds nus. On a plaisir, entre les actes, d’entendre la voix d’Albert Camus lisant son texte, malgré la redondance avec le jeu. Celui des acteurs secondaires, malgré le peu de densité que leur donne l'auteur, est bien traité, sensible chez Erica Rivolier (Caesonia), juste chez Vincent Lefèvre (Scipion) et Maud Jacquier et le reste de la troupe, Jean-François Bony, Patrick Denjean, Laurent Moreau, Christian Termis, qui ne sont guère plus que des silhouettes dont le sort ne peut guère émouvoir. D’autant que la disproportion de la pièce entre le héros central et les personnages falots et impuissants est accusée par le Caligula puissant de Jacques Rouvière, colosse qui pourrait être touchant de ses faiblesses, de sa faille intime. Mais sa trop grande puissance empêche cependant de la percevoir, sauf un bref moment, vers la fin. Un excès d’agitation, de mouvement, peut-être, diluent le texte, nuisent à sa diction et au flot de parole excessif que lui octroie Camus, qui noie les autres personnages dans le courant de cette discursivité, faiblesse dramatique de la pièce.
Tout est dit et peu montré, trop de paroles et pas assez d’actes. On suit, bien sûr, la pensée de Camus, démonstrative, didactique, mais le personnage en dit tant sur soi qu’il ne reste guère au spectateur à penser sur lui, à se pencher sur cette personne sans humaine ambiguïté porteuse d’interrogation, de trouble. Même la conclusion n’est pas donnée à trouver, elle nous est offerte par le héros lui-même :
« Mais qui oserait me condamner dans ce monde sans juge où personne n'est innocent ! »

Encore un beau truisme, facile à l’accepter tel quel. Surtout l’année même où s’ouvrait le procès de Nuremberg.
Cela dit, si ce texte trop explicite et sans mystère peut laisser sur sa faim le spectateur curieux de réflexion individuelle, il ne peut que ravir, aujourd’hui, un vaste public avide, plus que d’interrogation et de rumination personnelles, de consommation prédigérée, de prêt à porter et de prêt à penser.

Photos : J.-L. Charles

vendredi, avril 10, 2009

MARS EN BAROQUE




MARS EN BAROQUE 2009

Avril se découvre à peine d’un fil que « Mars en Baroque » a filé avec la fugacité dont se filent les rêves : six concerts, trois conférences d’introduction, du 17 au 25 mars dans l’écrin de la Chapelle Saint-Catherine, sauf un, excentré à Aix dans celle du Saint-Esprit : quelque vingt-cinq interprètes du plus haut niveau artistique et émotionnel pour un public conquis. Mais, hélas pour le chroniqueur, un grand vide entre les parenthèses du premier au dernier concert : Mars en baroque a été aussi riche en musique que prodigue en pollens pervers.
Cette cuvée printanière a couvé amoureusement deux compositeurs autour desquels s’est centré le festival, couplant la naissance de l’un, 1659 et la mort de l’autre cent après dans un même lieu, la Grande-Bretagne: Henry Purcell et Georg Friedrich Hændel, naissance et mort pour une même musique bien vivante dans une belle courbe évolutive d’un siècle de Baroque.

Concerto al Palazzo Ruspoli
À quelque chose malheur est bon, ou moins mauvais : faute de Céline Scheen (accident), soprano qu’on eût aimé découvrir, on dépêcha en urgence de Vienne María Cristina Kiehr qui n’est plus une découverte ici où le public l’a adoptée; faute de Mara Galassi et sa harpe merveilleuse, empêchée, nous découvrîmes Elena Spoti et la sienne, magique. Mais nous avions cependant, pour ce beau fruit musical, le noyau dur de Concerto Soave en la personne de ses fondateurs, María Cristina Kiehr et Jean-Marc Aymes, claveciniste, organiste, et Directeur artistique de Mars en Baroque, avec, à leurs deux ailes, Elena Spotti donc, et Gaetano Nasillo au violoncelle, deux brillantissimes représentants voyageurs de ce Baroque européen.
Ils eurent, en dehors des ensembles et du continuo, l’occasion de le prouver, le premier avec une belle sonate pour violoncelle d’Antonio Caldara dont il fit, d’un son large, généreux, admirer les couleurs, la chaleur et la nostalgie ; la seconde, avec une Suite en ré de Hændel pour la harpe, allemande arachnéenne, sarabande (folies d’Espagne) obsédante, courante primesautière et ces variations d’entrée variées sur « Lascia ch’io pianga », enfilait délicatement les perles d’une rosée de notes. À son tour, Jean-Marc Aymes, abandonnant direction et continuo, auréolé d’abord de la brume solaire d’un impalpable et libre prélude d’Alessandro Scarlatti, faisait mousser, ruisseler, vives ou alanguies, les notes d’une suite de pièces pour clavecin de Hændel.
Pour le chant, la cantate romaine était à l’honneur, d’abord Alessandro Scarlatti qui, en six cents pièces, en fixa le modèle, alternance de récitatifs et d’arie avec da capo, ici une introduction mélancolique en arabesques du clavecin auquel se joint la plainte tendre du violoncelle, annonçant celle de l’amante blessée du départ de l’aimé : voix pleine, médium corsé, timbre d’ombre et de lumière qui sait s’alléger de soupirs, ornements discrets et diction parfaite, tout l’art de María Cristina Kierh dans cette œuvre et la dernière du programme, sur le même inusable thème des adieux.
Entre les deux, la fameuse cantate Lucrezia de Hændel, cette forte femme, matrone romaine à la vertu exaltée à l’époque baroque tant par catholiques que protestants qui, refusant le culte des saints, leur préfèrent les figures exemplaires d’une Antiquité moralisante. Violée par Tarquin le Superbe, faute de pouvoir se venger, Lucrèce venge son honneur et celui de son époux sur soi-même, par le suicide : exemple offert aux femmes en une époque qui oublie que Saint Augustin lui-même trouvait excusables les femmes qui avaient pu trouver, malgré elles, du plaisir dans le viol subi lors du sac de Rome par Alaric… La cantatrice entre avec mesure dans la démesure vocale de la cantate, déchirée de sauts et de variations de dynamique piano, forte, pour exprimer le déchirement, l’indignation, la révolte, le désespoir et la froide résolution finale. Cependant, elle donne sa mesure interprétative dans une retenue dramatique de la dignité blessée qui ménage la montée en puissance de l’impuissance de ses imprécations, serrant les trilles comme les dents de rage, tenant sa ligne hérissée de vocalises menaçantes, transformée en superbe et vengeresse Némésis ou future Tosca donnant rendez-vous au lâche agresseur dans les enfers.
Belle soirée marseillaise pour une serata romaine chez le Prince Ruspoli.

Photos :
1. Jean-Marc Aymes, par Ève Brouet ;
2. María Cristina Kiehr.

jeudi, avril 09, 2009

JENUFA

JENUFA (1904)
de Leós Janácek
Opéra de Marseille, 5 avril 2009

Cette production d’Angers-Nantes Opéra avait obtenu le Prix Claude Rostand du syndicat Professionnel de la Critique en 2007, le public marseillais lui a fait un triomphe mérité. L’œuvre, exceptionnelle, a trouvé une scène et une fosse à sa hauteur.

L’œuvre
Le compositeur tchèque, bien que confiné dans sa province et accablé de travaux alimentaires, tira un efficace livret en élaguant une pièce de Gabriela Preissova, un sombre drame comme les affectionne, en cette fin de XIX e siècle, le naturalisme en littérature et le vérisme dans l’opéra : une fille séduite et abandonnée, enceinte, par le séducteur nanti ; un demi-frère rejeté et jaloux, une marâtre monstrueusement aimante et religieuse qui ira jusqu’au meurtre de l’enfant pour sauver sa conception de l’honneur, une communauté à la fois soudée et écrasante. Mais comme Madame Bovary ne serait qu’un roman de gare sur une femme coquette et légère sans le style de Flaubert, nous n’aurions là qu’une grosse tranche de vie bien saignante sans la musique de Janacek.
Connaisseur à l’évidence des courants les plus modernes de son temps, le compositeur donne cependant à sa musique un caractère qui n’appartient qu’à lui. Orchestre très nourri qui n’a pas oublié les leçons de Wagner, mais il n’en garde qu’une trame orchestrale très serrée, un fourmillement extraordinaire de motifs sans cesse changeants dans l’harmonie, le rythme, la mélodie, chacun répété de façon obsédante, lancinante, dans une sorte de continuum tel un flux de conscience ininterrompu qui dit dans la fosse ce que les héros n’osent peut-être pas dire entièrement sur scène, mais ce n’est pas une simple illustration musicale du chant, c’est un double et trouble révélateur moins de leurs pensées secrètes que de mobiles profonds, de leurs abîmes, qu’ils ignorent sans doute eux-mêmes, leurs failles intimes : violence folle de Laca, folie rigoriste de Kostelnicka, l’impitoyable et pitoyable sacristine criminelle. Très finement, Janácek notait les intensités et les variations d’accent de la langue parlée selon les émotions, les affects aurait-on dit à l’époque baroque. Cela donne de la sorte un naturel émotif à sa déclamation lyrique que le langage autonome de l’orchestre ne fait que porter à une incandescence parfois oppressante d’intensité.

La réalisation
On pourrait se cacher derrière le juste Prix reçu pour dire les mérites de la mise en scène du duo Patrice Caurier et Mosche Leiser. Mais on trahirait l’émotion causée par leur respect absolu de l’œuvre, sans besoin ridicule de moderniser tout son potentiel, intemporel, de violence : violence d’un monde clos, puis à huis-clos, d’une noirceur presque abstraite pour le décor (Christian Fenouillat) premier pour des personnages traités dans un grand réalisme visuel (pommes de terre épluchées) et psychologique: des êtres de chair et de sang, dans leur habits d’époque (Agostino Cavalca), mais de tout temps finalement, gris, couleurs sombres, à peine égayés par les vêtements folkloriques et les drapeaux. La sacristine a une tenue d’une sévérité d’acier, armure de son rigorisme moral, et Jenufa des gris tendres qui adoucissent encore sa blondeur de vulnérable victime sans défense. Sur cet univers sombre, les lumières (Christophe Forey) tombent et tranchent comme des lames de couteaux. Comme celui dont Laca ne cesse de tailler du bois et finira par taillader le visage de Jenufa. Une pile de bois bien rangé (ordre apparent) et sa hache mordante sur un billot, sa rage à couper les bûches, ses bottes, en disent long sur cette force intranquille qui le taraude et qui explose. Une petite niche avec une vierge illuminée s'encastre dans le piler de cet ordre moral écrasant, modeste lueur et de douceur féminine. Un pot de romarin symbolise l’espoir de lendemains heureux comme la lumière finale, claire, qui vient chasser les ténèbres des cœurs après l’aveu déchirant de culpabilité de Kostelnika, la sacristine infanticide au nom de la morale et de Dieu, auréolant le pardon de Jenufa, femme et mère blessée, auprès d’un Laca rédimé par l’amour. Le chœur, mouvant, malgré quelques danses folkloriques, prend des allures parfois terrifiantes de masse prête au lynchage.

L’interprétation
Elle est tout aussi admirable et l’on imagine la force de la direction d’acteurs à la puissance des interprètes. Même les secondaires sont des silhouettes parfaitement dessinées, de la bourgeoise engorgée et satisfaite femme du maire (Linda Ormiston), de la pimpante Karolka en habit rouge (Virginie Pochon), de l’impuissante Barena (Cécile Galois) à Jano (Malia Bendi Merad), enthousiaste pour la lecture enseignée par la gentille Jenufa. Contremaître et maire, Patrice Berger a un beau timbre chaud et profond.
Si le Steva de Jesús García en a la veulerie, sa voix en a malheureusement aussi la faiblesse, bien que joli timbre pour le ténorino joli cœur. Ténor dramatique, Hugh Smith a la voix de sa stature puissante, terrible, fracassante, effrayant de violence, mais pathétique d'amour rentré et rejeté dans ce monde de femmes, il est saisissant dans ce qu’on sent une folie amoureuse possiblement meurtrière, qui rendra plus bouleversante sa tendresse folle aussi. Olga Guryakova donne sa voix solide et blonde, ronde et tendre, à Jenufa de la race des victimes ou des héroïnes grandioses de la compassion envers un monde qui l’écrase. Entre elle et sa marâtre, la grand-mère (Sheila Nadler) est une touche de douceur compréhensive qui tisse des liens de solidarité dans cette société mâle dont les femmes sont victimes. Mais d’une froideur d’acier qui éclate déjà en violence en fracassant le violon festif, cuirassée dans ses préjugés, Kostelnicka, la sacristine, donc liée à l’église, ses rituels et ses dogmes, laisse entrevoir sa déchirure intime d’épouse autrefois malheureuse en refusant à sa Jenufa le riche mais ivrogne séducteur. Farouche héroïne digne de Bernarda Alba de Lorca, terrant vivante la jeune femme enceinte, puis noyant son enfant pour lui permettre un mariage salvateur mais hypocrite, tranchante, autoritaire, tourmentée, déchirée, hallucinée, contrite, Nadine Secunde est tout cela avec sa voix d’airain rouillée dans l'aigu, blessée en profondeur avec une vérité bouleversante.
Les chœurs, menés habilement par Pierre Iodice, interviennent par à coups complexes dans le discours si vif de l’action. À la tête de l’orchestre, Mark Shanahan caresse les motifs en cantilène ou berceuse de Jenufa, cisèle les thèmes lancinants, tourbillonnants, haletants, fait sonner la tempête des âmes dans nos cœurs, dans une tension extrême sans faiblesse du début à la fin : impressionnant.

Photos : Christian Dresse.
1. Jenufa, Kostalnika et la foule;
2. L'homme aimant, entre la victime et la meurtrière;
3. Un mariage comme un deuil.


samedi, avril 04, 2009

LA CLEMENZA DI TITO

LA CLEMENZA DI TITO
Livret de Mazzolà d’après Métastase, musique de Mozart
Opéra d'Avignon, 31 mars 2009

L’œuvre : despotes éclairés
Une calèche, sur les routes entre Vienne et Prague, poussière, cahots : on doit imaginer Mozart écrivant dans ces conditions, traçant à la hâte des notes, des airs et son élève Süssmayer des récitatifs pour l’opéra qu’on lui a commandé pour célébrer, le 6 septembre 1791, le couronnement comme Roi de Bohème de Léopold II, Empereur d’Autriche depuis 1790. Cette Clémence de Titus, opera seria dont il a abandonné le genre usé depuis longtemps, la légende veut qu’on l’ait imposé à un Mozart appauvri, trois mois avant sa mort, qui met entre parenthèses son dernier chef-d’œuvre, La Flûte enchantée, dont la première aura lieu le 30 septembre. Cependant, s’il paraît certain qu’il l’ait en gros bouclé en trois semaines, on ignore souvent qu’il semble y avoir songé bien avant, non seulement parce que l’air fameux de Vitellia, « Non piu di fiori… » avait été créé en récital dès avril par son amie Josepha Dusêk mais parce qu’il avait expressément demandé à Mazzolà, depuis longtemps, un remaniement du livret de Métastase de 1734, et déjà mis en musique par au moins 43 compositeurs dont Hasse et Gluck. D’autant que ce texte, qui sous déguisement antique transparent vante les vertus d’un despote éclairé, avait tout pour complaire à un Mozart porté par les idéaux de la maçonnerie, qui en transporte de sensibles signes symboliques dans cette œuvre aussi finale que la Flûte, même s’ils sont moins visibles: tonalités à trois bémols ou dièses, abondance de tierces, rythmes, répétitions ternaires, instruments ritualisés en « colonnes d’harmonie ».
Par ailleurs, Léopold II avait tout pour incarner le monarque éclairé, le roi philosophe rêvé depuis Platon et exhumé par le Siècle des Lumières : Grand-Duc de Toscane, il s’était signalé par ses réformes généreuses et libérales, décrétant, après l’abolition de la torture, celle de la peine de mort dans ses états, premier homme d’état de l’histoire à l’abolir, geste extraordinaire commémoré depuis 2000 par une centaine de villes « pour la vie » ans le monde entier. Malgré son tardif « Appel de Spilnitz » contre la Révolution française, il avait su résister aux pressions bellicistes immédiates des émigrés de la France révolutionnaire alors même que sa sœur Marie-Antoinette était en danger, partisan de monarchies constitutionnelles que sa mort précoce ne lui permit sans doute pas d’instaurer.
Ainsi, pouvait-on aisément identifier l’Empereur d’Autriche à Titus, « délices de l’univers » selon Suétone (on oublie qu’il a réduit dans le sang Jérusalem et rasé le temple de Salomon en 70, causant la diaspora des Juifs), qui renonce d’abord à l’amour de Bérénice pour ne pas déroger à la tradition romaine, qui renonce encore ici à la main de Servilia et qui pardonne à son ami Sextus d’avoir tenté de l’assassiner à l’instigation de la jalouse et ambitieuse Vitellia (fille de l’Empereur Vitellius) et d’avoir commis le sacrilège incendie du Capitole. Il peut, comme l’Auguste de Cinna dont s’inspire Métastase, déclarer aux conjurés :
« Auguste a tout appris et veut tout oublier. »
Phrase que Napoléon considérait comme de la plus haute politique.

La réalisation
Nouvelle production pour nouveaux interprètes, tous prenant le rôle pour la première fois. Le décor (Denis Fruchaud), jouant la simplicité rigide de lignes géométriques néo-classiques de l’époque, est d’autant mieux venu ici que la mode du néo-classicisme, rompant avec le crépuscule baroque du mousseux et rose rococo aux lignes galbées, était né des récentes découvertes de Pompéi et d’Herculanum, ensevelies par le Vésuve justement sous le règne de Titus qui accueillit avec bienveillance les rescapés. Quelques portants latéraux d’un blanc à la transparence irréelle de marbre, figurant de sortes de colonnes, encadrent des degrés blancs ascendant vers un fauteuil (Louis XIV…) doré, au velours de pourpre impériale, qui sera déplacé en fonction des situations, personnalisation simple mais forte du trône, ambitionné par l’intrigante Vitellia, mais vide, solitude irrémédiable du pouvoir. Des panneaux verticaux isoleront les méditations déchirantes des héros solitaires à l’avant-scène.
Les lumières (Marc Delamézière) habilleront de teintes dramatiques variées ce sobre lieu. Bien que beaux, dans des teintes de gris, de bleus sombres (sauf pour la pure et claire Servilia) et lie de vin, les costumes (Claude Masson), sont dans la banalité académique qui afflige les scènes depuis quarante ans : pantalons et vestes modernes pour les hommes, malgré les effets drapés de toge, et la cape rouge de l’Empereur sur une veste dans un style turc d’Europe centrale. Les robes des femmes pourraient bien être romaines, la mode ayant tant varié à Rome, sauf ces gants jusqu’au coude style Gilda. Le catogan de Sesto renvoie au XVIII e siècle, bref, mélanges chronologiques vus partout.
La mise en scène d'Alain Garichot est sobre à cette image, avec de beaux affrontements entre Vitellia et Sesto reculant sous son regard en montant à l’envers les marches, au risque de la chute dans les périlleuses vocalises. Les signes sont simples, trop dans ces dos trop souvent tournés et l’immobilité soudaine de certains personnages, mais on ne sent pas une forte direction d’acteurs, les personnages étant tous convenus dans cet opéra conventionnel, à part Sesto et, surtout, Vitellia, personnage terrible de femme avide de pouvoir, jalouse et cruelle, sadique même et manipulatrice, transformée ici en coquette légère auprès d’un amant naïf qu’elle pousse pourtant au complot et au crime.

L’interprétation
On admire l’homogénéité et la qualité vocale de tous. David Bizic, seule voix grave de l’œuvre, est un Publio au timbre noble et chaud. Dans le rôle travesti d’Annio, Marie Lenormand donne crédibilité et passion à un personnage falot et, avec une Servilia assortie (Caroline Mutel), toute en charme vocal, fait superbe couple et joli duo rappelant la naïveté délicieuse de celui de Pamina et Papageno, plein d’illusions simples sur l’amour. Titus a des airs terribles par la difficulté technique et, à part le récit de sa réflexion finale, par leur fadeur moralisante: le grand Gilles Ragon évite ce dernier piège en entrant en plein dans cette générosité multiple à toute épreuve avec un certain humour distancié, mais il n’évite pas toujours celui d’une tessiture mortelle en la nasalisant ,de façon certes expressive mais excessive, et de vocalises finales malaisées.
Avec son timbre moelleux et ductile, Ermonela Jaho gazouille d’abord ses récitatifs, minaudante à l’excès avec Sesto, mais dramatique et sombre lorsqu’elle est seule, déchirée de culpabilité dans son grand air en rondeau, terrible d’amplitude: elle n’en a pas les graves mais comme elle parvient de façon éblouissante à pratiquement murmurer l’aigu de ses folles guirlandes de vocalises, ses notes basses passent aussi comme des murmures. Sesto, Sextus, autre rôle travesti est le plus riche musicalement et le plus complexe : soumis de façon doloriste à cette terrible femme, plus maîtresse au sens sadique qu’au sens courtois du terme, acceptant pour elle d’aller tuer son ami et protecteur, il est déchiré par ses contradictions, trouvant dans l’aveu contrit une autre source de gratification masochiste : Karine Desayes, beau timbre de mezzo, s’en tire par un jeu juste, touchant, et triomphe vocalement non seulement de son grand air avec clarinette obligée et vocalises virtuoses (avec marches et aigus gravis de dos !) mais du grand récitatif obligé, merveilleusement expressif dramatiquement.
À la tête de l’Orchestre lyrique de Région Avignon-Provence dont il est directeur artistique, Jonathan Schiffman livre une partition limpide de cet opéra, sans doute moins complexe que d’autres de Mozart, mais la scène magnifique de l’incendie du Capitole où le duo se fait trio puis quatuor, avec chœurs en coulisses, haletante, dans un tempo angoissant, est d’une saisissante beauté. Une réussite.

Photos : ACM Studio Delestrade.
1. Jaho et Deshaies ;
2. Bizic, Jaho ;
3. Scène finale.









vendredi, avril 03, 2009

CADMUS ET HERMIONE

CADMUS ET HERMIONE
Opéra en cinq actes de Lully, livret de Quinault
Grand Théâtre de Provence
10 mars 2009

L’œuvre

La France vient tard au théâtre chanté qu’on appellera tardivement « opéra ». Les Florentins, croyant recréer la tragédie antique, avaient créé le genre à la fin du XVI e siècle : Monteverdi lui donnera ses lettres de noblesse en 1607 avec l’Orfeo. L’Espagne, vers 1620, avait connu le premier, La Selva sin amor, musique perdue, livret de Lope de Vega et vite s’en donnera une modalité propre : les passages en récité-chanté, recitar cantando, seront abandonnés au profit de passages parlés précédant les airs, comme dans les futurs singspiele allemands et l’opéra comique-français.
Cette œuvre n’est pas le premier opéra français comme on le raconte : deux ans avant, Cambert avait donné sa Pomone (1671) dont le succès considérable résonnait encore. C’est cependant le Florentin Lull(y)i qui, avec son coup l’éclat de Cadmus et Hermione (1673), sur un livret de Quinault, invente le premier opéra dit « à la française ». Si spécifiquement français, avec ses intermèdes dansés hérités du ballet de cour et son récitatif calqué sur la déclamation de la Champmeslé, actrice et maîtresse de Racine, plus attentif à la parole qu’aux rares airs, que, s’il perdure jusqu’à Rameau, ce type d’opéra ne s’exportera jamais hors de France, même si certaines formules musicales, notamment le type d’ouverture, en sont utilisées par Purcell et même Hændel. Quant à l’importance des machines pour créer des « effets spéciaux », la vogue en était déjà ancienne, et avait connu son apogée avec le fameux Ercole amante de Cavalli (1662) pour le mariage de Louis XIV et de l’infante d’Espagne, agrémenté d’une machinerie spectaculaire, suivi de la débauche de fêtes des Plaisirs de l’Ile enchantée durant une semaine (1664) en l’honneur de sa maîtresse Louise de la Vallière.
Le livret mêle la fable mythologique païenne, ses héros, au merveilleux chrétien hérité de l’Arioste (dragons, chevaliers géants, etc). Il conte la conquête d’Hermione, fille de Mars et de Vénus, donc sœur de Cupidon, par le prince Cadmus (frère d’Europe enlevée par Jupiter métamorphosé en taureau) après nombre d’aventures et mésaventures et interventions rivales de dieux. Le long prologue, avec paysans et satyres, est une allégorie du Roi-Soleil sous le déguisement d’Apollon sur son char volant terrassant le serpent Python, combat de l’ombre et de la lumière, célébration courtisane au modèle obligé, de l’aube d’un règne qui se veut solairement triomphant. Et qui rêve de devenir maître de cette Europe recherchée par le vainqueur Cadmus…

La réalisation
La nouveauté de cette production est son retour à l’ancien, tant pour les instruments et leur diapason (tailles et basses de violon, violes de gambe, théorbes, cornemuses, clavecins, etc) qu’à la tentative ambitieuse de reconstitution totale, des somptueux costumes d’époque à grand renfort de canons, plumets, panaches (Alain Blanchot) aux maquillages (Mathilde Benmoussa) à la scénographie reconstituée (Adeline Caron), aux peintures des toiles et cartons de décor (Antoine Fontaine) et à ces lumières naturelles de "décors plantés" (chandelles de la rampe que le jeu vaut largement). D’emblée, nous sommes par magie transportés en un autre lieu, un autre temps, même si ce refus de la technique moderne noie les visages dans une pénombre certes charmeuse mais peu propre à l’identification émotionnelle avec des héros perdus dans une brume visuelle. Les « effets spéciaux » jouent humoristiquement de ceux du temps : char volant d’Apollon, serpent télescopique digne de celui du Tamino de la Flûte enchantée, grotte devenant gueule enflammée de monstre digne des jardins de Bomarzo, floconneux nuages mobiles, etc.
Évidemment, si le public d’aujourd’hui a désormais les oreilles faites à la musique baroque, et Le Poème Harmonique de Vincent Dumestre, ses solistes, danseurs et chœur, en sont un des fleurons, si l’on connaît aujourd’hui la belle dance, la « gestique » et la prononciation baroques, jamais on n’avait tenté la gageure d’harmoniser le tout dans un même spectacle -le coup d’essai et coup de maître du Bourgeois gentilhomme n’offrait pas toutes les contraintes de cet opéra, déjà art total. C’est cela la première réussite de la mise en scène Benjamin Lazar. À la fluidité et au naturel de ces attitudes les moins naturelles qui soient, à la continuité harmonieuse entre danse (chorégraphie Gudrun Skamletz) et mouvements dansants des chœurs et chanteurs, on a du mal à imaginer le travail qu’il a dû imposer à cette vaste troupe de jeunes et admirables interprètes, tellement engagés dans cette aventure un peu folle.
On ne chipotera donc pas à Lazar ni à son maître l’ami Eugène Green sur les sources de toute cette prononciation dite « baroque » (certains textes de l’époque ironisent sur les r roulés des Espagnols, preuve peut-être qu’on ne les roulait pas partout…) ; on n’ira pas confronter cette « gestique » à l’action des rhétoriques, beaucoup plus élaborées, le jeu des mains étant considérablement plus complexe dans le code maniaque de Bulwer (1648) : avoir obtenu ce résultat des chanteurs et danseurs tient déjà du prodige. Un spectacle se juge à sa cohérence et à son effet, totalement convaincant ici : tout est harmonieux, de la musique à l'équilibre des voix, des danses aux gestes dansants et des couleurs. Ce n'est pas une simple reconstitution archéologique, ce sont des retrouvailles avec un vague souvenir estompé recoloré de la brume poétique de la mémoire.
Hermione (Claire Lefilliâtre) enguirlande sa voix fruitée de vocalises et enguirlande la frivolité de sa suivante (Angélique Noldus) , déjà Dorabella de Cosí. Cadmus a la belle noblesse du baryton héroïque (André Morsch) mais l’on regrette un peu que l’excès d’effet des affects coupe excessivement la belle ligne expressive de sa complainte « Belle Hermione, hélas, hélas !… » , qui en est diluée par trop de retenue dans la déclamation lyrique. Dans la tradition de l’opéra vénitien, calquée sur la comedia espagnole, le mélange des genres, qui se perdra malheureusement après dans la rigidification du modèle français de l’opéra, le couple de valets comiques (soldat poltron -on pense aussi à Papageno- et vieille nourrice érotomane jouée par un homme) est des plus réussis, comme ce spectacle.
Bref, avec ses décors de cartons découpés, décroissants dans une illusion de perspective, sa grotte/monstre, son serpent articulé, son char volant, ce spectacle, si savant mais bon enfant, fleure la magie naïve, littéralement, des livres d’enfants. Il fait nébuleusement émerger le rêve à partir de l’enfance d’un art qui, pour sophistiqué qu’il soit, nous ramène bienheureusement au charme émerveillé, justement, de l’enfance.



Photo : 1. Élizabeth Carecchio; 2 et 3 : Michel Chassat.



Direction musicale : Vincent Dumestre; orchestre, chœur et danseurs : Le Poème Harmonique ; chorégraphie : Gudrun Skamletz ; collaboration à la mise en scène : Louise Moaty ; chef de chœur : Daniel Bargier ; scénographie : Adeline Caron ; costumes : Alain Blanchot ; lumières Christophe Naillet.
Distribution : Cadmus : André Morsch ; Hermione : Claire Lefilliâtre ; Arbas / Pan : Arnaud Marzorati ; La Nourrice / dieu champêtre : Jean-François Lombard ; Charite / Melisse : Angélique Noldus ; Draco / Mars : Arnaud Richard.